Frédéric Omar Kanouté, l'ancien attaquant du FC Séville et des Aigles du Mali, est l'ambassadeur de la Confédération africaine de football. Rencontré hier juste avant son départ pour Bata pour assister à la demi-finale de la CAN entre la Côte d'Ivoire et la République Démocratique du Congo, il a accepté de répondre à nos questions. Fréderic, un mot sur cette 30e édition de la CAN ? Sincèrement, c'est un tournoi d'un bon niveau. On a assisté à de bons matchs. Il y a aussi la fatigue qui entre en ligne de compte, puisqu'on joue sans avoir le temps de bien récupérer, mais j'ai trouvé le tournoi intéressant. Il y a eu des surprises, comme le RDC ou le pays hôte, la Guinée- Equatoriale... Je suis entièrement d'accord avec vous. Il y a eu des matchs très serrés lors de ce tournoi et c'est ce que j'ai beaucoup apprécié. Le RDC est arrivé en demi- finale, tout comme la Guinée-Equatoriale. Le suspense est donc assuré pour les passionnés du football. Le CongoBrazzaville de Claude Leroy a réussi à atteindre les quarts de finale... En effet, le Congo a atteint lui aussi pour la première fois de son histoire ce stade de la compétition. Ce qui rend cette compétition très intéressante. Désormais, il n y a pas de grandes ou petites équipes. J'ai pris part à ce tournoi avec le Mali et je sais ce que cela veut dire. Je sais aussi que les matchs de la CAN ne sont pas du tout faciles. L'élimination des Aigles du Mali vous a certainement déçu... Oui, bien sûr, car on a été éliminés au premier tour. Je suis déçu surtout de la manière avec laquelle le Mali a été éliminé. Bon, c'est le règlement. Je suis aussi déçu parce que le Mali a montré de belles choses durant ce tournoi. Malgré le fait d'avoir hérité d'un groupe très solide, les Maliens ont fourni du beau jeu. Ils ont été meilleurs que les autres, mais le destin en a voulu autrement. Le football est fait ainsi. C'est cruel, non ? Absolument, mais je prends toujours les choses du bon côté. A chaque fois, il faut un gagnant et un perdant. Je pense que dans le football, il faut toujours faire le maximum pour ne rien laisser à la chance. La chance a tourné le dos au Mali et je pense que pour se qualifier au deuxième tour, il aura fallu donner plus, peut-être. Il fallait battre la Guinée... Je suis d'accord avec vous. Il fallait battre la Guinée lors du troisième et dernier match de la phase de poules. Je dis ça parce que la Guinée était largement à notre portée et qu'on pouvait se passer du tirage au sort. Désormais, je pense qu'on n'a pas d'excuses. Il fallait gagner, et puis c'est tout. Pensez-vous que la CAF se doit de revoir le règlement ? Je ne sais pas. Peut-être qu'il y a des choses qui doivent évoluer même au niveau de la CAF, mais tout cela passe par un dialogue et ce sera une décision commune. Rien ne doit rester gravé, et si les choses doivent évoluer, ce sera une bonne chose. Beaucoup pensent que cette élimination est un gâchis pour cette nouvelle génération malienne... Oui et non. En Afrique, les matchs sont très difficiles comme je vous l'ai dit. Souvent, les gens ne regardent que la phase finale de la CAN et oublient qu'il y a une phase très importante pour se qualifier. Les éliminatoires en Afrique sont très difficiles. D'ailleurs le Nigeria, tenant du titre, n'a pas pu se qualifier à la phase finale. Le Mali a réussi déjà l'essentiel en se qualifiant à la CAN et dans un groupe difficile, même s'il y a eu beaucoup de difficultés. Il aura fallu attendre le dernier match face à l'Algérie... Le Mali a dû attendre jusqu'à la dernière journée des éliminatoires et ce match face à l'Algérie pour se qualifier. Cela prouve qu'en Afrique, les éliminatoires sont très difficiles. Déjà, je peux dire qu'il faut tirer chapeau à cette équipe malienne qui a pu se qualifier à la CAN. Après, je pense que cette jeune génération est en train d'apprendre et de découvrir, il faut l'aider et non pas la détruire. Il y a de grands joueurs comme Seydou Keita qui va mettre