La réunion du G20 qui a confirmé les divisions sur la crise syrienne, a surtout redoublé les tensions entre Moscou et les Etats-Unis. Washington, promotrice d'une intervention militaire contre le régime syrien de Bachar al Assad, accuse Moscou de «prendre en otage» le Conseil de sécurité. L'ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power, a affirmé jeudi dernier qu'il n'y avait pas de possibilité d'obtenir l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU pour agir en Syrie et a blâmé Moscou pour avoir pris le Conseil «en otage». Mieux encore, la Maison-Blanche a estimé que la Russie n'avait «rien à apporter» au débat politique sur la Syrie aux Etats-Unis, après que le président républicain de la Chambre ait refusé de rencontrer une délégation russe à ce sujet. «Je pense que les Russes n'ont rien à apporter au débat aux Etats-Unis» sur la Syrie, a affirmé le conseiller adjoint de sécurité nationale américain, Ben Rhodes, lors d'une conférence de presse en marge du G20 de Saint-Pétersbourg. Les Russes «ont soutenu Assad, quels que soient les faits, quoi que le régime fasse», a dénoncé M. Rhodes. La tension entre Obama et Poutine était perceptible lors de l'ouverture du G20 et cela malgré la cordialité forcée de la poignée de main officielle à Saint-Pétersbourg. Depuis plusieurs jours la crispation entre Etats-Unis et Russie va crescendo, avec menaces d'escalade militaire et rebuffades diplomatiques. Jeudi dernier, trois navires de guerre russes ont franchi le détroit turc du Bosphore pour se rendre près des côtes syriennes. Un nouveau navire de guerre russe va faire route vers les côtes syriennes après avoir embarqué une «cargaison spéciale» à Novorossiïsk. Barack Obama continue dans sa logique de guerre. Il a franchi mercredi dernier une première étape en vue de concrétiser son éventuelle opération militaire: la commission des Affaires étrangères du Sénat a approuvé une résolution autorisant Barack Obama à déclencher une intervention «limitée» contre le régime du président syrien Bachar al Assad, d'une durée maximale de 60 jours avec la possibilité de la prolonger à 90 jours, sans troupes au sol. Le président américain s'efforce maintenant de bâtir une coalition internationale au G20 contre Damas accusé d'avoir utilisé des armes chimiques. Au même moment, le président russe Vladimir Poutine a mis en garde Washington contre une possible «agression» contre son allié syrien «en dehors du cadre de l'ONU». La Russie a également mis en garde les Etats-Unis sur les risques qu'impliqueraient des frappes sur des stocks de matériaux chimiques en Syrie. «Nous mettons en garde les autorités américaines et leurs alliés contre toute frappe sur des sites chimiques et les territoires avoisinants», a déclaré la diplomatie russe, estimant que cela constituerait un «tournant dangereux» dans la crise syrienne. L'autre verrou onusien à une opération militaire, la Chine, a fait savoir que «la situation actuelle montre que la solution politique est la seule voie» possible pour régler la crise. Dans ce contexte lourd de menaces, l'ONU et le Vatican tentent de peser en faveur de la paix. Le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a déclaré pendant le dîner du G20 que «chaque journée passée est une journée pendant laquelle des innocents meurent. Fournir des armes à l'une ou l'autre n'est pas la réponse. Il n'y a pas de solution militaire. Une solution politique est le seul moyen d'éviter un bain de sang». L'organisation internationale a annoncé l'arrivée surprise en Russie de son envoyé spécial, Lakhdar Brahimi, qui est également celui de la Ligue arabe, pour aider le Secrétaire général, Ban Ki-moon, à faire avancer la conférence internationale pour la Syrie, dite Genève-2. De son côté, le pape François a écrit au président russe Vladimir Poutine pour que les membres du G20 «ne restent pas inactifs» dans la recherche d'une solution de paix et «abandonnent la poursuite futile d'une solution militaire». «Aux dirigeants présents, à chacun d'entre eux, je lance un appel du fond du coeur pour qu'ils aident à trouver des voies afin de surmonter les positions conflictuelles et qu'ils abandonnent la poursuite futile d'une solution militaire», a affirmé le pape dans sa lettre. Ces appels de paix sont contrecarrés par les appels à des frappes, menés par les Etats-Unis, la France mais aussi la Grande-Bretagne. Au G20, Obama essaye d'obtenir le soutien de ses partenaires internationaux mais il tente aussi d'influer sur le Congrès, auquel il a demandé de donner le feu vert à des frappes. Hollande attend du G20 des «avancées politiques» sur le dossier syrien en dépit des divergences. Le président français a déclaré à son arrivée à la réunion de Saint-Pétersbourg : «Nous devons tout faire pour qu'il y ait des solutions politiques.» «Il y a déjà un large consensus sur le plan européen pour dire qu'une attaque chimique est inacceptable», a dit le chef de l'Etat français ajoutant qu'«il y a des pays, comme la France, qui sont en capacité d'intervenir (militairement) et d'autres qui, par leur propre situation ou par leur propre volonté, ne le veulent pas, ne le peuvent pas». La France est pour l'instant le seul pays européen prêt à frapper la Syrie puisque la Grande-Bretagne, malgré la volonté de son Premier ministre David Cameron de mener des frappes, n'a pas eu le quitus de son Parlement. L'Allemagne pense que «cette guerre doit prendre fin et cela ne se fera que politiquement», comme l'a déclaré la chancelière Angela Merkel qui assure que «l'Allemagne ne s'associera en aucun cas à une action militaire». Il est clair que les leaders européens n'arrivent pas à accorder leurs violons et cela malgré leur multiple tête-tête. Les représentants des cinq pays européens présents (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne) se sont réunis avec ceux de l'UE, pour tenter de trouver une position commune. Et les leaders européens ont aussi tenu un aparté avec Barack Obama, en marge du dîner du G20. Depuis hier et pendant 48 heures, les ministres des Affaires étrangères des pays de l'UE sont en réunion à Vilnius pour tenter de trouver une position commune. Ce qui reste peu probable. En fin de compte, le conflit en Syrie domine le sommet du G20 et fait monter encore plus la tension à mesure qu'approche le 9 septembre, date officielle de la rentrée des parlementaires américains qui seront appelés à se prononcer pour ou contre des frappes américaines. La Syrie qui se prépare à une éventuelle attaque, a même évoqué le risque d'une troisième guerre mondiale en affirmant que le pays d'Assad «a pris toutes les mesures pour riposter à une telle agression et mobilise ses alliés». H. Y.