«La qualification à la CAN 2012 reste possible. L'Algérien ne recule devant rien» «Belmadi fait un travail exceptionnel et fera parler de lui dans un proche avenir» Rabah Madjer reste incontestablement l'un des meilleurs footballeurs que l'Algérie ait enfantés. Champion d'Europe avec le FC Porto, l'ex-international algérien a marqué l'histoire avec la talonnade qui porte son nom. Bien qu'il se soit retiré du monde du football ces derniers temps pour s'acquitter de nouvelles tâches au niveau de l'UNESCO, l'ancien joueur du NAHD affirme vouloir revenir le plus tôt possible dans l'univers du foot, que ce soit en qualité d'entraîneur ou de consultant dans une chaîne de télévision. Alors que la direction de son club lui avait demandé en 1994 d'intégrer l'équipe A de Porto pour épauler Tomislav Ivic, Rabah Madjer, qui s'occupait à l'époque des juniors, a décliné l'offre, préférant prendre en main la sélection algérienne. Aïd Moubarek Rabah… Merci, Saha Aïdkoum à vous aussi, à tous vos lecteurs, au peuple algérien et à tous les musulmans à travers le monde. Rabah Madjer s'est éclipsé ces derniers temps, que faites-vous actuellement ? Je me trouve toujours à Doha avec ma famille. J'ai préféré me retirer quelque peu du football et me consacrer plus à ma famille et mes enfants. Je travaille avec certaines instances qui m'ont pris tout mon temps. Je voyage beaucoup, je ne peux pas travailler dans le monde du football. Vous avez assisté au match amical Brésil-Argentine à Doha et vous avez même fait une petite allocution à la mi-temps. Comment ça s'est passé pour vous ? J'ai assisté au match dans la tribune officielle en compagnie d'autres anciennes gloires du football : Hadji, Zidane, Schumacher... Il y avait même l'entraîneur de Manchester United, Alex Ferguson. A la mi-temps, nous sommes descendus sur le terrain. Un petit clip relatant notre passé a été diffusé. Me concernant, on a montré le but que j'avais inscrit contre la RFA. Puis, j'ai dit quelques mots. C'était une grande fierté pour moi de représenter l'Algérie à ce grand événement qui a été une grande réussite Vous avez donc croisé Zinédine Zidane une fois encore. Peut-on savoir ce que vous vous êtes dit ? Zidane est une grande star et je suis honoré à chaque fois que j'ai l'occasion de le rencontrer. Nous étions ensemble dans la tribune officielle et nous avons parlé. Je me suis contenté de l'encourager pour la mission qu'il est en train d'assurer au Real Madrid et de discuter à propos du match que nous étions en train de regarder. Avez-vous parlé de l'Algérie ? Franchement, non. Ni le lieu ni le temps n'étaient propices pour en parler. J'aurais aimé évoquer avec lui des questions ayant une relation avec l'Algérie, mais nous étions dans un compartiment officiel et il y avait, de surcroît, de nombreuses personnes qui nous sollicitaient pour des autographes. C'est pour cela que nous avons évité de parler des questions sensibles. Est-il vrai que vous serez à Paris en décembre prochain pour votre installation en tant qu'ambassadeur de l'UNESCO ? Absolument. C'est au début du mois de décembre. Je vais participer à la fête qui sera organisée en mon honneur et officialiser mon nouveau statut d'ambassadeur de l'UNESCO. Mon nouveau rôle m'a pris beaucoup de mon temps, je ne peux suivre l'actualité footballistique comme avant. Vous êtes en train de vous politiser… (Il rit) Non, pas forcément. Ce qui m'intéresse c'est d'aider les gens et de leur procurer de la joie. Et qu'en est-il de votre poste de consultant sportif que vous avez quitté depuis juillet dernier. Ne songez-vous pas à revenir à la télévision ? Je ne suis pas contre cette idée, mais je n'ai pas reçu d'offre intéressante. J'ai décliné une offre d'une chaîne de télévision des pays du Golfe qui ne me convenait pas. Avec le monopole dicté par la chaîne Al Jazeera Sport, il ne reste pas beaucoup de chaînes qui peuvent diffuser les championnats européens. Mais on croit savoir que vous avez été contacté par la chaîne d'Abu Dhabi Sport, qu'en est-il ? Oui, mais on ne peut pas parler d'offre. Tout ce qu'il y a, c'est que lorsque j'analysais les matches de l'Equipe nationale lors du Mondial sur cette chaîne, des responsables m'ont exprimé leur désir de s'attacher mes services pour analyser les matches du championnat anglais dès le début de la saison. Mais on n'a jamais pris contact avec moi depuis, et je ne sais pas ce qui s'est passé. Cela dit, je ne refuserai pas une offre intéressante pour revenir dans le monde du football, car je ne peux pas m'éloigner longtemps de ce domaine. Et votre retour sur le terrain, tout le monde l'attend avec impatience ! J'espère que ce sera pour bientôt. Un footballeur ne peut pas vivre loin des terrains. Le problème, c'est que moi je veux travailler