«Une sélection africaine en demi-finale, j'y crois !» Plus connu sous le surnom de Kobi, Jacob Kuhn a passé l'essentiel de sa carrière d'entraîneur comme sélectionneur, d'abord des juniors suisses, puis de la sélection A de ce même pays. Aujourd'hui à la retraite, il a un certain recul pour apprécier l'évolution du football. Avec gentillesse, il a accepté de nous livrer ses impressions et pronostics pour la Coupe du monde. Comment cela se passe pour vous à présent que vous êtes à la retraite ? J'en profite pour apprécier un peu plus les choses de la vie, avoir un peu plus de recul par rapport au football tout en continuant à être un observateur de l'actualité de ce superbe sport. Je donne de temps en temps mon avis çà et là, quand on me sollicite. Bref, je vis comme un retraité (rires). La flamme du football est-elle encore allumée en vous ? Oui, toujours. C'est plus qu'une flamme. C'est une passion. Quand on a passé plus de la moitié de sa vie sur les terrains, on ne peut pas s'en détacher du jour au lendemain. Votre présence en Afrique du Sud répond-elle à cette passion du football ? En quelque sorte, oui. En fait, j'ai été invité par la FIFA pour la cérémonie d'ouverture. J'en suis reconnaissant à ses dirigeants de ne pas m'avoir oublié. Cependant, même si je n'avais pas été invité, je crois que je serais revenu. On ne peut pas rater un événement pareil. D'autant plus que, cette fois-ci, il se déroule en Afrique… Absolument. D'ailleurs, je pense sincèrement que ce n'est que justice que l'Afrique ait enfin obtenu l'organisation d'un Mondial. Ce continent apporte beaucoup au football mondial et il mérite aussi de vivre un événement comme celui-là. Rien que pour cette particularité, cette Coupe du monde marquera l'Histoire. Etes-vous satisfait de l'organisation, vous qui venez d'un pays où tout frise la perfection ? (Rires) Il ne serait pas approprié d'oser des comparaisons. L'Afrique du Sud organise ce type d'événement pour la première fois et il faudra se montrer indulgent à son égard. Je suis convaincu qu'il n'y aura pas de gros pépins. Jusqu'à aujourd'hui, tout se passe plutôt bien. Qu'en est-il du tournoi en lui-même ? On n'a pas encore vu toutes les sélections jouer, mais je crois que nous retrouverons globalement les favoris dans le dernier carré, avec peut-être la présence surprise d'une sélection africaine. Le Brésil, vainqueur l'année passée, ici même en Afrique du Sud, de la Coupe des Confédérations, partira avec l'avantage d'avoir déjà joué dans ce pays à cette même période de l'année. Cela semble être un détail, mais cela aura son importance, croyez-moi. Il y a aussi l'Espagne qui n'a enregistré, si ma mémoire est bonne, qu'une seule défaite en une quarantaine de matchs. … en plus de 45 matchs même… Ah, bon ? Cela renforce le crédit que l'Espagne a auprès des parieurs. L'Espagne a là une occasion inouïe d'être championne du monde. Je ne pense pas que sa génération actuelle de footballeurs se renouvellera de sitôt. Il faudra donc attendre que ces sélections jouent pour déterminer qui vraiment peut remporter le tournoi. Vous avez évoqué l'Afrique comme probable surprise. Croyez-vous réellement que ce soit le Mondial des sélections africaines ? Je ne sais pas comment se comporteront les Africains dans ce Mondial, même si leurs débuts semblent plutôt pénibles. Cependant, je suis persuadé qu'il y aura une sélection africaine aux demi-finales. Non seulement parce que la compétition se déroule sur leur continent, ce qui augmente déjà leur motivation, mais aussi parce qu'il y a du talent. On a bien vu, à travers différents matches amicaux, que des sélections africaines rivalisent et bousculent même des sélections européennes. Vous parlez de la Côte d'Ivoire, sans doute… Oui, de la Côte d'Ivoire essentiellement, mais pas uniquement d'elle. Même le Ghana peut créer la surprise. L'essentiel pour toutes les sélections est de passer le premier tour. Après, dans les tours à élimination directe, tout peut se jouer sur un seul match. Mais je le dis et le répète, une sélection africaine en demi-finales, j'y crois ! Ne serait-ce pas l'Algérie ? C'est déjà méritoire pour votre sélection d'être revenue en Coupe du monde. Je pense qu'il ne faut pas être trop exigeant avec elle. Elle a des joueurs qui apprennent tout juste à se frotter au très haut niveau. Ce n'est pas évident de jouer de tels matchs sans un minimum d'expérience, même si je ne doute pas du talent des Algériens. J'ai regardé le match face à l'Egypte et j'ai bien vu que vous aviez du caractère. Vous parlez du match de Khartoum ? Oui. Que c'était dur comme match ! C'était un mélange de muscle et de hargne (sourire). J'ai vu des joueurs algériens hyper volontaires et un but superbe. Franchement, cela a été une agréable découverte pour moi. Cependant, l'enthousiasme, seul, ne suffit pas en Coupe du monde. Il faut plus que cela : de l'audace et du talent. Si les Algériens peuvent en proposer, ils auront une chance dans ce Mondial (l'entretien a été réalisé avant le match Algérie-Slovénie, ndlr). Connaissez-vous des joueurs algériens ? Je connais mieux les anciens, entre autres Madjer, que les nouveaux. De ces derniers, je connais l'arrière qui joue à Portsmouth (Belhadj, ndlr) ainsi que le défenseur des Glasgow Rangers (Bougherra, ndlr). On m'a dit aussi que l'auteur du but de la victoire face à l'Egypte joue en Allemagne (Yahia, ndlr), mais je n'ai pas eu l'occasion de le voir à l'œuvre au sein de son club. Bref, il y a du talent. Il faut juste que ce talent soit allié à l'efficacité. Votre dernier poste a été sélectionneur de la Suisse lors de l'Euro-2008 organisé justement en Suisse et en Autriche, mais les Suisses n'avaient même pas passé le premier tour. Est-ce une déception pour vous ? Oui, une déception amère. Nous avons été très malchanceux contre la Turquie et le Portugal, de surcroît avec plusieurs absences dues à des blessures. C'est ça le foot : parfois de bons moments et parfois de mauvais moments. Aujourd'hui, la page est tournée. Fier quand même de voir que la Suisse est présente à ce Mondial... Ah, oui ! Avec ou sans moi, je veux toujours le meilleur pour mon pays. Avec Ottmar Hitzfeld à sa tête, je pense que l'équipe de Suisse surprendra agréablement.