Piégé par ses propres «lignes rouges» et par son recours au vote du Congrès, le Président américain n'attendait pas un si grand cadeau de ses «ennemis intimes» les Russes. Au moment où le monde attendait de voir la suite que donnera l'Amérique à la prétendue utilisation des armes chimiques par le Président syrien, les Russes, que l'on accusait de bloquer le dossier, vont pouvoir éviter la généralisation de la guerre à toute la région. Les Russes semblent avoir trouvé la parade aux va-t-en-guerre. La Syrie, mettra son arsenal chimique sous contrôle de la communauté internationale. Une proposition qui compliquera davantage la position d'Obama devant les Américains, mais qui lui permettra néanmoins de ne pas déclencher cette guerre sans perdre la face. La proposition russe offre à Obama, dont les velléités d'intervention en Syrie se heurtent à une forte opposition de l'opinion publique et à un possible rejet par le Congrès américain très divisé, une sortie honorable de la crise. Aussi, il était naturel de le voir satisfait de cette «importante percée». La France qui voulait une «punition» du président Assad devrait revoir à la baisse ses ambitions. Sans son allié américain, elle n'a absolument pas les moyens de déclencher des frappes contre Assad. Ce qui explique l'enthousiasme mesuré de sa diplomatie qui sort de cette crise grande perdante. Autre pays apaisé, l'Allemagne, dont la chancelière Angela Merkel, très opposée à une intervention, a été critiquée pour ses slaloms, sur le dossier. Ce dernier coup de théâtre permet donc, à nombre d'acteurs de sauver la face. L'initiative russe, comme le dit à juste titre le quotidien israélien Maariv, est «une échelle qui va permettre à toutes les parties de redescendre des arbres où elles s'étaient perchées». «D'un côté, Assad va pouvoir continuer à gouverner, la Russie et l'Iran vont sauver leurs intérêts (...) De l'autre Israël ne sera plus menacé par les armes chimiques syriennes, les affiliés d'Al-Qaïda ne pourront pas pour le moment prendre le contrôle de la Syrie, et le Congrès américain n'aura pas à avaliser une autre aventure au Moyen-Orient», résume-t-on à Tel Aviv. Cette satisfaction s'accompagne pourtant d'un triomphalisme médiatique qui veut faire de l'initiative russe une résultante des pressions américaines. L'avalanche de déclarations qui ont rythmé la journée d'hier a obligé Moscou à monter une seconde fois au créneau. Dans une conférence de presse à Moscou hier, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a tenu à mettre les points sur les «i». Les Russes, en concertation avec les Syriens, mettront au point les détails de la solution idoine à l'arsenal chimique. Une précision qui a été dictée par les différentes déclarations qui ont fusé depuis l'annonce de cette proposition acceptée par Damas. De Fabius qui veut pondre une résolution onusienne détruisant l'arsenal chimique syrien et traduisant Assad devant la CPI, à Kerry qui n'attendra pas «longtemps la proposition de la Russie», en passant par Cameron qui veut que la proposition russe ne «soit pas un processus sans fin», les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont du coup retrouvé leurs mots. S'enhardissant par la sortie honorable que leur a offert Poutine sur un plateau d'argent, ils se mettent du coup à renchérir dans les exigences. Moscou a d'ores et déjà fait savoir qu'elle n'était pas ouverte à l'idée de la résolution contraignante. Une résolution qui pourrait ouvrir la voie de la guerre comme avec la Libye. Même si la négociation des termes de l'accord va être difficile, la proposition russe satisfait tout le monde si l'on excepte l'opposition syrienne et les pays du Golfe. Ces derniers ne veulent pas en démordre et veulent une frappe quel qu'en soit le prix. L'offre surprise de Moscou a provoqué l'ire de l'opposition qui a dénoncé une «manœuvre politique» visant à sauver le régime de frappes occidentales. Dans une déclaration virulente, le chef d'état-major de l'Armée syrienne libre (ASL), Sélim Idriss a appelé «à des frappes et nous avertissons la communauté internationale que le régime dit des mensonges, et que le menteur Poutine est son professeur». De leur côté les six monarchies du Golfe, en dépit de la déclaration avenante de la Ligue arabe, ont estimé que la proposition «n'arrêtera pas l'effusion du sang» des Syriens. «La question ne concerne pas un seul type d'armes. L'effusion du sang se poursuit depuis deux ans et nous réclamons que cela cesse. Nous sommes fatigués par les atermoiements et les procrastinations», a insisté le ministre bahreïni, dont le pays assure la présidence du CCG et poursuit une répression féroce contre la majorité chiite qui peuple le Bahreïn. G. H.