«J'aurais été fier de jouer avec Madjer à l'Inter.» Sans Italo Cucci, notre consultant et confrère de la Rai, on n'aurait jamais reconnu Fluvio Collovati. Le champion du monde 82 était connu pour son jeu rugueux et son excellent jeu de tête, mais aussi sa crinière blonde qui le distinguait des autres joueurs italiens. Avec ses cheveux courts et grisonnants, Collovati était méconnaissable et il le savait. On ne vous aurait jamais reconnu avec votre nouveau look ? (Il rit franchement.) C'est vrai que j'ai beaucoup changé depuis les années 80. A l'époque, j'avais 24, 25 ans et les cheveux longs étaient à la mode. Les miens étaient très longs, mais pas aussi longs que l'Argentin Tarantini par exemple. Lui, c'était un vrai lion. Aujourd'hui, j'ai 53 ans et je dois choisir le look qui correspond à mon âge. Que fait Collovati ? Dès que j'ai terminé ma carrière de footballeur en 93, je me suis carrément retiré du monde du football. A part le métier de consultant que j'exerce temporairement avec la Rai, je fais des choses qui n'ont rien à voir avec le foot. C'est un choix et je l'assume parfaitement. Vous êtes dans les affaires, on imagine ? J'ai une entreprise de production télé. En tant que consultant de la Rai, que pensez-vous du niveau de cette Coupe du monde ? Je vais être sincère et dur à la fois. Le niveau du premier tour est très faible, il n'y a pas eu de jeu, il n'y a eu aucune révélation ni à titre individuel ni collectif. Je n'ai pas vu un attaquant, un gardien de but ou un défenseur qui s'est distingué durant ce premier tour. J'ai pensé que c'était à cause de l'altitude, mais ce n'était pas ça, j'ai joué le Mondial-86 au Mexique et l'altitude ne nous avait pas empêché de réaliser de grandes prestations. J'espère qu'à partir des 8es de finale et les matchs à élimination directe, on nous proposera un meilleur spectacle. Et l'Italie dans tout ça ? Un vrai désastre. Beaucoup de champions du monde 2006 n'auraient pas dû continuer. Que pensez-vous du parcours des sélections africaines ? Une autre déception pour moi. Une sélection sur six qualifiée aux 8es de finale, c'est très peu. On m'a dit que l'organisation du Mondial sur le sol africain allait permettre à l'une des sélections africaines de créer la surprise. Finalement, ça n'a pas été le cas. J'aurais pourtant misé sur la Côte d'Ivoire, une équipe que j'adore, mais encore une fois les Ivoiriens sont tombés dans le groupe de la mort. Ce n'est pas facile de s'en sortir quand on est dans le même groupe que le Brésil et le Portugal. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, Drogba s'est blessé durant la préparation et n'a pas pu jouer à 100% face au Portugal. Les Ivoiriens devaient absolument battre le Portugal s'ils voulaient passer. Ils ne l'ont pas fait à cause notamment de la blessure de Drogba. Avec lui, ils auraient gagné selon vous ? Sans doute oui. Drogba est non seulement un joueur de très haut niveau, mais c'est aussi un leader qui aurait pu tirer son équipe vers le haut. Avez-vous suivi le parcours de l'Algérie ? Bien sûr. J'ai même été consultant pour le match Algérie–Angleterre. Les Anglais ont été vraiment mauvais contre vous. Donc, ce n'est pas l'Algérie qui était bonne ? Non, je n'ai jamais dit ça. Si les Anglais ont été mauvais, c'est qu'en face il y avait une bonne résistance, de bons joueurs et une bonne tactique. L'Algérie avait même la possibilité de l'emporter à un certain moment du match. J'ai trouvé les Anglais très crispés et lents. Qu'a-t-il manqué à l'équipe algérienne pour l'emporter ? Peut-être un joueur comme Ghezzal, malheureusement il était suspendu. Il a manqué à mon avis aux Algériens un peu de courage. Le courage d'aller titiller la défense anglaise. Les Algériens avaient la maîtrise du jeu dans leur camp, mais une fois qu'ils arrivaient dans les 40 mètres adverses, ils n'osaient plus. Le problème avec l'Algérie, c'est que c'est une très bonne équipe, mais seulement en phase défensive. Quels sont les joueurs algériens que vous avez aimés ? Ziani est un joueur que j'aime bien. Malheureusement, je l'ai trouvé un peu irrégulier durant cette Coupe du monde. Il n'arrive pas à maintenir le même rythme de jeu pendant un match. La révélation pour moi a été le jeune Kadir et Matmour pour son esprit de sacrifice. Vous savez, ce n'est pas évident de se bagarrer tout seul durant 90 minutes avec des joueurs comme Terry et Carragher. Vous étiez défenseur, il y a sans doute un défenseur algérien qui vous aurait plu… Oui, Yahia. J'ai lu un peu son histoire et j'ai appris qu'il avait joué à l'Inter alors qu'il était tout jeune. Cela a dû lui servir dans sa carrière car il joue un peu à l'italienne. Parmi tous ces joueurs algériens, quel est le joueur qui peut évoluer en Italie sans problème ? Je dirais Kadir. Par rapport à Ziani par exemple, il est très fort physiquement et comme vous le savez, pour s'imposer au Calcio il faut être physiquement très fort. Kadir a toutes les caractéristiques pour jouer en Italie. Pour vous, Ziani ne peut pas jouer en Italie ? Au jour d'aujourd'hui, le championnat italien est devenu très physique. Il y a beaucoup de condition physique, beaucoup de force, mais peu de technique. A mon sens, Ziani est un joueur trop technique pour pouvoir jouer en Italie. Vous avez gagné la Coupe du monde en 82. Cette même année, l'Algérie avait réalisé un excellent Mondial. Vous rappelez-vous de cette période ? Naturellement. C'est vrai qu'on était concentrés avec nos matchs, mais on ne pouvait pas ne pas savoir que les Algériens avaient battu l'Allemagne (ndlr, ex-RFA) et surtout que l'Allemagne et l'Autriche avaient triché pour vous empêcher de vous qualifier au deuxième tour. L'équipe algérienne de l'époque était très forte techniquement. Vous rappelez-vous d'un joueur en particulier ? Oui, Madjer. C'était l'un des meilleurs joueurs au monde. Il a failli signer à l'Inter avec moi. Je me rappelle que lorsque j'ai pris le journal de l'époque et que j'ai appris que Madjer devait signer chez nous, j'étais fier. Fier de pouvoir côtoyer l'homme à la talonnade. La première question que je lui aurais posée est : comment avez-vous osé un tel geste en finale de Coupe d'Europe ? Je n'ai jamais eu l'occasion de la lui poser car Madjer n'a finalement pas signé à l'Inter. Un mot pour le public algérien pour terminer… Mon ami Gentile est né en Libye et il a hérité des gens de l'Afrique du Nord la chaleur humaine et la bonne humeur. Ce n'est pas parce que je suis en face de vous, mais j'ai toujours admiré les Algériens et les Nord-Africains en général. Ils sont comme nous, chaleureux, gentils et surtout ils adorent le football.