L'impératif culturel tel qu'il est désigné dans les pays qui planifient chaque année un flux de productions faisant intervenir les pouvoirs publics, le mouvement associatif, les entreprises privées, les mécènes, les partenariats avec le monde extérieur, le management d'un rayonnement à l'international, n'a pas encore trouvé sa place en Algérie. Il est effectivement très difficile d'imaginer des règles et des mécanismes autour du principe du contrat et de la commande publique. L'Etat n'a pas su ou voulu générer des vis-à-vis, des partenaires crédibles qui répondent aux critères du cahier des charges, d'un contrat négocié par des experts et des avocats spécialisés dans tout ce qui participe de la création, de la production et de la diffusion externe et dans le pays. Le vis-à-vis, le partenaire qui produit, manage et commercialise ne peut être qu'une entreprise, quels que soient sa taille et son champ préféré d'activité, dans la liberté d'entreprendre, de prendre des risques calculés, sachant que la finalité demeure la rentabilité comme pour n'importe quelle industrie. La rentabilité, le bénéfice, l'amortissement reproduisent les mécanismes qui s'adaptent pour «amorcer la pompe», perpétuer des pratiques, des traditions et maintenir le rythme qui offre des emplois, des formations, des produits éventuellement exportables ou qui assurent une présence nationale dans les grandes rencontres internationales, parallèlement aux festivals locaux qui ont tout à fait leur place et leur fonction s'ils sont libérés du quota d'«invités» qui ne paient pas leur place, fascinés essentiellement par la présence de caméras et de photographes. Payer sa place, c'est aussi, surtout pour ceux qui en ont les moyens, contribuer à «amorcer la pompe» car l'Etat ne peut pas et ne doit pas tout payer n'importe où, n'importe quand et n'importe comment. Les objectifs sont connus et parfaitement rôdés dans les grandes nations qui produisent de la culture sous toutes les formes, dans tous les arts et supports d'expression. Entre le tout Etat et le «libre marché», il y a bien entendu des compromis renouvelables et chaque fois imaginés, à condition que les fondements basiques et pourtant déterminants sont réfléchis, inscrits et mis à l'épreuve de la production continue. Il y a la rentabilité qui obéit à la seule logique du profit, et il y a la diffusion d'une culture démocratisée, accessible au plus grand nombre, surtout aux jeunes et aux plus démunis quant à leur budget consacré aux loisirs et à la culture. Démocratiser les manifestations, les mettre à la portée de tous ceux qui souhaitent y accéder, renvoie aux espaces où les choses sont montrées et comment y aller physiquement. La tendance lourde, facile et tellement fainéante consiste à faire «des activités» dans un palais, des espaces dits de prestige selon la ville, sans se soucier aucunement des conditions de transport, de restauration même légère ou de la possibilité de prendre un café à un prix décent pour un père accompagné de sa famille. Des réflexes élitistes ou plutôt administratifs sont ancrés pour canaliser une faible quantité de manifestations vers les mêmes espaces pour les mêmes assidus aux officialités. Il est, en effet, plus compliqué d'inventer les lieux où les jeunes et les gens du peuple peuvent se rendre facilement. Comment doit faire, de jour comme de nuit, avec quels moyens de transport assurer l'aller-retour, un citoyen de Boumerdès, de Tipasa ou de Dar El Beïda, pour ne citer que les environs d'Alger, qui veut voir un spectacle à Alger ou ses hauteurs ? Il faut donc que l'offre aille là où il y a une demande. A. B.