Depuis sa création en 1967 à l'initiative d'un groupe de passionné de 4e art, le Festival national du théâtre amateur ( Fnta) de Mostaganem n'a jamais manqué une édition. En effet, même durant la décennie noire où diverses manifestations artistiques ont été contraintes de disparaitre, le Fnta a, contre vents et marées, continué d'exister et d'offrir aux jeunes troupes théâtrales l'occasion de se produire sur les planches et se faire connaître. Un festival de tous les challenges Cette année, le Fnta, qui s'est tenu du 24 au 31 août dernier, a célébré sa 46e édition, ce qui fait de lui la plus ancienne manifestation théâtrale après le Festival d'Avignon. Habituellement organisé au niveau de la salle bleue de la Maison de culture Ouled Abderahmane Kaki, en attente de la livraison du Théâtre régional de Mostaganem, finalisé à 90%, le Fnta s'est déplacé cette année au centre des sports et loisirs Mohamed-Morsli, situé à Salamandre. Un déplacement forcé et décidé à la dernière minute vu que la salle de la maison de culture est en travaux de rénovation. «Nous avons appris que la salle ne serait opérationnelle qu'une semaine avant l'inauguration du festival», affirme le directeur artistique, M. Mohamed Boudane. Face à cet imprévu, la scène ambulante, un bus contenant une scène ouverte appartenant au Théâtre régional de Batna, a été dépêché sur place offrant ainsi aux comédiens des conditions acceptables et correctes pour présenter leurs œuvres. Cependant, la scène ouverte, aussi originale qu'elle puise paraître, a aussi ses inconvénients. Les représentations prévues initialement à 16h30 et à 19h30 ont été décalées à 20h30 et 22h00, et cela à cause de la lumière du jour qui a saboté les effets lumières des représentations. Le problème de son a également été réglé, les comédiens ont été contraints de porter des micros portatifs pour se faire entendre à cause de l'énorme distance qui sépare la scène du public, abrité par un chapiteau. Malgré les conditions moyennes, le festival s'est quand même bien déroulé dans l'ensemble. Les douze troupes théâtrales et comédiens ayant pris part à la compétition officielle ont été plus ou moins satisfaits. C'est le cas de l'artiste Chafik Tichoudade, qui a nous affirmé que «nous sommes des troupes amateurs et nous avons l'habitude nous produire dans des conditions exécrables, nous sommes contraint de nous adapter. Pour ce qui est du Fnta, je trouve que les conditions offertes sont correctes». Rappelons que l'artiste a raflé le prix de la meilleure mise en scène pour sa pièce Essi El Moukhredj, dont le comédien principal a aussi décroché le prix de la meilleure interprétation masculine. Concernant la compétition de cette année, les troupes théâtrales ont été dans l'ensemble d'un niveau assez juste, exception faite pour certaines.
El Moudja wellat Agée aujourd'hui de 35 ans, l'une des plus anciennes troupes de théâtre de Mostaganem, à savoir El Moudja a marqué la 46e édition du Fnta et cela avec un retour en force à la compétition avec le spectacle Ifrikiya 50/35. Mise en scène par Boudjemâa El Djilali à partir de Afrique avant un (1963) du l'illustre dramaturge Kaki et du texte Les lendemains qui chantent (1983) du dramaturge congolais Maxime N'Débéka. Cette pièce qui traite le thème des indépendances africaines a été inscrite dans le genre de la halka. Contrairement aux autres troupes qui se sont produites sur scène, El Moudja a pour sa part envahi le chapiteau réservé au public. Réunis autour d'un cercle, une trentaine de comédiens ont carrément emporté le public par leur jeu et chorégraphie. En effet, les spectateurs ont pu assister à une succession de tableaux évoquant l'oppression coloniale ponctuée par les apparitions fréquentes du goual ou le conteur. Ce retour aux sources, a non seulement subjugué la foule mais aussi le jury, qui a attribué à cette prestation le prix spécial du jury, une consécration pour la nouvelle génération de cette troupe au passé glorieux.
Le jury, la dream team Formé cette année par de véritables praticiens, le jury de cette édition présidé par le talentueux metteur en scène Lotfi Ben Sebâa (titulaire du grand prix du Festival national du théâtre professionnel en 2012 pour la pièce Iftiraad ma hadatha fiallan). Il été composé de l'incontournable Ali Abdoun, metteur en scène de Tlemcen, le metteur en scène de talent Missoume Lâaroussi, le charismatique comédien Djamel Dekkar et, pour conclure, le scénographe de génie Yahia Benamar, qui a fait ses preuves à maintes reprises. Après avoir assisté aux diverses représentations, le jury a opté cette année pour un palmarès plus au moins équilibré qui a fait l'unanimité. Le président de cette édition, à savoir Hadj El Mekki, l'un des fondateurs du festival a également apporté sa baraka à cette édition et cela en encourageant sans cesse les jeunes artistes à aller de l'avant et porter le flambeau.
Un public toujours au rendez-vous Qu'il se déroule à l'intérieur d'une salle ou en pleins air et même au bord de mer, le festival draine depuis son existence une foule impressionnante de spectateurs. Se déroulant dans une ville où le théâtre est ancré dans l'identité, le Fnta s'est fait un public fidèle qui ne rate aucune édition. Les raisons de ce succès auprès de la population sont multiples, dont l'absence d'activités culturelles durant le reste de l'année, l'amour que portent les gens pour le 4e art et cette relation fusionnelle entre le public et le festival. Loin d'être un événement conventionnel qui se cache derrière les murs de la salle, le Fnta est un festival fait par le public et destiné au public, comment ne pas l'être sachant qu'il n'y a pas une famille à Mostaganem qui ne compte pas au moins un comédien. Après avoir renouvelé son staff en 2011 et l'arrivée de Rachid Djrourou à la tête du commissariat, le Fnta s'est aussi ouvert sur d'autres formes d'expressions artistiques, comme la poésie populaire à laquelle tout un programme a été consacré ces deux dernières années. En attendant la livraison du Théâtre régional de Mostaganem, prévue pour cette année si l'on croit les responsables, le Fnta continue sa traversée des années en marquant l'histoire du théâtre et des arts. W. S. M.