Le président de la République a toutes les raisons du monde de se soucier de son propre bilan en matière de réalisations économiques. Qui plus est lorsqu'il s'agit des grands chantiers lancés depuis près d'une décennie pour rattraper le retard colossal pris par l'Algérie en termes d'infrastructures de base. Quoi de plus naturel donc que de demander aux ministres concernés des bilans de réalisation. Surtout que les informations disponibles évoquent d'inquiétants retards et de préjudiciables surcoûts. Il paraît même que le chef de l'Etat n'en est pas content. Qu'il en ait conçu forte exaspération et froide colère. Normal. Il n'y a donc rien dans sa démarche qui soit inédit ou même surprenant. En la circonstance, le président de la République est tout à fait dans son rôle. Mais l'examen d'évaluation auquel il veut soumettre ses ministres revêt une signification particulière dans la mesure où il intervient en fin de second mandat présidentiel. Et, surtout, qu'il est demandé, crise financière mondiale oblige, dans une conjoncture difficile où les ressources en devises du pays sont fortement obérées. Le contexte est d'autant plus morose que les cours de l'or noir suivent une courbe descendante déprimante, enregistrant un plus bas depuis quatre ans. Pis, le baril de pétrole, source d'addiction financière permanente pour l'Algérie, a perdu plus de 100 dollars, soit plus des deux tiers de sa valeur depuis le record du 11 juillet à 147 dollars. Gageons dans ce cas que certains ministres auront du souci à se faire et quelque stress à gérer, surtout que le premier magistrat du pays aurait déjà en sa possession des informations et des rapports de sources et de relais propres évoquant des retards répréhensibles en termes d'achèvement des grands projets. Ces mêmes rapports pointent des dépassements de coûts élastiques estimés à quelques milliards de dollars. En ces temps de disette annoncée, notamment lorsqu'il est question d'une inévitable contraction inéluctable de la demande de pétrole en 2009, selon les spécialistes, ces excès budgétaires pourraient, si on était indulgents, s'apparenter à une faute. Et, si on pouvait être sans concessions, on dirait qu'ils sonneraient comme des crimes économiques. Et pour cause. Maintenant qu'ils sont sommés de présenter leurs bilans, les ministres en question sacrifieraient-ils le devoir de vérité en édulcorant chiffres et faits, notamment en magnifiant leurs résultats. Le président de la République, qui n'est sans doute pas dupe de cette tendance ostentatoire qu'ont certains grands commis de l'Etat à chanter la ritournelle de «tout va bien madame la marquise», ne manquerait pas d'en tirer les conclusions qui s'imposeraient en pareilles circonstances. C'est-à-dire, dans le cas où certains ministres seraient pris en flagrant délit de mensonge avéré et de déloyauté caractérisée. Mais que pourrait-il faire le cas échéant ? Demander aux éventuels tricheurs de revoir leurs copies ? Ou de les congédier ? Dans ce second cas, ce serait un non- événement sachant que ces ministres font partie d'un gouvernement en fin de parcours, appelé à céder la place à un nouveau cabinet après l'élection présidentielle d'avril 2009. Mais est-ce franchement bien important ? Finalement, le plus important serait que les Algériens acquièrent un jour la culture de l'obligation de résultats et ne sacrifient jamais au devoir de vérité. C'est même un rêve éveillé à la veille d'un Aïd El Adha bien morose. N. K.