Près de 700 personnes ont été tuées depuis mercredi à travers toute l'Egypte et les capitales arabes restent étonnamment silencieuses. La ligue arabe, très active sur le dossier syrien, n'a même pas eu le courage de pondre un communiqué sur la situation périlleuse dans un pays qui abrite son siège. Hormis le Qatar, soutien financier des Frères musulmans, et la Tunisie, gouvernée par un parti de la même mouvance, les autres pays arabes se sont gardés d'émettre la moindre déclaration condamnant la féroce répression en Egypte. Sinon, et c'est le cas de Ryad, ils se sont ingéniés à trouver des qualificatifs aux manifestants pro-Morsi. Ces pays arabes qui ont énergiquement condamné la répression des manifestants par le régime syrien, ont totalement perdu leurs voix aujourd'hui. Les monarchies du Golfe qui portent la voix de la nation arabe, depuis le début des «printemps arabes», ne réprouvent même pas la sauvagerie de l'intervention militaire contre les manifestants égyptiens. Les pays du Golfe, qui ont salué la destitution du président égyptien Mohamed Morsi le 3 juillet dernier et qui ont débloqué des aides financières immédiates au nouveau pouvoir, ne veulent pas réprouver, aujourd'hui, la violence des militaires qu'ils ont salués le jour du coup d'Etat. Cette position, particulièrement de la part de Ryad et d'Abou Dhabi, trouve son explication dans l'opposition des familles régnantes à tout mouvement s'opposant à leur conception radical de l'Islam. Jugeant la confrérie des Frères musulmans «moderniste» par rapport à l'Islam séculaire qu'elles prêchent, les monarchies du Golfe préfèrent apporter leur soutien à un régime militaire, combien même ce dernier prônerait une feinte laïcité. Le discours du roi saoudien hier, ne fait que confirmer cette analyse. Le soutien de Ryad aux militaires du Caire est inconditionnel. Le roi saoudien qui a assuré, hier, l'armée égyptienne de son soutien contre le terrorisme, ne fait que confirmer sa haine de la confrérie. La hantise de ces régimes est, indéniablement, la propagation de la modération combien même celle-ci est prônée par un mouvement islamiste. Seul l'intégrisme salafiste a droit au chapitre dans leurs desseins. Les autres mouvances, aussi islamistes soient-elles, doivent être combattues. Toute la stratégie de ces pays est conçue sur cette considération. «Ce qui s'est passé en Egypte s'inscrit dans ce qu'on peut appeler une ‘'guerre froide'' arabe et il est facile aujourd'hui de savoir qui est le vainqueur», assure Shadi Hamid, expert du Moyen-Orient auprès du Brookings Doha Center. Selon le même spécialiste, les grands gagnants dans l'affaire égyptienne sont l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, principaux parrains du nouveau pouvoir en Egypte, au détriment du Qatar et des Frères musulmans. Ryad et Abou Dhabi, ajoute l'expert, «ont été ravis du coup d'Etat militaire qui profite à leurs intérêts régionaux et qui porte un coup à leurs plus dangereux opposants que sont les Frères musulmans». «Pour les Emiratis et les Saoudiens, les Frères musulmans ont une ambition régionale qui peut être un danger pour les monarchies du Golfe», estime Stéphane Lacroix, professeur à l'Institut des Sciences politiques de Paris et spécialiste des Frères musulmans. «Ces monarchies estiment que leur intérêt est d'avoir plutôt des dictatures que des régimes démocratiques qui sont trop instables et imprévisibles à leurs yeux», ajoute l'expert. M. S.