«Madjer ne frappe pas à la porte pour chercher du travail» Le nom de Rabah Madjer revient avec insistance ces derniers temps comme potentiel successeur de Rabah Saâdane à la tête de la sélection. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé utile de joindre par téléphone celui que la majorité du public réclame pour nous donner son avis sur le sujet. En évoquant l'Equipe nationale, comment jugez-vous en tant que technicien et ancien joueur sa participation dans ce Mondial ? Il y avait du positif et du négatif. La Coupe du monde est une compétition de très haut niveau qu'il faut bien préparer sur tous les plans. Bien qu'une bonne équipe se profile à l'horizon, on a enregistré des lacunes surtout lors du premier match. On est passés à côté d'une victoire, ce que nous avons payé cher à la fin du premier tour. Comment ça ? Pour être franc, la Slovénie est une équipe modeste pour ne pas dire faible. Malheureusement, on n'a pas su profiter de cette opportunité. Au vu de la qualité de nos joueurs par rapport à l'adversaire, la victoire était à notre portée. C'est le match qui m'a fait de la peine. Qu'est-ce qui manquait à notre équipe pour qu'elle l'emporte ? Je sentais que nos joueurs n'avaient pas assez confiance en eux pour montrer leur vrai visage. La prudence a pris le dessus, et je pense qu'on a trop respecté l'adversaire avant même le début du Mondial au point où un nul nous paraissait comme un exploit. C'est l'erreur qu'on a commise alors que la Slovénie s'est avérée être un modeste adversaire. Le pire, c'est qu'on est sortis sans le moindre point. Et qu'en est-il du match contre l'Angleterre ? Même l'Angleterre n'était pas celle qu'on connaissait. Nous l'avons affrontée avec beaucoup de prudence, même si le nul reste un bon résultat pour notre équipe. On ne peut demander aux joueurs plus que leurs capacités, ils ont fourni de gros efforts, ils méritent tout le respect. Ils ont ensuite perdu contre les USA dans le dernier match où une victoire était impérative pour espérer se qualifier au deuxième tour… Il fallait jouer le tout pour le tout. On n'avait rien à perdre comme on dit, mais nous n'avons pas joué l'offensive. La différence était flagrante entre une équipe algérienne qui attaquait avec le minimum de joueurs et les Américains qui attaquaient avec un plus grand nombre. Ce qui s'est passé à la fin du match en est la meilleure preuve. Saïfi a raté une belle occasion de marquer et, sur une contre-attaque, les Américains étaient à cinq. Nos joueurs n'ont pas osé devant, peut-être par manque d'expérience ou pour des consignes reçues de la part du staff technique. Il est insensé de se retrouver avec un seul attaquant esseulé alors qu'il fallait marquer des buts pour espérer se qualifier. Doit-on comprendre par là que Saâdane n'a pas su se comporter lors des trois matches disputés ? Je respecte Saâdane, je ne suis pas là pour le critiquer. Chaque entraîneur a sa méthode de travail, ses schémas tactiques. Il y a des entraîneurs qui privilégient le jeu offensif, d'autres qui préfèrent la prudence en assurant la base arrière tout en jouant le contre. Beaucoup de techniciens ont reproché à Saâdane de ne pas jouer l'attaque du moment qu'il était impératif de marquer des buts dans ce dernier match contre les USA… Dans le football moderne, ce sont tous les joueurs qui défendent et attaquent ensemble comme c'est le cas chez les Allemands par exemple. Le problème chez nous, c'est que notre seul attaquant était esseulé devant, et le fossé entre le milieu et l'attaque était énorme. Lorsqu'on a le ballon, nos joueurs du milieu doivent avancer d'un cran pour essayer de créer le surnombre dans le camp de l'adversaire. Ce que nous n'avons malheureusement pas vu chez nous. Même constat lors du Mondial de 1986 auquel vous avez pris part et dans lequel vous n'avez marqué qu'un seul