Non à la peine de mort comme un principe en soi, et a fortiori parce qu'elle est souvent utilisée comme une arme de «dissuasion politique». Tel est le consensus entre les différents intervenants ayant animé le débat lancé hier au siège de l'Assemblée populaire nationale (APN) par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) sur l'abolition de la peine de mort. Le RCD ayant proposé un projet de loi dans ce sens. «Oter la vie dépasse le cadre de la décision juridique et pose une problématique philosophique. Qui a le droit et au nom de quoi un dirigeant ou une institution peut se donner cette emprise absolue et irrémédiable sur la vie d'autrui ?» s'est interrogé le Dr Saïd Sadi, président du RCD. Il évoque «la dimension immuable du dogme religieux pour réaffirmer le caractère inviolable» de la peine capitale, en ce sens que des pays «dont les religions se sont révélées dominantes s'en sont démarqué sans que cela ait prêté à polémiques ou provoqué des turbulences notables». Pour lui, le maintien de cette peine extrême dans les pays du Sud «exprime en général une volonté politique propre aux pouvoirs autocratiques qui se donnent à la fois une dimension supra humaine et un moyen sans recours pour neutraliser leurs adversaires ou concurrents». Et d'ajouter que cette question «soulève l'impasse institutionnelle de l'Etat» dans la mesure où, constitutionnellement, on a plus le droit de la remettre en cause mais uniquement de débattre de la manière dont cette peine sera appliquée. «Il est temps pour l'Algérie d'abolir la peine de mort car aucune justification politique, sociale, morale, ou religieuse n'excuse son maintien», dira, de son côté, Me Boudjemaa Ghechir. Qualifiant la peine capitale d'arme de «dissuasion politique», Me Bouchachi a cité l'exemple du Maroc dont le défunt roi avait riposté à toutes les tentatives de coups d'Etat par des exécutions à mort qu'il qualifie d'atteinte à «un droit sacré». Estimant que cette peine est le propre des Etats dont les gouvernés et les gouvernants pratiquent la violence, il relèvera que les nations qui érigent la solution politique et la discussion comme mode de gouvernance ont toutes aboli la peine capitale : «Il a été démontré que dans les Etats qui appliquent la peine de mort aux Etats-Unis, il n'a jamais été enregistré une quelconque baisse des crimes […] Nous demandons l'abolition de cette peine car elle reflète une vengeance contre le condamné alors qu'il faut lui donner une chance pour corriger son erreur.» Pour ce qui est de l'Algérie, Me Bouchachi soulèvera la problématique de l'indépendance de la justice et des moyens matériels mis à sa disposition. «On ne pourra jamais réparer l'erreur qui a été commise à l'encontre du colonel Chaabani», lâchera-t-il, ce dernier ayant également été cité par Me Ghechir. «On survit difficilement au prononcé d'une peine de mort», estime d'emblée, Me Miloud Brahimi dans son intervention qui lie la question à «un choix de société». Il se demandera comment pourrait-on arriver un jour à revenir à l'application de la peine de mort en Algérie alors que le moratoire a été respecté lorsque le pays était à feu et à sang. La thèse d'une abolition graduelle ne tient pas la route, ajoutera t-il. Rappelons, enfin, qu'à ce jour 137 pays ont aboli la peine de mort, et qu'aucun pays du monde arabo-musulman, hormis la Turquie, ne l'a fait. L'Algérie, quant à elle, a cessé de l'appliquer depuis 1993 en décrétant un moratoire que les intervenants souhaitent voir évoluer vers une suppression définitive de la peine. M. C.