«Hamdani m'a autant surpris que déçu. Pour moi, ce n'est pas Hamdani que je connaissais. Quand j'ai lu son interview, je n'ai pas eu l'impression que c'est lui qui parlait. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas vraies dans tout ce qu'il a dit.» Natif de Constantine, c'est naturellement dans le club le plus populaire de la ville des Ponts suspendus que le petit Mounir va tenter de se frayer un chemin dans un monde qui le faisait déjà rêver alors qu'il n'avait que dix ans. Et c'est sans regret qu'il abandonne l'école pour s'investir totalement dans sa passion. Lorsque Mouassa lui demande de jouer latéral droit, pour sa première apparition chez les seniors en 1990, le numéro 10 des juniors du CSC accepte sans émettre la moindre réserve. «Quand on est jeune, on ne discute pas les choix de son coach. On travaille et on se la ferme.» Une devise qui va s'avérer payante puisque, depuis, Zeghdoud ne cèdera plus sa place de titulaire en 18 ans de carrière. L'Algérie découvre alors, en 1995, un libéro de charme que tous les clubs vont s'arracher lorsque Aïn Beida accède en Division 1. Et en 1997, Zeghdoud étale toute sa classe en faisant parler sa science du placement et sa justesse dans les relances avec les Rouge et Noir, dont il deviendra rapidement le leader incontesté. Mais c'est en silence qu'il mettra fin à sa carrière, presque dans l'indifférence. Retour sur le parcours du « dernier des Mohicans ». Notre première question va vous paraître un peu bizarre, mais on vous la pose quand même. Avez-vous mis fin à votre carrière de footballeur ? (Rire.) J'avoue que c'est la question à laquelle je ne m'attendais pas du tout. A votre avis ? On vous la pose parce que, officiellement, vous n'avez jamais déclaré avoir mis fin à votre carrière. Lorsque vous avez quitté la JSMB, on s'attendait à ce que vous rechaussiez les crampons, non ? Oui, c'est vrai. Après avoir passé deux ans à la JSMB, la fin n'a pas été comme je l'espérais. Il y a eu quelques malentendus qui m'ont poussé à quitter ce club. Après, il est vrai que je voulais rejouer pour au moins une année, je m'en sentais encore capable. Mais à mon âge, il ne fallait pas sauter sur la première occasion. Il fallait choisir la bonne opportunité, celle qui m'arrangeait le plus. Mais le temps passait et je n'arrivais pas à me décider. En même temps, je ne vous cache pas que je savourais le repos et le temps libre. Je pouvais faire ce que je voulais, quand je voulais. Alors, je me suis dit qu'il est peut-être mieux de marquer une pause et apprécier la vie en dehors du football, en attendant de voir plus clair la saison d'après. Et vous n'avez jamais pu reprendre… C'est cela. L'année que j'avais passée en dehors des terrains m'a fait découvrir beaucoup de choses. J'étais libre. J'avais du temps pour ma famille, pour mes proches et pour mes amis. Je n'avais plus de soucis pour mes préoccupations personnelles. Je me sentais tellement bien que j'avais du mal à reprendre. J'ai donc pris la décision d'arrêter. Vous ne l'avez jamais annoncé, bien entendu… L'occasion ne s'était pas présentée. Mais dans ma tête, c'était fini. Par rapport à votre grande carrière, on imagine que la fin n'a pas été comme vous l'espériez, n'est-ce pas ? Oui, mais dans la vie, on ne peut pas tout prévoir, ni tout maîtriser. Ce sont des choses qui arrivent comme ça, sans prévenir, et il va falloir faire avec. J'aurais évidemment bien aimé que la fin soit à l'image de ma carrière, mais bon ! c'est le destin et je l'accepte. Vous pouvez toujours vous rattraper en organisant un jubilé digne de votre parcours et de votre statut. Vous y avez pensé ? J'y ai pensé effectivement, mais pas pour le moment. Je vais voir quand et comment. Je crois que le jour où je pourrais réunir tout le monde, tous ceux que je voudrais voir présents, je le ferai. Revenons maintenant très loin en arrière, au tout début de votre carrière. Vous souvenez-vous de votre premier match en senior ? Oui, kima lyoum. C'était en 1990 avec le CSC. C'était ma première année en senior aux côtés de Bouali, Bettadj et les autres. Nous avons joué contre le WAT et nous avons gagné. Vous aviez joué à quel poste ? Latéral droit. C'est Mouassa qui m'a proposé ce poste après m'avoir suivi en junior et c'est lui qui m'a lancé en senior. Il parait que vous jouiez en 10 quand vous étiez junior, non ? Oui, je jouais en 10 dans les petites catégories jusqu'en junior où j'ai dû changer de poste. Expliquez-nous comment vous êtes passé du fameux n°10 au fameux n°5 ? Je jouais en 10 jusqu'au jour où j'avais participé avec la sélection de l'Est à un tournoi à Oran. J'étais encore junior. Ce jour-là, Nedjar