dans des conditions convenables. Ma personnalité ne me permet pas de travailler dans les conditions actuelles du football dans le monde arabe ou en Algérie. En Europe, il n'est pas aisé de s'imposer, même si vous êtes compétent. Je suis intéressé par le retour sur les terrains, mais je ne me précipite pas. Je veux attendre le moment opportun pour réaliser un véritable projet. Je ne veux pas travailler juste pour travailler, c'est la raison pour laquelle j'ai refusé certaines offres. Votre expérience dans le championnat qatari est quelque peu intrigante. En dépit de bons résultats que vous réalisez, vous quittez toujours les clubs que vous avez entraînés ; pourquoi ? Certains clubs des pays du Golfe privilégient des méthodes primitives où tout le monde veut s'immiscer dans les affaires de l'entraîneur. Ce que je ne pourrai jamais accepter. Lors de ma dernière saison au Qatar, j'ai réussi à propulser Al Rayan dans le carré d'or, alors qu'il était à la 9e place. Je me suis retrouvé plongé dans des problèmes que je ne comprenais pas. J'ai préféré me retirer du monde de football momentanément. Je conditionne mon retour sur le terrain à la présence d'un environnement convenable. Je respecte mon travail, je ne permettrai à personne de s'immiscer dans mon travail. On voulait donc s'immiscer dans votre travail à Al Rayan ? Oui, certaines personnes ont essayé de m'imposer leurs choix que j'ai naturellement refusés. Ils m'ont retiré leur confiance. Malheureusement, dans les pays du Golfe, certains entraîneurs se soumettent aux ordres de leurs employeurs et ne se soucient que de l'argent. Que pensez-vous du travail que fait Djamel Belmadi au Qatar ? Franchement, je suis surpris par le niveau montré par son équipe. Il est en train de faire du bon travail et il fera parler de lui dans un proche avenir. Djamel était un grand joueur et expérimenté. Il peut faire beaucoup de choses. Je suis content pour lui et je lui souhaite bonne continuation. Le président de Porto a affirmé à maintes reprises que les portes du club vous sont ouvertes, pourquoi n'avez-vous pas tenté votre chance ? Comme je vous l'ai dit, il est difficile de s'imposer en Europe, même si vous êtes compétent. J'avais une opportunité de travailler dans l'équipe première de Porto en 1994. Alors que je m'occupais des juniors, la direction du club, m'a demandé de travailler avec Ivic, qui était mon entraîneur en 1987. J'ai été très intéressé par cette offre, et j'étais même sur le point d'intégrer le staff technique de l'équipe première. Mais j'ai reçu une offre de l'Equipe d'Algérie et j'ai opté naturellement pour l'Equipe nationale comme ça a toujours été le cas d'ailleurs. C'est le destin. Avez-vous regretté d'avoir raté cette chance ? Non, pas du tout, je ne regrette jamais d'avoir choisi l'Algérie. il y a des choses qu'on ne peut expliquer. Même si c'était à refaire, je choisirais l'Algérie par conviction. Certains disent que Madjer ne possède pas les diplômes requis pour pouvoir travailler dans des clubs professionnels... Franchement, cette question m'a usé. Cette question revient à chaque fois. Tout le monde sait que je possède des diplômes dans le domaine, que ce soit en Algérie, au niveau du ministère ou de la Fédération. J'ai eu même un diplôme délivré par la Fédération française en 1998 où j'ai été major de promo. Ce ne sont que des rumeurs balancées par certains dans le but de me barrer la route de l'Equipe nationale. Je dirais aussi que ces diplôme ne servent qu'à orner les murs avec ou à remplir les casiers. Le vrai travail se fait sur le terrain. Le diplôme n'est pas aussi important que la personnalité de l'entraîneur et son comportement sur le terrain. Vous avez entraîné Carvalho dans l'équipe juniors de Porto, est-il vrai que vous lui avez prédit de devenir un grand joueur que les grands clubs se disputeront ? Absolument, je vais vous raconter comment cela s'est passé. J'ai travaillé pendant deux ans avec les juniors de Porto qui comptait Carvalho dans ses rangs. Il était un joueur exceptionnel et bien éduqué. Je lui ai même donné le brassard de capitaine d'équipe, vu ses qualités et sa forte personnalité. Lorsque je m'apprêtais à rentrer en Algérie pour prendre en main la sélection, j'ai parlé avec mes joueurs. J'ai pris Carvalho en aparté et je lui ai dit qu'il deviendra un solide défenseur et capitaine d'équipe de Porto et la sélection portugaise que de grands clubs se disputeront. Il a souri et m'a dit : «Vous plaisantez «Mister» ? Moi, prendre la place de Luis Jorge dans la sélection ?» Je lui ai dit, oui, et l'avenir le prouvera. Il m'a offert son maillot, et on s'est donnés rendez-vous pour l'avenir lorsqu'il deviendra ce qu'il est aujourd'hui. Dans chaque déclaration sur son passé, il évoque mon nom et affirme