Cinq ans après un mois de septembre calamiteux, la Bourse va bien, merci pour elle. Du moins, dans les pays dits avancés. Il y a bien eu quelques doutes au printemps quand on a commencé à parler d'un retour de la Réserve fédérale américaine à une politique monétaire moins accommodante, mais la confiance est rapidement revenue. Elle est particulièrement marquée en Europe: au deuxième trimestre, la croissance du PIB de la zone euro a été positive après une phase de récession d'un an et demi. Et ce retour à la croissance devrait se confirmer au cours des prochains trimestres: les principaux indicateurs d'activité se redressent et les économistes revoient leurs prévisions à la hausse. Même les enquêtes d'opinion auprès des ménages sont mieux orientées. Pour les marchés, la situation est on ne peut plus favorable: les entreprises ont des perspectives de production en hausse mais, comme on part d'un bas niveau d'activité, il n'y a aucune tension sur le marché du travail. Au deuxième trimestre, l'emploi a encore baissé de 0,1% dans la zone euro et la croissance annuelle des coûts de la main-d'œuvre s'est nettement ralentie. Dans ce contexte, on voit mal la Banque centrale européenne durcir sa politique monétaire. D'ailleurs, son président Mario Draghi l'a clairement rappelé le 5 septembre dernier: «Les taux d'intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas sur une période prolongée.» Que du bonheur! La confiance est telle aujourd'hui dans les milieux financiers que des économistes jugent utile de lancer des appels à la prudence. C'est ainsi que ceux d'Aurel BGC, une entreprise d'investissement, dans leur revue mensuelle de septembre, appellent avec un certain humour les investisseurs à «ne pas sombrer dans l'euphorie». Avouons-le: avant l'été, jamais nous n'aurions imaginé trouver prochainement un tel titre dans une publication financière. Les auteurs de cette étude soulignent avec raison que l'amélioration est encore fragile. La croissance est certes de retour, mais il est probable qu'on ne verra pas de nette accélération. Les politiques budgétaires sont encore restrictives, les crédits aux entreprises et aux ménages restent en repli, la production industrielle est toujours 12% au-dessous de ce qu'elle était au premier trimestre de 2008; les capacités installées étant suffisantes, il est peu probable que l'investissement reparte de façon vigoureuse. Bref, on manque encore de «catalyseur pour que la sortie de récession se transforme en véritable reprise autoentretenue». A cela, on pourrait ajouter le retour possible des incertitudes dans la zone euro pour des raisons politiques (crise en Italie, par exemple) ou autres. Selon toute probabilité, le retour à meilleure fortune risque d'être lent et les investisseurs financiers seraient certainement bien inspirés de suivre ces conseils de prudence. De surcroît, les mouvements de la Bourse ne sont pas toujours justifiés: les événements anticipés ne se produisent pas à tout coup. L'économie ne tombe pas en récession chaque fois que la Bourse plonge et, en sens inverse, les emballements du marché ne sont pas toujours la première phase d'un cycle de reprise. Mais, au milieu de toutes les mauvaises nouvelles qui nous assaillent et de toutes les opinions négatives (sur l'action du gouvernement, sur l'Europe, etc.), il est plutôt réconfortant de voir des économistes mettre en garde contre le risque d'euphorie… C'est peut-être le signe qu'il se passe quelque chose qui finira par profiter à tous, et pas seulement aux financiers. G. H. in slate.fr