«On jouait toute la journée sous un soleil de plomb» «J'ai joué contre Hakim Meddane à Tslatha et je l'ai muselé» Le Maradona local Pour Hakim Meddane, ancienne perle du football algérien, évoquer Ath Yanni c'est lui faire une caresse sur le cur et l'envelopper dans les bras pleins de douceur de sa regrettée grand-mère. Il se rappelle avec nostalgie et émotion de celle qui s'impatientait de les voir arriver pour les grandes vacances d'été. «Allah yerhamha, elle se tenait debout devant le portail pour nous accueillir et nous souhaiter la bienvenue pour les trois mois de vacances. Elle était très protectrice et d'une hnana incomparable. C'étaient les années de l'insouciance et du bonheur tout simple. L'ambiance familiale faite de rigueur et de douceur te requinquait pour l'année suivante.» «On jouait toute la journée sous un soleil de plomb» Pour le petit Hakim, Ath Yanni lui rappelle aussi les parties interminables de football avec les amis et les cousins. «On jouait toute la journée sous un soleil de plomb lorsqu'on parvenait à échapper à la vigilance des adultes. Et ça durait souvent jusqu'à la tombée de la nuit». Cela explique en partie cette endurance qui le caractérisait lorsqu'il survolait partenaires et adversaires sur de vrais terrains au point de le propulser au rang de meilleur joueur du monde de la catégorie des cadets, en 1983, en Malaise, aux côtés de joueurs internationaux huppés dont le frère de Diego Maradona, à qui Ayaniou avait raflé la vedette. Qui dans tout Ath Yanni ne se souvient de l'honneur que leur faisait le petit prodige d'Agouni Ahmedh en venant participer aux tournois inter-villages ? «J'ai joué contre Hakim Meddane à Tslatha et je l'ai muselé» La première phrase justement qu'on vous distille en foulant le terrain de foot local, c'est cette empreinte éternelle qu'a laissée l'ancienne star kabyle. «J'ai joué contre Hakim Meddane sur le terrain de Tslatha et je l'ai bien muselé toute une mi-temps», s'enorgueillit pour un instant Brahim devant nous et ses enfants, avant de finir sa phrase sur un ton plus réaliste : «mais cela ne l'a pas empêché de nous marquer quatre ou cinq buts en deuxième mi-temps.» Tous ceux qui l'ont côtoyé se rappellent sa simplicité et sa bonne humeur. «Hakim est un passionné. C'est l'une de nos stars préférées à Ath Yanni. Et en plus il s'est toujours rendu disponible pour aider les jeunes du village», rajoute Hacène qui dit avoir des liens de parenté avec son idole. On peut le croire sur parole à voir les traits de ressemblance et la manière avec laquelle il parle de son cousin. Et comme pour dissiper tout soupçon, il dira : «de toutes les façons, tout le monde a des liens de parenté avec tout le monde à Ath Yanni.»
Le Maradona local Il est vrai que Beni Yenni est longtemps restée quasi hermétique à l'extérieur si ce n'étaient quelques exceptions que les villageois ont toujours vues d'un mauvais il. Ce qui explique bien cette sorte d'«uniformisation plastique», dirions-nous qui fait que lorsque deux personnes d'Ath Yanni se croisent en dehors de la région, il y a ce sentiment d'appartenance inexplicable qui se lit sur les deux visages. On se surprend à dire dans son cur, que cette tête fait rappeler un proche. Mais la ressemblance avec Meddane s'arrête au simple physique, car nul dans le village ne peut prétendre atteindre son niveau de jeu. «C'était notre petit Maradona à nous. Quand il avait enfin signé à la JSK, c'était notre rêve à tous qui se réalisait. On ne ratait plus aucun match à Tizi», renchérit Hacène dont la fierté se lit encore sur le visage. Un sentiment que partage entièrement la star en question qui affirme tout haut être «fier d'appartenir à Ath Yanni. Une région qui a donné des hommes de grandes valeurs à l'Algérie que ce soit pendant la colonisation ou après. Vous savez, à Beni Yenni on a toujours privilégié l'enseignement. Dans ma famille d'ailleurs, il y a plein d'instituteurs. Et quand on sait que le regretté Da l'Mouloud Maameri vient de chez