La reprise «est là», nous dit François Hollande. La réalité est un peu moins réconfortante: l'Europe reste plombée par la dette de beaucoup de ses Etats et ses dirigeants font comme si le problème avait disparu. Malheureusement, la politique de l'Autruche donne rarement de grands résultats. Notre Président n'a pas tort de vouloir combattre le pessimisme excessif des Français: il est difficile de préparer l'avenir si l'on ne croit pas que son pays en ait un. Un certain nombre d'indicateurs montrent que la tendance au ralentissement perd de sa vigueur et qu'une croissance égale voire très légèrement supérieure à zéro est possible dans les prochains trimestres. Mais il faut être vraiment audacieux pour parler de reprise. A l'échelle européenne, aucun des deux leviers de politique économique ne peut être actionné. Les politiques budgétaires sont partout restrictives et la politique monétaire ne donne pas de grands résultats: les banques ne sont pas en mesure de faire bénéficier l'économie des taux directeurs très bas de la Banque centrale européenne.
Cercle vicieux Même si elle se termine mieux qu'elle n'a commencé, 2013 sera une année de récession pour la zone euro. Et les perspectives restent peu enthousiasmantes. Les économistes de l'Ofce, dans leurs prévisions 2013-2014, estiment que l'Europe est en train de boire «le calice de l'austérité jusqu'à la lie». Même si la croissance revient timidement en 2014, ce sera trop tard. Ils craignent, au moins pour certains pays, le risque d'un enfoncement «dans le cercle vicieux d'une hausse du chômage, d'une récession qui se prolonge et de doutes croissants quant à la soutenabilité des finances publiques». On en revient toujours là: la dette publique! Pour freiner sa hausse, les Etats européens mènent simultanément des politiques d'austérité plus ou moins prononcées (ce que l'on connaît en France est sans commune mesure avec ce que subissent les Grecs, les Portugais ou les Espagnols), mais comme la croissance est faible, le poids de cette dette dans le PIB ne cesse de grandir. Dans les prochaines années, selon les calculs des économistes de Natixis, il pourrait atteindre 112% du PIB en Espagne, 126% en Irlande, 135% en Italie, 150% au Portugal, voire 205% en Grèce. Revenir à des niveaux plus soutenables impliquerait des efforts budgétaires tels qu'il semble absolument impossible de l'envisager. Dans ces conditions, le problème de la dette publique en Europe risque de se poser de nouveau. On en a eu un petit aperçu avec la crise politique portugaise au cours des dernières semaines, on en reparle un peu avec les suppressions de postes dans la fonction publique en Grèce, mais on fait comme si le problème était derrière nous et qu'il ne s'agissait là que des derniers remous. C'est une erreur. Car chaque jour qui passe rend la solution du problème plus difficile. Les gouvernements ne peuvent revenir chaque année pour demander de nouveaux efforts alors qu'aucun progrès n'est perceptible. Même les citoyens les plus vertueux et les moins contestataires finissent par se lasser.
L'inflation, le remède dont personne ne veut L'idéal serait un regain d'inflation. Avec une hausse des prix de 4% ou 5% l'an, la valeur de la dette baisserait chaque année et le paiement des intérêts serait plus léger. L'inflation est toujours le meilleur allié des débiteurs. Dans le cas présent, elle aurait un autre avantage: avec des hausses de salaires qui suivraient l'inflation en Allemagne, mais resteraient en retrait dans les pays de la zone euro ayant besoin de relancer leur économie par les exportations, les écarts de compétitivité se résorberaient progressivement et sans trop de douleur. Evidemment, une telle solution n'a pas que des avantages: elle ruine les créanciers. Dans la première moitié du XXe siècle, l'inflation est à l'origine de ce qu'on a appelé «l'euthanasie des rentiers». En schématisant, on peut dire qu'elle est néfaste pour les vieux et les inactifs et favorise les jeunes et les entrepreneurs. Les vieux ne vont pas se laisser faire! De toute façon, l'inflation ne se décrète pas. On le voit bien avec les efforts effectués actuellement par le Japon pour en créer un peu: beaucoup d'économistes restent sceptiques sur les chances du gouvernement Abe de réussir sur ce point. Et une fois lancée, la hausse des prix peut échapper au contrôle. En Europe, aucun dirigeant n'est prêt à accepter une telle thérapeutique. Après avoir mené depuis le milieu des années 80 une politique de «désinflation compétitive», les hommes politiques français ne s'imaginent pas venir maintenant devant les électeurs expliquer que, tout compte fait, un peu d'inflation ne serait pas une mauvaise chose. Quant à l'Allemagne, elle s'y opposerait catégoriquement, de même que la Banque centrale européenne. Il suffit de se rappeler le tollé déclenché par la proposition du chef économiste du FMI, Olivier Blanchard, en février 2010, de fixer un objectif d'inflation de 4% au lieu de 2% pour se convaincre que jamais cette solution ne sera retenue.
Le mot qui fâche: restructuration Puisqu'on refuse ainsi la solution la plus douce, il faudra inévitablement employer un remède plus douloureux: celui de la restructuration de la dette de certains pays. Le FMI le dit maintenant: pour la Grèce, on a trop tardé à envisager une telle solution et on a aggravé les difficultés. Mais sans doute faudra-t-il y recourir une nouvelle fois, et pas seulement pour la Grèce. A traîner de trop gros boulets, l'Europe ne peut pas avancer. Les solutions peuvent être multiples. La plus radicale est certainement l'effacement pur et simple d'une partie de la dette, mais on peut aussi envisager un étalement dans le temps ou une baisse des taux d'intérêt. A tout le moins, une mutualisation d'une partie de la dette publique des Etats de la zone euro s'imposera inévitablement. Les arguments contraires ne manquent pas: les pays vertueux vont payer pour les pays endettés, les banques vont devoir subir des pertes alors que beaucoup d'entre elles sont déjà dans une situation difficile, etc. Mais il ne faut pas se leurrer: si l'Europe ne redémarre pas, les marchés financiers, aujourd'hui bercés par les propos rassurants de Mario Draghi, président de la BCE, manifesteront bruyamment leur inquiétude et on devra procéder à chaud à des réformes qui auraient pu être réussies à froid. Avant les élections allemandes, rien ne se fera. A Athènes, Wolfgang Schäuble, le ministre des finances, est venu proposer le 18 juillet une aide aux PME grecques, mais s'est déclaré hostile à toute restructuration de la dette publique. Espérons qu'on commencera à discuter sérieusement après le 22 septembre. G. H. In slate.fr