but contre l'Irlande. C'est dire que Saâdane ne voulait pas s'aventurer en attaque à cette époque déjà, bien que l'équipe de 86 comptait d'excellents joueurs… On n'a marqué qu'un seul but à Mexico, mais cela ne veut pas dire forcément que Saâdane est le seul responsable. C'est toute l'équipe qui en est responsable mais je ne veux pas revenir en arrière, et je ne suis pas de ceux qui critiquent Saâdane juste pour le critiquer. C'est un grand entraîneur que je respecte énormément. Je profite de l'occasion pour rendre hommage également aux joueurs qui ont fourni de gros efforts en Afrique du Sud. Saâdane est proche des joueurs, il sait parfaitement ce que peut donner chacun d'eux. Il aurait pu jouer l'offensive, mais si l'équipe avait perdu par des scores lourds, cela aurait été une mascarade. Je pense qu'il faut respecter Saâdane et le remercier pour tout ce qui a donné au football national. A la fin de l'aventure des Verts en Afrique du Sud, on a beaucoup parlé sur le successeur de Saâdane. Votre nom revient avec insistance, pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ? Officiellement, je n'ai rien reçu de la part des responsables de la Fédération. Je ne peux donc m'avancer sur ce sujet du moment qu'il n'y a rien d'officiel pour le moment. Mais le public algérien réclame votre retour et voit en vous l'entraîneur idéal pour prendre l'Equipe nationale en cette période… Je saisis l'occasion pour remercier le public algérien pour la confiance qu'il a mise en ma personne, et le fait de me réclamer à chaque fois me fait honneur. Je sens d'un autre côté que je suis toujours redevable envers ce peuple auquel j'essayais de procurer de la joie lorsque j'étais joueur. Je dirai au peuple algérien qui me réclame que ce n'est pas à moi de décider. Ne croyez-vous pas que la FAF n'a pas pris attache avec vous à cause de votre ancien différend avec Raouraoua, plus précisément lors de la rencontre amicale contre la Belgique en 2003 qui a suivi votre éviction de la sélection ? En 2003, on m'a accusé d'avoir fait de graves déclarations sur le journal belge Le Soir de Bruxelles. C'était un prétexte pour me congédier même si j'ai démenti ces déclarations et assuré le président de la FAF et les autres responsables que ce qui a été rapporté dans ce journal n'était que des allégations dans le but de salir ma réputation. Malheureusement, on ne m'a pas cru et Raouraoua s'est rendu compte qu'il a été induit en l'erreur par la suite. C'est-à-dire ? Ma relation avec Raouraoua est intacte, on a tout oublié. Moi, je ne suis pas rancunier. Nous nous sommes réconciliés il y a trois ans à l'aéroport Charles-de-Gaulle en France. On a discuté un bon moment et évoqué beaucoup de choses. Il m'avait dit qu'il était victime de certaines gens qui l'ont induit en erreur et qu'il n'aurait pas dû prendre une décision avant d'effectuer des recoupements. Comment interprétez-vous cette campagne de dénigrement de votre personne, affirmant par exemple que vous avez refusé de participer à la CAN de 1988 au Maroc ? Certains utilisent tous les moyens dans le but salir ma réputation. N'ayant rien trouvé, ils essayent de creuser dans le passé. Mais le plus désolant c'est qu'ils déforment la vérité. Le peuple algérien connaît la valeur de Madjer. Ma non-participation à la CAN de 1988 est due à une déchirure musculaire. J'étais joueur à Valence à l'époque, certains devraient se souvenir encore de la méchante blessure que j'ai contractée et qui m'a éloigné des terrains pendant quatre mois. Il m'était impossible de jouer cette CAN. Je peux vous ajouter une chose importante… Allez-y J'ai signé à cette période un contrat avec l'Inter de Milan, mais que la direction du club a annulé par la suite après avoir découvert la gravité de ma blessure. La preuve que j'ai manqué cette CAN du Maroc à cause de la blessure. Je suis persuadé