Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Combien d'associations promises à l'animation culturelle à large spectre existent à Constantine ? Et combien parmi elles activent réellement sans relâche ? Sur papier, le chiffre donne le tournis. Ce n'est pourtant pas le cas sur le terrain où on retient peu d'acteurs permanents, notamment dans le volet du patrimoine. La démission de la société civile est également quasi réelle. Et les décideurs ne se secouent guère qu'en cas de besoin pour exhumer les valeurs historiques de la cité et les mettre en valeur de manière conjoncturelle. Et personne ne peut nier cette évidence. Constantine est citée pour les besoins d'une culture circonstancielle, occasionnelle. On la maquille «maladroitement» pour dissimuler les signes du laisser-aller dans lequel sont plongés le secteur culturel en général et le patrimoine en particulier. On en a ainsi fait une carte postale inexpressive… comme si que les passés historiques se racontent en un clic. C'est la culture de la sensibilisation qui fait défaut. Les moins avertis -et ce n'est pas de leur faute- voient en cette médina ancienne comme son symbole «Tanit», une série de ponts. Tout en oubliant que cela n'est qu'une partie du décor arrivée bien après des ères de transmutation historique… Vint alors «l'appel de la citadelle !» C'est le cri original d'une association pluridisciplinaire qui s'est manifestée pour redonner au vieux Rocher «une image digne de sa prestigieuse histoire». Elle travaille sur le vieux Rocher du seul fait que «le point focal de cette ville y prenait départ…» La passion vient ainsi se conjuguer avec la volonté afin de mettre en relief et surtout pérenniser l'histoire grâce à cette tâche «scientifique» àlaquelle ce groupe muséal s'est voué. L'Association des amis du musée Cirta (AMNC) œuvre depuis 2002, après avoir été agréée par arrêté du wali, dans une lignée purement culturelle. Elle renferme près de 50 adhérents, dont 12 actifs, qui forment le bureau. Actuellement, elle participe dynamiquement au mois du patrimoine en exposant les dernières récoltes de ses recherches concernant la cité millénaire. «Il faudrait comprendre que Constantine est l'une des vieilles villes au monde avec Carthage et Rome», dira le président de l'association M. Bennacef et d'ajouter : «Notre travail consiste à collecter le maximum de ce patrimoine pour le mettre à la disposition de tout ce monde chercheur et universitaire. Il en va des manuscrits, objets anciens, habits traditionnels, chansons, poèmes, peintures…» A propos de ce dernier point, notre interlocuteur nous fera part d'une reproduction de l'acquisition de 103 reproductions des XIXe et XXe siècles, remises à Cirta avec le concours d'autres musées internationaux. Ce qui vient enrichir les réserves de l'association. La pédagogie de ces «amis» est caractéristique de par le mode et la nature des expositions qu'ils organisent. «Des repères historiques sont étalés au grand public avec un minimum de fiches techniques. Cette démonstration oblige les visiteurs de nous questionner et le staff leur apporte les détails nécessaires sur chaque phase», a expliqué notre interlocuteur. Il faut savoir que, grâce à l'action concrète de cette bande de bénévoles, on a pu cartographier le Rocher et obtenir des cartes thématiques et historiques. On est parvenu, de surcroît, à éclairer davantage sur l'existence de certaines ruelles existantes bien avant la conquête de l'envahisseur français. Mieux, l'association s'attelle à dissocier certaines rues dites Beilak, coloniales et actuelles, dans le souci de «situer les gens une fois se trouvant en face d'un ouvrage historique, par exemple», confie encore Bennacef. Une telle organisation mérite une attention particulière des autorités locales et à leur tête la direction de la culture qui peut y consacrer une part de ses subventions. Cela dit, les amis du musée volent presque de leurs propres ailes… Seulement 60 000 dinars leur sont alloués annuellement par le service culturel de la commune, une subvention en disproportion avec les efforts consentis par l'association. Les adhérents mettent la main à la poche pour faire face à toutes les dépenses, en dépit du soutien exprimé par la directrice du musée, dont la vision demeure futuriste. En tout état de cause, on percevrait mal l'existence de cette association sans la contribution logistique du musée. Du moins, le président de ladite association déplore quelque peu la démission de la population locale. Autrement dit, «les citoyens n'ont pas encore cultivé un degré important concernant les actions bénévoles. Les potentialités individuelles existantes restent pour le moins insuffisantes pour fouiner une ville riche comme Constantine», analyse-t-il. Pourtant, cette absence ne décourage pas pour autant les adhérents de poursuivre leur œuvre. C'est leur défi et ils entendent rester attachés à ce précieux patrimoine…