Rompant avec le coutumier silence dans lequel il a choisi de se confiner depuis la «fin» de sa carrière politique, l'ancien président de la République, Chadli Bendjedid vient de faire parler de lui à travers son intervention devant une nombreuse assistance, jeudi dernier à Tarf, au colloque organisé en hommage au moudjahid Amara Laskri. Devant des centaines de personnes, essentiellement des moudjahidine, il est revenu sur certaines «vérités» qui sont les siennes. Comme un devoir moral qu'il s'était engagé à accomplir pour avoir bonne conscience, il s'est livré à des appréciations quant à certaines questions en liaison avec le devenir de la nation. «Pendant 12 ans, j'ai exercé le pouvoir. Je suis arrivé à la conviction que le système n'est plus valable et qu'il faut le changer pour ouvrir les portes à la jeunesse, et ce, pour qu'elle prenne les rênes du pouvoir et prenne son destin en main et non par la grâce de la légitimité historique», a-t-il lâché après avoir rectifié quelques déclarations et autres faits historiques liés à la révolution dans la région de l'Est algérien. Sur les événements du 5 octobre 1988, période où il était aux commandes de l'Etat, Chadli Bendjedid se défendra des thèses ayant expliqué l'origine de ce qui avait été qualifié au départ comme «un chahut de gamins» avant d'atteindre les proportions que l'on connaît. «Il faut savoir que j'ai engagé des réformes pour mettre en place un autre système. Des gens ont eu peur à cause des élections en perspective. J'ai été insulté et accusé à tort. J'ai dit la vérité. Je défie quiconque de dire le contraire. Les générations futures doivent connaître la vérité», dira-t-il avant de promettre d'autres «vérités» sur ce dossier sensible. «Je voulais instaurer un système parlementaire pour le retour à la souveraineté nationale et le rétablissement de la confiance entre gouvernés et gouvernants. Je dois dire la vérité devant vouspour les générations futures !» ajoutera-t-il. Sur son accession au pouvoir en 1979, il étonnera plus d'un en avouant que «toutes les responsabilités» lui ont été imposées : «Boumediene, sentant sa fin approcher, a demandé à ses proches et à certains membres du gouvernement de me confier la direction du pays. Auparavant, il m'avait demandé d'assurer la sécurité de l'Etat. Il faut savoir qu'il y avait 7 postulants à sa succession, dont 3 membres du Conseil de la révolution. Ce que je sais, c'est qu'une réunion des chefs militaires a eu lieu dans une école et que l'armée a décidé que moi seul devait succéder à Boumediene». L'invité du colloque de Tarf reviendra, par ailleurs, sur l'épisode de la tentative de coup d'Etat de Tahar Zbiri pour évincer Boumediene. Sentant arriver les événements, il dira s'être rendu au domicile de Zbiri pour lui signifier son refus de la violence. En vain. Deux jours plus tard, la tentative de putsch eut lieu et il dut intervenir en plaçant deux sections de «bazookistes» à El Affroun (Blida) pour arrêter la progression des chars en provenance de Chlef. «Tahar Zbiri au pouvoir, cela aurait été une vraie catastrophe !» ponctuera-t-il avant de relever l'assassinat de Saïd Abid, complice de Zbiri. Il reviendra aussi sur la rébellion de Chaabani contre le pouvoir de Ben Bella, laquelle rébellion avait été résolue «pacifiquement» walors que ce dernier avait exigé l'exécution du frondeur, fera-t-il savoir. Revenant sur la période post-indépendance, il justifiera son choix pour les armes pour la prise du pouvoir par des «dissensions inconciliables entre les responsables politiques». Fort heureusement, dira-t-il, cela ne s'est pas fait avec effusion du sang. Bendjedid saluera, à ce propos, la sagesse de Mohand Oulhadj qui avait permis d'«éviter le pire» lorsque les wilayas 3 et 4 ont voulu prendre les armes pour les empêcher, lui et Boumediene, d'entrer dans la capitale. «Nous avons en premier lieu contacté Boudiaf pour qu'il devienne le premier président de l'Algérie indépendante. Ce dernier a refusé au motif qu'il ne voulait pas être sous la tutelle de l'armée. Nous avons alors choisi Ben Bella. Tous les problèmes se sont déroulés dans l'Est algérien.A l'Ouest, il n'y avait rien», lâchera-t-il. Ces vérités lâchées et ces confessions faites, il reste à savoir pourquoi Chadli Bendjedid a choisi un tel moment pour briser son silence ? M. C.