que le peuple algérien est au courant de tout cela et je n'ai pas besoin de le convaincre de nouveau. Je ne parlerai plus de ce sujet. A votre avis pourquoi on essaye de dévaluer ce que vous avez donné au football algérien ? Peut-être qu'ils ont des buts derrière à atteindre mais ils ne réussiront pas. Madjer restera toujours Madjer, celui que le peuple a connu et qui a défendu les couleurs nationales de 1978 à 1992. Je répondais aux appels de la sélection sans hésitation, et ce, en dépit des conséquences avec les clubs dans lesquels je jouais. On comprend par là qu'il y une campagne contre vous n'est-ce pas ? Oui, il n'y a pas d'autre explication. Il y a une campagne et un complot qui se trame contre ma personne dans le but de salir mon image vis-à-vis du public algérien et empêcher mon retour à la sélection. S'ils ne veulent pas de moi, qu'ils le disent clairement. Je l'accepterai, c'est mieux que d'avoir recours à d'autres méthodes qui toucheront à ma réputation. Mais ils n'y arriveront pas. Il y a ceux qui doutent de mes capacités en évoquant le diplôme d'entraîneur. Quels sont les diplômes que vous possédez ? Quel intérêt de convaincre le public par des diplômes. Mon long parcours et les titres que j'ai eus avec les clubs et la sélection sont le meilleur diplôme pour moi, mais je le dirai, et pour la dernière fois, Madjer possède un diplôme de la FAF, un autre du ministère de la Jeunesse et des Sports, et un diplôme de haut niveau de la Fédération française, du centre de formation de Clairefontaine, signé par le grand entraîneur Aimé Jaquet. Vous voulez dire que vous méritez ce poste de sélectionneur et capable de réussir dans votre mission… Même Maradona n'a pas une longue expérience dans le monde du coaching, et vous voyez ce qu'il est en train de faire dans la sélection d'Argentine. Le nom de l'entraîneur et ses diplômes importent peu, le plus important c'est qu'il soit entouré d'un staff technique compétent et qu'il soit protégé par les responsables de la Fédération. Pourquoi vous êtes-vous éloigné des terrains pendant tout ce temps ? Je vous remercie d'abord pour cette question, car certains auraient pu penser que Madjer n'a pas eu d'offres de la part des équipes. Bien au contraire, plusieurs offres me parviennent chaque saison. Je refuse de prendre une équipe pour démissionner par la suite. Je n'accepte pas qu'on s'immisce dans mes prérogatives ou qu'on me dicte ce que je dois faire. Le seul président avec lequel j'entretiens de bonnes relations, c'est le Cheikh Fahd, le président d'El Ouakra, qui m'a beaucoup aidé à réaliser de bons résultats. Nous avons réussi un triplé en une saison. Avez-vous de sérieuses offres actuellement ? Vous devez savoir que Madjer n'a jamais frappé à la porte de quelqu'un pour chercher du travail. Tout le monde me respecte à travers le monde entier, je suis fier de cela, ça n'a pas de prix. Il y a deux semaines, j'ai reçu une offre d'un haut responsable saoudien qui veut s'attacher mes services. Je n'ai pas encore répondu. Beaucoup de choses ont été dites à propos de votre transfert d'Al Jazeera à Al Arabia. Certaines rumeurs disent même que vous étiez écarté de la chaîne qatarie, qu'en est-il au juste ? Ce sont des rumeurs comme vous le dites, la vérité, c'est que c'est le destin qui m'a amené à Al Arabia après avoir passé sept ans à Al Jazeera. J'ai l'honneur de faire partie des fondateurs de la chaîne Al Jazeera Sports. J'ai contribué avec Aymen Djada à lancer le championnat espagnol à partir de Doha. J'entretiens toujours de bonnes relations avec cette chaîne et celui qui dit que j'ai été écarté est un menteur. Aujourd'hui, je suis à Al Arabia et je m'y plais bien. J'ai beaucoup appris dans le domaine de la consultation, je découvre les erreurs des joueurs et des entraîneurs. C'est une belle expérience qui me servira dans l'avenir.