Le docteur Youcef Khodja, vice-président de la Société algérienne d'urologie, le dit avec cette novlangue propre aux médecins : beaucoup d'Algériens connaissent des «dysfonctionnements érectiles» fréquents. Si, aujourd'hui, la médecine n'est pas impuissante face à cette pathologie, les troubles de l'érection chez les Algériens, qu'on désigne souvent par le vocable péjoratif d'impuissance ou qu'on ramasse dans la formule «panne fréquente», constituent un tabou qui a manifestement la vie dure ! Ce tabou est si fort parce qu'il est lié à la virilité des hommes, survalorisée et sublimée dans les sociétés traditionalistes, arabes et méditerranéennes notamment. Il est d'autant plus puissant que les hommes l'entretiennent en observant à son propos une sorte d'omerta, respectée comme une loi d'airain. Dura lex, sed lex. Alors qu'ils ont un impact certain sur la qualité de la vie, l'harmonie, l'équilibre et l'épanouissement des couples, ces «dysfonctionnements» sont un problème national dans un pays où n'existe à ce sujet aucune statistique fiable. Pourtant, l'OMS les a reconnus comme un vrai problème de santé publique. En Algérie, ce sont des urologues, c'est-à-dire des spécialistes des affections des voies urinaires qui s'en occupent. Ils sont 350 à travers le pays. Le chiffre, apprécié par rapport à la population affectée, soit 10 à 15%, selon des estimations moyennes à l'échelle mondiale, paraît presque dérisoire. C'est qu'ils doivent être bien plus nombreux ces Algériens qui connaissent ces troubles au moment même où le pays ne compte pas de sexologues et d'andrologues, les vrais spécialistes de la question. La rigidité insuffisante, aléatoire ou totalement absente des corps caverneux de la verge est due à des facteurs multiples. Aux causes organiques s'ajoutent des raisons psychologiques : diabète, hypertension artérielle, cardiopathies, stress, fatigue, surmenage, déprime, dépression nerveuse… Dans la société algérienne qui a subi aussi les traumatismes dus au terrorisme, ces problèmes sont très fréquents. Et, pourtant, beaucoup d'hommes, voire de couples répugnent à en parler même dans le secret rassurant d'un cabinet médical. Et même si, de plus en plus de couples évoquent les malheurs des «dysfonctionnements érectiles» devant leur urologue-confident, beaucoup ont recours à la «pilule bleue», cette miraculeuse molécule du bonheur sexuel assisté. Qu'elle se nomme Viagra ou Cialis, elle est efficace dans une proportion de 70 à 80 pour cent, selon les spécialistes. Mais gare à l'automédication surtout lorsqu'elle est à base de produits contrefaits. Mais en Algérie, la contrefaçon est une culture, une seconde nature. Et, parce qu'il croit souvent au miracle à bon prix, l'Algérien est souvent prêt à avaler la pilule ! N. K.