«Benouza a été recalé du championnat d'Asie à cause de ses assistants» Le président de la Commission centrale des arbitres (CCA), Belaïd Lacarne, ne parle presque jamais à la presse. Pourtant, il a tellement de choses à dire, compte tenu de la sensibilité du poste qu'il occupe. Dimanche, on a voyagé avec lui de Khartoum à Port Soudan. L'occasion était trop belle pour ne pas tenter de lui soutirer quelques avis que nous vous présentons dans l'entretien que voici, d'autant qu'il était prompt à répondre à nos questions. Pertinent ! M. Belaïd Lacarne, bonsoir, quel est l'objet de votre présence ici à Khartoum ? Etes-vous en mission officielle ? Oui. Je suis chargé de la sécurité durant ce CHAN. Je suis affecté, avec Water Gag de la Fifa et Abbel, à Port Soudan jusqu'au 19 février. En quoi consistera exactement votre mission ? De veiller à ce que tout soit nickel. Ce travail est d'ordinaire assuré par les commissaires aux matches, mais depuis peu, on a décidé de les en décharger et de le confier à d'autres officiels. Le sifflet algérien est faiblement représenté ici au Soudan, seul Djamel Haïmoudi a été retenu, est-ce à dire que le niveau de nos referees a régressé ? Pas spécialement. En Afrique, ce ne sont pas toujours les meilleurs qui sont désignés. Il y a de bons arbitres à travers le continent qui n'ont pas été retenus. Je ne parle pas seulement des nôtres. Après, il est difficile de placer plus d'un arbitre dans cette compétition du fait qu'il n'y a que seize équipes. La seule fois où l'Algérie a été représentée par deux referees, c'était en 2008 au Ghana, et encore ! Les circonstances du moment avec notamment la non-qualification de l'Algérie ont favorisé la présence de Benouza et Haïmoudi. Et puis, nous aussi avions mis une grosse pression sur la CAF. Sinon, de tout temps, il n'y avait qu'un seul arbitre tout au plus. Qu'est-ce qui a fait pencher la balance en faveur de Haïmoudi plutôt que Benouza ? C'est simple, Benouza a été désigné pour officier à la Coupe d'Asie, du coup, il ne pouvait pas être retenu pour ce CHAN, d'où la présence de Haïmoudi. En évoquant le cas Benouza, il a été «recalé» de la Coupe d'Asie pour une prétendue histoire de conjonctivite, était-ce réellement la raison ou bien y a-t-il des non-dits ? En fait, sur le coup, j'avais émis des interrogations. J'ai su que Itchiali n'était pas en mesure d'arbitrer, mais les deux autres si. Il était en trio. D'ordinaire, soit on remplace l'arbitre assistant par un autre, soit on attend qu'il se remette pour les utiliser, d'autant que la compétition s'étale dans le temps. C'est pour cette raison que j'avais demandé à ce qu'ils joignent tous les trois leurs rapports à des certificats médicaux qui prouvent qu'ils n'étaient pas en mesure d'officier. Itchiali a présenté un certificat, non ? Si ! C'est le seul d'ailleurs qui nous a remis un dossier en bonne et due forme. Il paraît que Meknous aussi a été atteint. Les deux autres ne l'ont pas fait. Tenez-vous toujours à ce qu'ils justifient cette défection ? Non, pour la simple raison qu'on a été destinataire d'un fax du comité d'organisation de cette compétition, qui avait saisi la CAF pour s'excuser de ne pas avoir utilisé nos arbitres après la défection de l'un d'eux. Bref, ils ont expliqué qu'ils n'ont pas prévu d'arbitre remplaçant, préférant maintenir les mêmes trios, contrairement à ce qui se fait à la CAN ou au Mondial par exemple. Voilà l'histoire. Benouza avait dit, lui aussi, qu'il avait chopé la conjonctivite... Ce n'est pas ce qu'il m'a dit. Dans son rapport que nous avons reçu la semaine dernière, il a dit que Meknous aussi a été infecté. Sans plus. Pour vous, l'affaire est-elle toujours en cours, ou bien vous avez clos le dossier ? C'est bon, le dossier est clos. C'est la deuxième fois que Benouza se fait recaler d'une compétition à cause de ses assistants, pas de bol pour lui ? C'est ce qu'il dit. Il prend la chose telle qu'elle vient. Il s'en remet à Dieu, voilà. Qu'en est-il du cas Chabane par qui était venue la décision de recaler Benouza au Mondial sud-africain ? C'est fini pour lui ! Pour moi, Chabane c'est du passé. Pourtant, lui dit avoir présenté un dossier médical qui prouve sa bonne foi ? Il ment ! La preuve, il a par la suite écrit au président de la fédération pour solliciter sa réintégration. Il n'a pas été honnête. Il a été de mauvaise foi, à lui d'assumer les conséquences de