Par Amine Echikr Les forts taux d'inflation présentés mensuellement par l'Office nationale des statistiques sont devenus routiniers depuis quelques mois. Ils sont de l'ordre de 7% mensuellement. Des taux très élevés malgré les discours du ministre des Finances, Karim Djoudi, et du Gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, qui préfèrent parler de décélération de l'inflation comparativement à l'année passée. Ce discours est compensé par celui des ministres de l'Agriculture et du Commerce, Rachid Benaïssa et Mustapha Benbada, qui préfèrent parler de disponibilité. Une disponibilité réelle des produits qui résulte des prix inabordables pour certains produits. Ces prix réduisent de manière forte la consommation. Une autre explication est fournie par nos ministres, l'augmentation des salaires et, par conséquent, un bouleversement dans les habitudes alimentaires des Algériens. En effet, le salaire national minimum garanti (Snmg) est passé de six mille dinars, en 1999, à dix-huit mille, en 2012. Cependant et au regard de la stabilité relative des autres postes servant au calcul de l'inflation, les produits alimentaires ont connu de véritables bonds au niveau de la structure des prix. En effet, l'Office nationale des statistiques prend comme référence 100 l'année 2000. Elle estime, selon ses observations au niveau de la wilaya d'Alger, que les produits alimentaires sont passés de l'indice 100,64, en 2002, à 150,96, en 2011. Une évolution de plus de 50 points et cela bien avant le «choc» inflationniste de 2012. En effet et pour la Banque d'Algérie, «l'analyse des contributions des différents groupes de produits à la hausse des prix montre que cette dérive des prix des produits alimentaires contribue pour 62,80 % au ‘'pic'' inflationniste enregistré en 2012, pendant que la hausse des prix du groupe ‘'divers'' y contribue à hauteur de 14,93 %. La forte inflation de l'année 2012 est essentiellement générée par l'effet-prix de ces deux groupes dont les contributions respectives sont beaucoup plus élevées que leurs poids respectifs dans l'indice des prix (43,09 % et 8,64%). Au titre des produits alimentaires, il importe de souligner que la flambée des prix de la viande ovine (30,28 %) a contribué pour plus de la moitié (50,7 %) à l'inflation des produits alimentaires frais, pour 40 % à l'inflation du groupe alimentaire et pour plus du quart (25,8 %) à l'inflation globale de 2012, alors que son poids au sein du groupe alimentaire est de 13,3 % (5,72 % dans l'indice global). Ce qui distingue de plus l'effet inflationniste de l'année 2012, c'est que 4,9 points des 12,22 points d'inflation de l'alimentaire et 2,22 points des 8,89 points de l'inflation globale sont imputables à la seule viande ovine. Enfin, en glissement annuel, l'inflation des prix de la viande ovine pour tous les mois de l'année 2012 est comprise entre 21,84 % et 40,83 %, contre 0,55 % à 7,73 % pour les mois de l'année 2011». Mais les consommateurs peuvent être rassurés. Mustapha Benbada indique que toutes «les dispositions ont été prises pour garantir la disponibilité des produits de première nécessité». Il ajoute «qu'il n'y aura pas de problème sur ce plan; il en sera de même s'agissant des prix puisque le ministère a mobilisé les agents de contrôle des prix pour, notamment, faire respecter les prix des produits subventionnés qui sont fixes». Le ministre en charge du commerce souhaite aussi qu'en ce qui concerne les produits soumis à la loi de l'offre et de la demande que les intervenants sur le marché soient cléments. Un noble souhait qui s'accompagne de l'annonce de nombre de dispositions prises par les pouvoirs publics pour mieux pourvoir le marché, notamment en matière de viandes rouges et blanches, dont l'abrogation de la mesure interdisant l'importation de viandes ovines. Pour Rachid Benaïssa, durant le mois de Ramadhan l'approvisionnement du marché national en produits de grande consommation sera «assuré de manière suffisante». «Nous avons pris une série de mesures pour assurer un bon approvisionnement du marché national en plusieurs produits, qui affichent déjà un niveau de disponibilité très satisfaisant», dit-il, précisant que le marché national connaîtra un bon approvisionnement en produits agricoles frais, grâce à la coïncidence du mois béni avec la pleine saison, estimant que les prix, pendant cette période, pourraient se maintenir à leur niveau actuel, voire baisser. Evidement, pour le ministre de l'Agriculture, l'essentiel n'est pas dans les prix mais dans l'inexistence de pénuries. Il y a certains produits qui seront disponibles à des prix bas, car «nous faisons tout pour que ces prix soient maintenus». Mais pour cela, et selon la vision de M. Benaïssa, les consommateurs doivent s'impliquer. «Lutter contre le gaspillage» pour éviter la création de tensions sur les produits ou même les prix, «quand on voit la disponibilité, la qualité des produits existe sur le marché, et il n'y a pas de problème, donc il faudrait préserver et encadrer la consommation en luttant contre le gaspillage», explique-t-il. Pour Mohamed Tahar Remram, président du Comité national des commerçants en viandes rouges, au niveau national «il y a un manque de production». Aussi, les prix des viandes rouges vont augmenter encore de 5 à 10% dès la première semaine du mois de Ramadhan, d'après les prévisions des commerçants des marchés de gros. M. Remram révèle que 80% des agnelles sont destinées à la consommation, ce qui explique en partie le manque de cheptel en Algérie et le manque de production de viandes rouges, estimé à 40%. Pour les viandes blanches, les observateurs estiment que les prix connaitront une petite augmentation pour atteindre les 230 dinars le kilogramme. Si pour les ministres la disponibilité est importante, pour les consommateurs voir et ne pas goûter ne passera pas. Rachid Benaïssa estime que les prix baisseront lorsque la filière ovine se professionnalisera. Pour un éleveur, les prix de la viande ovine ne connaitront pas de baisse. La raison est simple et répond à la logique ancestrale de nos bergers et fellah. «Je fais mon chiffre d'affaires annuel lors de l'Aïd El Adha. Je vends 200 moutons pour approximativement 10 millions de dinars. Cela suffit à l'entretien de ma famille et aux charges qu'induit mon troupeau. Si j'ai besoin de plus, je vends une agnelle à 50 mille dinars par mois et c'est tout bénéfice», nous expliquera-t-il. Les logiques s'affrontent. Certains parlent revenus, d'autres disponibilités et le consommateur se saignera encore une fois. A. E.