Après avoir rejeté les concessions de Ennahda, le parti au pouvoir en Tunisie, depuis octobre 2011, l'opposition a appelé à une semaine de mobilisation. La coalition opposée à Ennahda espérait mobiliser pour la manifestation lançant sa «semaine du départ» qui doit forcer le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda à la démission après un mois d'une impasse politique déclenchée par l'assassinat d'un opposant. Les premiers rassemblements, prévus en début de soirée, devaient rallier les militants du Front de salut national (FSN). Ces derniers pouvaient compter leurs troupes, plus de dix jours après la manifestation du 13 août qui avait réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes. Prévu comme à l'accoutumée, notamment devant le bâtiment de l'Assemblée nationale Constituante (ANC), en banlieue de Tunis, ce rassemblement doit donner le signal de départ à une semaine de mobilisation à travers tout le pays, alors que les opposants ont jusqu'à présent concentré leur action dans la capitale. Cette campagne annoncée intervient après que la médiation entamée début août par le puissant syndicat Ugtt n'a pas permis une fois de plus, vendredi, de rapprocher les positions d'Ennahda et celles du Front de salut national, l'hétéroclite coalition d'opposition allant de l'extrême gauche au centre droit. Le blocage reste le même en Tunisie depuis l'assassinat du député Mohamed Brahmi fin juillet. Ennahda, qui a envisagé pour la première fois la possibilité de la démission de son gouvernement, a vu sa concession essuyer un niet ferme. Les opposants considèrent la démission et la constitution d'un cabinet de technocrates une condition non négociable. On pourra alors engager des pourparlers directs sur leurs autres désaccords, tels la finalisation de la Constitution et de la loi électorale. «Pour Ennahda un gouvernement de technocrates déstabiliserait l'Etat. Pour l'opposition, l'Etat est déjà assez déstabilisé», résume le quotidien le Temps hier, dans son éditorial titré «Blocage politique, blocage institutionnel». Les deux camps ont cependant donné des signes timides de concessions. Ennahda admettant que son gouvernement pourrait être amené à démissionner à terme et les opposants insistant de moins en moins dans leurs discours sur la dissolution de l'ANC, leur autre revendication clé. Ainsi, l'Ugtt ne désespère pas de trouver un compromis. «Nous espérons que nous trouverons une solution répondant à l'intérêt de la nation avant tout et qui satisfasse les différentes parties», a indiqué, selon la présidence tunisienne, le secrétaire général de l'Ugtt, Houcine Abassi, après une rencontre avec le chef de l'Etat Moncef Marzouki. Même si la Constituante n'est toujours pas parvenue, après 22 mois de travail, à rédiger une loi fondamentale consensuelle, les islamistes considèrent avoir la légitimité pour diriger le pays depuis l'élection de cette assemblée. Plusieurs dirigeants d'Ennahda ont même estimé que les revendications de l'opposition constituaient une tentative «de coup d'Etat» modelée sur le renversement par l'armée égyptienne du président islamiste Mohamed Morsi. A l'inverse, pour l'opposition, le régime a échoué sur le plan sécuritaire face à l'essor de la mouvance djihadiste, mais aussi dans le domaine économique, alors que les revendications sociales étaient au cœur de la révolution de janvier 2011. R. I.