Il existerait à hauteur de chaque faubourg de Constantine, une commune, un café du genre «Hawzi» de la cité Boussouf que la ville s'en trouverait changée sur bien des plans. Le café «Hawzi» est passé, quelques années après son ouverture, du rendez-vous de quelques artistes, voire des initiés à un espace de convivialité incomparable ainsi que le lieu où toutes les personnes qui se nourrissent des choses de l'esprit se côtoient ne serait-ce que le temps de siroter un thé. Pourtant, le temps passant très vite, nombreux sont ceux qui, venus seulement pour siroter ce thé, quittent à regret les lieux presqu'à la levée du jour. Qu'est-ce qui a pu les retenir et captiver de la sorte leur attention ? Tout d'abord des retrouvailles que rien ne pouvait précipiter si ce n'est la recherche de moments exceptionnels à vivre qui ne peuvent être qu'à travers les discussions savantes, les joutes intellectuelles et si la musique est présente et pas n'importe laquelle, celle locale obligatoirement elle serait plus qu'à l'évidence la cerise sur le gâteau. Le café «Hawzi» qui se veut un peu une sorte de café chantant selon l'acception originelle du terme offre à tout mélomane l'opportunité de partager sa passion avec les autres. Des instruments ? Ils s'en trouvent sur une série de tables et ne demandent qu'à être utilisés, c'est d'ailleurs pour cela qu'après une série de chuchotements, de déplacements d'une personne d'une table à une autre, c'est un trio, un quatuor qui rejoint lesdites tables pour récupérer chacun un instrument de manière à offrir des sonorités justes et si tant est que l'harmonie n'y est pas parce qu'il en manquerait un (instrument), voilà qu'une autre personne, deux, voire trois vont rejoindre le premier groupe pour entamer non sans improvisation des morceaux cultes de la musique citadine. La communion est totale et l'interactivité vérifiable à la reprise en chœur des refrains par l'ensemble de l'assistance comme si cela était chorégraphié. La particularité du café «Hawzi» est qu'il est implanté dans une zone à très forte fréquentation populaire où pratiquement par opposition se trouve une méga-station de taxis et surtout une gare routière aussi effervescente qu'une ruche, toutefois dés qu'on y pénètre il y a une impression de rupture avec le reste du monde. C'est sans doute cette particularité qui en fait un véritable trip dans le sens où la sérénité intérieure des lieux démultiplie la jouissance des sens des artistes, intellectuels et citoyens lambdas qui se ressourcent in-situ, matérialisant momentanément leur nostalgie des temps heureux. Autre évènement qui est venu s'ajouter à cette présence, le point de chute de visiteurs de Constantine et plus particulièrement de ceux que l'on appelle «Pieds noirs», lesquels à leur tour y retrouvent non seulement des sensations mais également et surtout des amis de jeunesse, des voisins et des camarades de classe qu'ils n'ont plus vu depuis le début des années 60. Certains musiciens s'évertuent souvent à tenter de nouvelles expériences dans le domaine convaincus de trouver une amorce à un feeling qui leur fera faire des choses extraordinaires et leur donner des solutions inédites qui ne sont malheureusement pas exploitées, voire immortalisées pour le bienfait de la musique citadine et surtout du legs aux générations de demain. Cela restera sans doute le talon d'Achille du propriétaire des lieux mais également de ses compagnons. Le café «Hawzi» peut également être qualifié, et c'est tout son honneur, une sorte de cimetière des éléphants parce que d'année en année si non d'un mois de Ramadhan à l'autre l'un de ses habitués et parfois plus ne seront plus présents au rendez-vous. Un peu comme dans «mon bistrot préféré» chanté par Renaud amalgamé au «Bistrot» de Brassens. A. L.