Le demi-succès du Solanezumab est important car il fait partie (comme le Bapineuzumab) d'une nouvelle famille de traitements qui suscite l'engouement de beaucoup de laboratoires de recherche : les anticorps monoclonaux. Leur principe d'action est de stimuler les défenses immunitaires du cerveau pour qu'il nettoie les agents pathogènes. La maladie d'Alzheimer, est une affection qui détruit les neurones, en huit à dix ans, principalement après 65 ans (dans 98% des cas). Comment ? Dans le cerveau, il y a apparition puis accumulation, entre les neurones, de peptides anormaux, qu'on appelle peptides A-béta pathogènes qui s'agrègent sous formes de dépôts, les plaques amyloïdes, toxiques pour les neurones. Puis survient la déformation (ou tauopathie) d'une protéine de structure des neurones, la protéine TAU (tubule associated unit). Cette tauopathie entraîne la dégénérescence des fibres conductrices des neurones et donc, à terme, la destruction des cellules. Les dépôts d'amyloïdes et la tauopathie associées provoqueraient les symptômes de la maladie. Selon, en tous cas, la théorie dite de «la cascade amyloïde» admise depuis 30 ans. Les anticorps monoclonaux, tels que le Solanezumab, sont basés sur cette hypothèse. Ce sont des protéines de synthèse, capables de se fixer sur une cible -en l'occurrence les peptides A béta pathogènes- et d'attirer à elles les cellules nettoyeuses du cerveau pour qu'elles les éliminent. En détruisant les dépôts amyloïdes, on ferait régresser les symptômes. Au conditionnel. C'est ce que les essais cliniques actuels essaient de démontrer. L'essai clinique du Solanezumab le montre; l'effet positif du traitement n'est significatif que chez des personnes légèrement atteintes. Ceci corrobore ce qui se dit dans la communauté scientifique actuellement. «On s'accorde désormais tous pour dire que le secret du traitement sera d'être administré le plus tôt possible, avant que les symptômes n'apparaissent chez des sujets sains porteurs de biomarqueurs positifs, assure le professeur Bruno Dubois, directeur de l'Institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer. On est en train de s'inscrire dans la logique que les médicaments n'agiront qu'à ce stade». Philippe Amouyel directeur de la fondation Plan Alzheimer enfonce le clou : «L'échec du Bapineuzumab ne remet pas sérieusement en cause la théorie de la cascade amyloïde. Il pose surtout la question de la précocité du traitement. L'essai du Solanezumab semble confirmer que plus un traitement sera donné tôt, mieux il fonctionnera.» En attendant, le laboratoire Eli Lilly obtiendra-t-il l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament pour Alzheimer légers sur la foi de cette seule étude ? Il est plus probable qu'il doive remettre l'ouvrage sur le métier pour confirmer ses résultats. Réponse sobre de Stéfanie Prozoud, porte-parole de l'industriel «les prochaines étapes pour le Solanezumab ne sont pas encore décidées et seront déterminées après les discussions avec les autorités de régulation.» Et si un médicament arrive sur le marché, selon Philippe Amouyel une autre question d'importance se profile déjà, «le coût de ces biothérapies étant très élevé, notre système de prise en charge pourra-t-il le supporter pour une maladie aussi fréquente?»