ses actes. Voulez-vous être plus explicite ? Lorsqu'ils sont allés à Cap Town pour le dernier test physique, on leur avait fait signer des documents attestant de leur bonne santé, tout le monde l'avait signé, y compris Chabane. Quand on fait facilement les six fois 40 mètres, on n'est pas malade. Les 40 mètres sont plus violents que les 150 qu'on fait sur un rythme régulier. Lui, il a fait les six fois 40 mètres, il a réussi les 150 mètres… il est allé jusqu'au septième tour ! Il était apte donc… Bien sûr ! Pourquoi avoir alors simulé une maladie ? Il n'était pas motivé, c'est tout. Lui dit que la FAF n'avait pas mis les moyens, or c'est faux. Pourquoi est-il le seul à avoir contesté ? J'ai mis deux préparateurs physiques à leur disposition. Belkacem s'occupait de Benouza et Azzouz de Chabane. Il n'est allé le voir qu'une seule fois. Il a par la suite dit qu'il avait trouvé un autre meilleur que Azzouz, mais on n'a jamais eu de nouvelles. Est-ce à dire qu'il n'était pas motivé pour y aller ? Sans aucun doute. Il n'a pas mesuré le degré de la chance qu'il avait d'être choisi. Car il n'a jamais fait ses preuves. Quels sont les grands tournois qu'il a arbitrés ? Citez-moi un seul. C'est Benouza qui l'a choisi car nous avons, à la Fifa, donné la chance aux arbitres directeurs de choisir eux-mêmes leurs assistants. Mais attention, il n'y avait pas que lui. L'Egyptien aussi n'a pas réussi les tests. Cette saison, des sanctions ont été prises à l'encontre de certains arbitres, sur quelles bases sont-elles prononcées ? Sur les erreurs qui faussent complètement le déroulement d'un match. On ne peut pas fermer les yeux sur ça. Après, il subsiste toujours des fautes d'appréciation qu'on peut facilement pardonner dès lors que l'arbitre est sujet à l'erreur. Cela fait partie du jeu. Mais quand cela dépasse le seuil de tolérance, on est appelés à sévir. Quelle est la durée d'une suspension ? De un à trois mois. C'est en fait selon les cas. Seulement, si un arbitre est arrêté pendant trois mois, il n'aura pas de promotion. Il risque même la rétrogradation. C'est le cas de Benaïssa ? Par exemple. Il n'est plus nommé pour la Ligue 1. Seulement, les mentalités commencent à changer. Je suis heureux de dire qu'on commence à prendre conscience du rôle de l'arbitrage. Cette année, nous avons fait passer les tests aux arbitres, du 1er au 3 février, eh ben, seuls deux ont été recalés ! Seuls Benamara et Chebbab ont échoué aux tests. Ils ont pris du poids. Les autres tous sont OK ! D'habitude à la phase retour, le pourcentage d'échec atteint les 25 % facilement. Quels sont les arbitres qui vous ont donné satisfaction durant cette phase aller ? Nonobstant les anciens, j'ai bien apprécié ce qu'ont fait Bouster, Mial, Abid-Charef et Behloul. Ils constituent une nouvelle génération de referees. Ils sont encore jeunes. Ils ont besoin de mûrir. Pour le moment, on est en train de les lancer progressivement dans le bain. Il y a de bons arbitres aussi en Ligue 2 qui arrivent. Mais j'ai confiance en leurs qualités. J'ai l'espoir de voir fleurir une nouvelle génération d'arbitres en Algérie, plus mûre et plus professionnelle. Le paysage de l'arbitrage va littéralement changer l'année prochaine. La FAF avait décidé d'augmenter les primes des arbitres afin, dit-on, de les protéger de la corruption, qu'en est-il depuis ? Cela fait trois mois que cette loi est mise en vigueur. Aujourd'hui, un arbitre directeur de Ligue touche 25 000 DA par match. 18 000 DA pour les assistants. Quand un arbitre est désigné trois fois en un mois, faites les comptes ! Mais ce que je veux dire, c'est que pour combattre la corruption, c'est les mentalités qui doivent changer. On entend çà et là des présidents de club dire vouloir récuser tel ou tel arbitre, en tenez-vous compte dans la désignation des trios pour les matches de championnat ? Pas du tout. Ils sont libres de dire ce qu'ils veulent comme notre commission est souveraine dans ses décisions. On continuera à désigner les arbitres selon nos propres critères. Sinon quelle autorité aura la CCA après ! Vous avez, tout à l'heure, évoqué les élections du comité exécutif de la Fifa, auxquelles Mohamed Raouraoua, le président de la FAF, est candidat, quelles sont ses chances d'être élu ? Je ne peux pas dire ce que les suffrages vont décider, mais je sais que Raouraoua a du poids. Bien plus, de réelles chances d'être élu.