que c'est moi qui l'ai découvert. Vous avez déclaré dernièrement, que le président de la JSK, Moh Cherif Hannachi, vous avait sollicité pour entraîner son club. Etes-vous prêt aujourd'hui à travailler dans le championnat algérien ? En Algérie, le problème est dans l'environnement. Le président de la JSK m'a demandé d'apporter mon aide à son club, mais avec tout mon respect à la JSK, un club que j'aime, étant donné que c'est l'équipe qui représente dignement l'Algérie à chaque fois, je ne peux pas travailler dans des conditions pareilles. Je préfère que la situation s'améliore pour que j'accepte de travailler dans mon pays. C'est un honneur pour moi d'entraîner un grand club comme la JSK, mais le climat qui règne actuellement ne m'y encourage pas. Cet environnement est-il derrière le déclin de l'Equipe nationale ces derniers temps ? Non, je ne le pense pas. L'Equipe nationale est composée de joueurs professionnels qui ne sont pas concernés par la crise du football en Algérie. Le problème est ailleurs, et cette crise de résultats est incompréhensible. Je crois que les Verts traversent un passage à vide. Une crise que les Algériens souhaitent voir disparaître dès cette rencontre contre le Luxembourg (ndlr : interview réalisée avant Luxembourg-Algérie). Pensez-vous qu'il s'agit-là d'un choix idéal pour préparer le Maroc ? Je ne sais pas, mais je souhaite que cette confrontation contre le Luxembourg soit bénéfique pour l'équipe et servira de déclic. Mais franchement, j'aurais souhaité que cette rencontre se joue contre une équipe africaine qui se rapproche du Maroc dans le jeu pour se préparer comme il se doit. Le choix de la Tunisie aurait été judicieux. Je préfère une équipe et un environnement semblables à ceux de la rencontre officielle en perspective. J'aurais souhaité par exemple affronter une équipe africaine chez elle pour que les joueurs s'y habituent. C'est la logique qui le veut. Mais bon, nous devons être compréhensifs, les conditions et les dates FIFA ne faciliteront pas la tâche. C'est la raison pour laquelle nous devons compter sur des joueurs locaux et les renforcer par les meilleurs de l'Europe. Vous êtes donc pour le joueur local ? Absolument, si nous voulons construire une équipe solide, nous devons avoir un noyau de joueurs locaux, plus les meilleurs éléments évoluant en Europe, que nous pourrons rassembler. Il faut multiplier les stages de préparation. Nous devons avoir une politique bien claire et non pas faire dans le bricolage. La continuité est un paramètre important dans la construction d'une sélection de football. Le problème entre locaux et professionnels qu'on trouve dans la sélection actuelle n'est pas près de connaître son épilogue. Un commentaire ? Je n'ai aucun commentaire à faire là-dessus. Il y a un entraîneur en place, c'est à lui de trouver les solutions. Nous, nous devons lui apporter notre aide dans sa tâche. Le sélectionneur a justement convoqué plusieurs joueurs issus du championnat algérien, qu'en pensez-vous ? Je n'ai pas à commenter aussi ce choix, mais ce n'est pas en faisant appel à quelques joueurs locaux qu'on pourra résoudre le problème et que nous pourrons battre le Maroc. Il faut réviser notre copie et corriger nos erreurs, avant qu'il ne soit trop tard. Nous devons avoir une politique claire et bien étudiée. Pensez-vous que l'Equipe nationale est capable de se qualifier à la prochaine CAN, même si la situation s'est compliquée ? Je le souhaite, nous devons croire en cette équipe, les Algériens ne reculent devant rien et sont capables de relever le défi. Le plus important est de retrouver la confiance le plus vite possible et de renouer avec le succès. Nous voulons avoir votre réaction sur ce que nous a déclaré Del Bosque sur votre personne ? C'est un grand honneur pour moi qu'un aussi grand entraîneur comme Del Bosque parle de moi. Il est parmi les meilleurs entraîneurs du monde. Il a gagné la Coupe du monde avec l'Espagne. Je suis heureux que mon nom soit lié aux exploits de l'Algérie qui représente tout pour moi. Content de pouvoir porter le drapeau haut et que tout le monde me soit reconnaissant pour ça. Je remercie Del Bosque pour ce témoignage dont je suis fier. Quelle relation entretenez-vous avec cet entraîneur ? Franchement aucune. C'est un entraîneur hors du commun. Ce qui nous rassemble, c'est sa connaissance du football, j'ai constaté qu'il me connaît assez bien et connaît mes qualités. Il y a dix ans, il a misé sur moi pour le Ballon d'Or européen. Il m'a mis en première position, alors que je n'ai même pas le droit de postuler ce titre du moment que je ne suis pas européen. Pour lui, je méritais ce titre, ce qui m'a rendu davantage fier. Je savais qu'il était un grand entraîneur et qu'il aimait le football algérien.