Le Mouvement du 23 Mars (M23) a menacé samedi de reprendre le contrôle de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Les leaders de ce mouvement, en rébellion contre Kinshasa depuis avril 2012, accusent le président congolais Joseph Kabila de saboter les discussions de paix engagées sous la médiation de Kampala depuis novembre dernier mais qui sont à l'arrêt depuis décembre. «Les positions qui nous avaient été assignées par la Cirgl (Groupe de contact international pour le Grands-Lacs), nous les avons respectées. Le retrait de la ville de Goma a été effectif. Mais le déploiement de la compagnie du M23 à l'aéroport de la ville de Goma n'a jamais été effectué, la démilitarisation de la ville n'a jamais été effective», a accusé Bertrand Bisimwa, le chef militaire du M23. «Nous avons respecté notre part du contrat, nous voulons que le gouvernement respecte sa part», a-t-il conclu. D'après les médias locaux et les organisations humanitaires, les troupes du M23 ont renforcé leurs positions stratégiques autour de Goma et auraient même acquis davantage d'armes et de munitions en prévision d'une reprise des hostilités avec l'armée gouvernementale. De l'autre côté, la Mission onusienne de maintien de la paix dans la région (Monusco) a lancé un ultimatum à tous les groupes armés et à tous les civils pour rendre leurs armes, dans une première étape pour ramener la paix dans cette province très instable. Parallèlement à cet appel, la Monusco compte renforcer ses effectifs et aller au-delà de Goma pour porter aide et assistance à des centaines de milliers de personnes, menacées de toutes parts aussi bien par les rebelles que par le manque d'alimentation et de soins. La Monusco a décidé en fait de sécuriser la zone Goma-Sake, ainsi que ses environs, dans le but de protéger un million de personnes au moins, parmi lesquelles des milliers de déplacés, a indiqué le commandant de cette force onusienne, le général Alberto Santos Cruz, aux agences de presse, la semaine dernière. À Kinshasa, le gouvernement s'échine à tenter de convaincre les partis de l'opposition et la société civile à se regrouper autour de son initiative de lancement de ce qu'il a appelé «Concertations nationales». Mais l'initiative ne semble pas intéresser grand-monde. La raison en est que les principaux acteurs politiques congolais rejettent, non pas cette initiative, mais la manière avec laquelle les choses sont énoncées. «Dans le cas où le régime en place s'entêterait à inaugurer un dialogue convoqué de manière autoritaire et unilatérale, le Mouvement de libération du Congo (MLC) ne se sentirait pas partie prenante», a déclaré le porte-parole de ce parti d'opposition Germain Kambinga, qui a qualifié ces pourparlers de «dialogue cosmétique, dont le scénario serait écrit d'avance». Le MLC rejette un dialogue qui vise, selon lui à «faire du surplace». A vrai dire, Joseph Kabila cherche à rallier un maximum de gens autour de lui pour isolé le M23 et pouvoir ainsi reprendre les négociations de paix en position de force, ce qui semble être un mauvais choix pour le président congolais, de plus en plus critiqué, y compris par certains cercles de son entourage immédiat. Si Kabila fait partie des éléments de blocage des pourparlers de Kampala, il n'est toutefois pas le seul à être responsable d'une telle situation. Le M23 a des visées plus larges que ce qu'il énonce officiellement à la presse. Les dirigeants de ce mouvement, versés dans le trafic de minerais (le diamant et autres terres rares), au profit du Rwanda, cherchent en réalité à asseoir leur contrôle sur le Nord-Kivu dans le cadre d'un système politique fédéral. Kinshasa refuse de céder à une telle revendication qui cache en fait des motivations sécessionnistes fortement soutenues par le Rwanda et l'Ouganda, qui profitent de la fragilité de l'Etat congolais afin d'organiser le pillage de ses richesses minières et pétrolières. En résumé, les pourparlers de Kampala ne serviraient pas à grand-chose tant que la communauté internationale ne prend pas ses responsabilités pour mettre l'Ouganda et le Rwanda au pied du mur afin qu'ils cessent de soutenir les rébellions qui menacent l'unité de la RDC. Forcer ces pays à prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les frontières avec la RDC, au côté de la mission onusienne demeure la seule issue pour trouve un début de solution à cette crise interne congolaise. Ensuite, Joseph Kabila pourrait engager «ses» concertations nationales qui associent mêmes le M23 et les autres composantes de la société congolaise. Car, le dialogue ne peut pas se faire sans que les armes se taisent. Pour le moment, le mouvement des troupes régulières, des soldats de la Monusco et des rebelles n'augure rien de rassurant. L. M.