«Nous sommes très en retard par rapport aux pays arabes [et musulmans] en matière de transplantation rénale. Il est plus qu'urgent de rattraper ce retard dans le plus bref délai car il y va de la santé et du bien-être de milliers de nos concitoyens. Eu égard au fait que la transplantation à partir d'un donneur vivant ne représente que 10% de la demande, le recours aux cadavres s'impose de lui-même. Nous devons réaliser 5 000 greffes par an et nous sommes bien loin de ce chiffre. Rien ne nous empêche de recourir aux cadavres, même pas la religion [certaines conditions devant être bien sûr réunies], et le fait que l'Arabie saoudite, pays conservateur par excellence, ait, de plus en plus, recours à la transplantation rénale à partir d'un cadavre, est, à ce sujet, on ne peut plus révélateur.» C'est ce que dira en substance le professeur Si Ahmed, chef de service chirurgie et transplantation rénale au CHU Frantz Fanon de Blida, à l'ouverture, hier, d'un séminaire régional sur le sujet. Pour cet éminent praticien, la communauté médicale algérienne, à laquelle des théologiens et des juristes doivent être associés, est condamnée à réussir dans cette mission car, à travers le monde, la transplantation rénale est incontournable. «Même si vous êtes très riche, et que vous souhaiteriez subir une transplantation en Europe, eh bien cette dernière [l'opération] risque de ne pas avoir lieu dans la mesure où, outre-mer, la priorité est donnée aux habitants du pays d'origine. Les étrangers ne sont pris en charge que plus tard», soulignera le professeur Si Ahmed. Lui emboîtant le pas, le professeur Rezki, président du conseil scientifique du CHU Frantz Fanon de Blida et également président de la société algérienne de neurologie, insistera sur les souffrances dont sont l'objet les malades dialysés. «Pour les malades, la dialyse est synonyme de calvaire. Ils sont obligés de la subir trois fois par semaine, à raison de 4 heures la séance. Le recours au cadavre est incontournable, d'autant que même la religion [dont la finalité est d'aider, de faciliter, d'assouplir], contrairement à ce que d'aucuns pensent, le permet», fera remarquer l'intervenant. Au sujet de l'aval que doit donner la famille du défunt pour un éventuel transfert d'organes, si ce dernier ne s'étant pas opposé de son vivant, le professeur Rezki insistera pour dire que dans pareilles conditions, le facteur temps est capital. «Le rein ne peut pas tenir au-delà de 36 heures. Il faut que des psychologues et des psychiatres sachent gérer le deuil. On doit expliquer aux familles que, si leur regretté est certes décédé, il n'en demeure pas moins qu'il pourrait contribuer à atténuer les souffrances d'une personne vivante en lui donnant son rein. Dans l'au-delà, il ne pourra qu'en être rétribué», soulignera l'intervenant. Auparavant, Saïd Barkat, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, mettra en exergue le fait que, depuis 1986, 500 transplantations seulement ont été effectuées. «C'est bien en deçà du nombre escompté. 3 500 cas d'insuffisants rénaux sont enregistrés chaque année. A Blida, sur 100 patients dialysés, seulement 2 se sont faits greffés. Il faut coûte que coûte revoir ce chiffre à la hausse», martèlera le ministre, insistant sur l'implication de la famille, des médias et de la mosquée en vue de sensibiliser la société sur les bienfaits de la transplantation rénale. Dans son intervention, le professeur Bouzidi, enseignant de charia à l'université d'Alger, mettra en évidence le fait que l'islam ne s'oppose pas au don à partir d'un cadavre. «Une fois un certain nombre de conditions réunies [consentement de la personne de son vivant, unanimité de la famille après le décès…] la transplantation peut avoir lieu sans aucun problème», précisera-t-il. A l'issue des travaux de ce séminaire, un certain nombre de recommandations ont été adoptées, particulièrement celles ayant trait à l'appel aux ministères de l'Information et des Affaires religieuses, afin qu'ils sollicitent les médias et les mosquées en vue de développer l'esprit culturel du don d'organes. B. L.