un terme à sa carrière internationale, alors qu'il fait partie des grands joueurs africains. Le départ de Seydou Keita sera-t-il une perte pour les Aigles du Mali ? Oui et non. Oui, parce que c'est un élément très important. Non, parce que même mon départ à l'époque n'a pas eu beaucoup d'influence. Keita est un élément clé, mais malgré son départ, il faudra patienter parce qu'il y aura de la transition. C'est bien de donner leur chance aux jeunes et de reconstruire un nouveau groupe. L'élimination de l'équipe algérienne vous a-t-elle surpris ? L'Algérie est tombée face à un grand morceau d'Afrique qui est la Côte d'Ivoire qui a fait un très bon match. Les deux équipes ont joué cette rencontre avec deux idées différentes, mais aussi avec deux stratégies différentes. C'est pour cela que je me suis dis que c'est le meilleur match du tournoi. Donc à votre avis, cet Algérie-Côte d'Ivoire a été le meilleur match du tournoi... A mon avis, oui. Je me suis dis que c'est le meilleur match du tournoi. Les deux équipes ont produit du beau jeu avec un rythme très élevé. L'Algérie a pratiqué du beau football et a été supérieur à la Côte d'Ivoire, notamment pour ce qui concerne la possession de balle. J'ai beaucoup aimé ce match. Le fait d'être qualifié aux quarts de finale en étant dans le groupe de la mort serait-ce un exploit ? Tout à fait, surtout lorsqu'on voit une équipe du Sénégal qui n'a pas pu se qualifier au deuxième tour. L'Algérie a hérité d'un groupe très difficile et très élevé. J'ai suivi tous les matchs de ce groupe C et j'ai beaucoup aimé. La sélection qui m'a épaté le plus dans ce groupe, c'est l'Afrique du Sud qui a sorti trois prestations de haute facture, mais qui ne s'est pas qualifiée. Je pense qu'il lui manquait un peu de chances pour passer et surtout apprendre à marquer des buts pour faire mieux. Concernant l'Algérie, elle était favorite et donc, c'est tout à fait logique qu'elle ait de la pression sur ses épaules. Peut-être que c'est la pression qui a joué un mauvais tour aux Verts... Non, pas forcément. C'est tout le monde qui a parlé de l'équipe d'Algérie. C'est tout le monde qui attendait de voir l'Algérie dans le dernier carré. Finalement, elle a été éliminée en quarts de finale. C'est vraiment un grand gâchis mais aussi une déception. Tout le monde attendait l'Algérie. Qu'est- ce qui a manqué à l'Algérie pour passer aux demi-finales ? L'équipe d'Algérie a fait un très bon match. Il lui a manquait un peu de chances et d'efficacité. Si on revoit le match, l'Algérie aurait pu ajouter d'autres buts et gagner. Mais en face, il y avait une solide équipe ivoirienne décidée à se qualifier aux demies. Comme je vous l'ai dit, ce sont deux styles de jeu complètement différents. Des joueurs algériens font les beaux jours de clubs européens mais n'arrivent toujours à s'imposer en Afrique. Estimez-vous que cela est dû aux conditions difficiles en Afrique ? Oui, je suis d'accord. Déjà, on ne peut jamais comparer un club à une sélection nationale. Les joueurs ne peuvent pas avoir le même rendement en club qu'en sélection. En outre, ils ne sont pas associés aux mêmes joueurs. Regardez Nabil Bentaleb, ce n'est pas le même joueur qu'à Tottenham. Yaya Touré a été critiqué lui aussi au début du tournoi, parce qu'il n'a pas pu aligner les mêmes prestations qu'à Manchester City. Moi, j'ai eu la chance de jouer à Séville et lorsque je partais au Mali, j'avais beaucoup de difficultés. Tout comme Seydou Keita, Madjid Bougherra a décidé de prendre sa retraite internationale. Pensez-vous que ça laissera un grand vide chez le groupe ? Je pense que oui. Madjid Bougherra est un élément important et un leader de cette équipe algérienne. Je tiens à lui rendre hommage pour tout ce qu'il a fait dans sa carrière. Avant qu'il n'aille aux Emirats, j'ai joué contre lui à plusieurs reprises, c'est un brave type. Il laissera un grand vide, je pense. Je lui souhaite bonne chance dans sa vie, je l'apprécie beaucoup.