nous...», renchérit-il avec un sourire qui veut tout dire. L'amour légué par ses parents Voilà donc ce qui caractérise l'ensemble des gens d'Ath Yanni : la fierté d'appartenir à un ensemble qui a de tout temps fait passer les études au premier plan, sans pour autant négliger les côtés festif et artistique de la vie. D'ailleurs à notre question de savoir quel est le principal souvenir que Hakim garde de son enfance, il répond sans la moindre hésitation : «Ce sont les fêtes du village dans une ambiance très familiale qui ne se terminaient qu'au petit matin. Cela se passait dans le respect le plus absolu et ça permettait à tout le monde de nouer ou renforcer les liens.» Voilà toute la douceur dont Meddane a bien voulu nous faire partager à travers sa Kabylie chérie, dont l'amour lui a été légué par sa mère et son défunt père dont l'esprit plane au-dessus de cette magnifique terre. Nacym Ath Ali (Demain, 3e partie) Qui est qui à Ath Yanni ? L'actuel P/APC de Béni Yenni est M. Boumaza Mohamed Arab. Il a remplacé M. Tabèche Nacer. Hamid Cheriet est le nom du célèbre compositeur et interprète d'Avava Inouva, en l'occurrence Idir dont le village est Ath Lahcène. «Ath» ou «Aït» signifie «appartenant aux familles issues de...» En arabe, l'équivalent c'est Ahl. Khalef Abdallah est le patronyme de Kasdi Merbah, ancien Premier ministre de Chadli. Kasdi Merbah est le cousin de Khalef Mahieddine, l'entraîneur de l'EN 82 et de la JSK entre autres. D'autres de ses cousins Abdelkader et Youcef, notamment, sont également connus dans le milieu du football national. Mouloud Mammeri : «Quand je regarde en arrière» Quand je regarde en arrière, je n'ai nul regret, je n'aurai pas voulu vivre autrement...De toutes façons, un fantasme n'est jamais que cela. Je ne me dis pas : J'aurais voulu être un citoyen d'Athènes au temps de Périclès, ni un citoyen de Grenade sous les Abencérages, ni un bourgeois de la Vienne des valses. Je suis né dans un canton écarté de haute montagne, d'une vieille race qui, depuis des millénaires, n'a pas cessé d'être là, avec les uns, avec les autres...qui, sous le soleil ou la neige, à travers les sables ou les vieilles cités du Tell, a déroulé sa saga, ses épreuves et ses fastes, qui ont contribué dans l'histoire, de diverses façons, à rendre plus humaine la vie des hommes. Kasdi Merbah, un Premier ministre d'Ath Yanni Kasdi Merbah (1938-1993), de son vrai nom Khalef Abdallah, est originaire de Béni Yenni. C'était un homme politique et a été le Premier ministre du 5 novembre 1988 au 9 septembre 1989. Il a été membre du FLN lors de la guerre d'Algérie. Kasdi Merbah a créé un parti politique dénommé Mouvement algérien pour la justice et la démocratie (MAJD). Après l'indépendance, Kasdi Merbah a occupé successivement les postes de coordonnateur des services de sécurité puis de secrétaire général du ministère de la Défense nationale avant d'entrer au gouvernement comme vice-ministre de la Défense nationale, puis ministre de l'Industrie lourde, de l'Agriculture et enfin de la Santé. Au lendemain des émeutes d'octobre 1988, après la révision constitutionnelle qui entraîne la création de la fonction de chef du gouvernement, le président Chadli Bendjedid le nomme Premier ministre. Il a été assassiné en 1993 à Alger Plage en compagnie de son frère Baâziz. Khalef Mahieddine, l'homme de Gijon, est aussi d'Ath Yanni Khalef Mahieddine, qu'on surnomme fièrement l'homme de Gijon depuis que l'EN qu'il a dirigée en 1982 a battu la RFA au stade d'El Molinon de Gijon en Espagne, est également d'Ath Yanni. Khalef a été le 14e sélectionneur de l'histoire des Verts qu'il a pris en main à trois reprises : 1979/1980, 1982 et 1984. Khalef a toujours été fier de son village originel. Il nous l'a confirmé tout récemment lors de la cérémonie du Ballon d'Or en compagnie de quelques amis. «Notre village est un grand réservoir de sport et de la culture. C'est vraiment une fierté», a fait remarquer le consultant actuel de Art Sport. Reportage réalisé par Nassim Djender