Achour et Abdenouri, qui étaient à la tête de la sélection de l'Est, m'ont proposé de jouer en libéro. J'ai accepté et j'ai accompli convenablement ma tâche. Tout le monde a trouvé que j'étais bon à ce poste. Moi-même je m'y suis plu tout de suite et j'ai continué à jouer en défense. Et vous avez accepté par la suite de jouer arrière droit lorsque Mouassa vous l'a demandé, c'est cela ? J'étais jeune et je ne devais pas discuter les choix du coach. Je devais plutôt saisir cette opportunité pour m'imposer en senior, peu importe le poste où on allait me faire jouer. C'est ce que j'ai fait et je n'ai plus cédé ce poste jusqu'à la fin de la saison. Quand on est jeune, il ne faut pas parler beaucoup, encore moins discuter les choix de son entraîneur. Il faut se battre sur le terrain pour montrer de quoi on est capable. La suite ? J'ai terminé la saison comme arrière droit et j'avais retrouvé, la saison d'après, le poste de libéro. J'ai passé trois ans au CSC avec, au bout, une accession en 1994. Le CSC accède, mais vous, vous restez en D2.. C'est ça. Je suis parti à Aïn Beida, qui était toujours en D2. Pourquoi ? J'ai trouvé le challenge intéressant. Dans la vie, il faut savoir faire ses choix en tâchant de ne pas brûler les étapes. J'avais jugé qu'il était encore tôt pour moi de jouer en D1 et qu'il fallait m'aguerrir encore plus en D2. Et le temps vous a donné raison… Exactement, puisque c'est à l'USM Aïn Beida que j'ai explosé. Nous avons fait une grande saison avec une accession au bout. J'étais parmi les joueurs les plus en vue, ce qui m'a valu d'ailleurs ma première sélection en 1995 avec Fergani et Abdelouahab, Allah yarahmou. Vous avez donc réalisé deux accessions consécutives, c'est-à-dire, deux fois de suite champion de D2, c'est cela ? Oui, j'ai oublié d'ailleurs d'ajouter ces deux titres à mon palmarès (Rire). Toute l'Algérie découvre alors un libéro de charme à Ain Beida, mais encore une fois, vous avez résisté à la tentation en restant trois ans à l'USMAB... Beaucoup de jeunes aujourd'hui font de mauvais choix. Ils pensent qu'ils sont arrivés, et dans la précipitation, ils s'emmêlent les pinceaux. J'étais bien à Aïn Beida, on jouait les premiers rôles en championnat, et on a participé déjà à la coupe de la CAF dès notre deuxième saison en D1. Changer pour changer ? Pour se casser les dents ? Non, je pense avoir bien géré les choses à cette époque. Vous décidez quand même de passer à autre chose en 1997. Pourquoi avoir choisi l'USMA ? C'était le moment pour moi de voir plus grand, et je ne manquais pas d'offres. En plus de l'USMA, il y avait le MCA, la JSK et l'USMB, pour ne citer que ces clubs. Et je tiens à préciser que ce n'est pas l'argent qui a motivé mon choix. Quand un joueur acquiert un certain statut, il n'a pas besoin de marchander, sa valeur est reconnue de tous. Toutes les équipes que j'ai citées m'avaient fait une bonne offre, mais pour faire mon choix, il fallait tenir compte d'autres critères. Il fallait choisir l'équipe où je pourrai m'adapter le plus rapidement possible et celle qui sera à la hauteur de mes ambitions sportives. J'étais déjà international avant de venir à l'USMA, et je suis resté international après. L'USMA répondait-elle à vos attentes ? J'ai trouvé tout cela à l'USMA. Il y avait une bonne organisation, des moyens, des internationaux, des joueurs d'un bon niveau que je connaissais déjà, et mon adaptation s'est faite très vite. Cette étape était la plus importante dans ma carrière. La preuve, j'y suis resté dix ans. Durant ces dix années, avez-vous regretté un jour d'avoir opté pour l'USMA ? Jamais. Même dans les moments les plus difficiles. En dix ans de vie avec l'USMA, que retenez-vous le plus ? (Il réfléchit) Ecoutez, peut-être que cela va vous paraître comme de la langue de bois, mais pour moi, c'est la vérité et c'est très important. Ce que je retiens le plus, c'est la vie de famille. Dix ans, ghir lssan likoulhoum. Nous étions une équipe de football certes, mais au-delà, nous formions une famille. C'est ce que je retiens le plus de ma carrière à l'USMA. Car, voyez-vous, tout a une fin, mais la connaissance des hommes n'a pas de valeur. Cette équipe a dominé le football national pendant toute une décennie. Quel était son secret ? Il y avait d'abord, comme je viens de dire, un esprit de famille avec des gens responsables. Sa force résidait en sa stabilité à tous les niveaux. Chaque saison, l'ossature était là. On ne recrutait que deux ou trois joueurs, non pour chauffer le banc, mais pour apporter le plus sur le terrain. C'était un recrutement ciblé et efficace. Cela nous permettait de garder nos automatismes et pallier en même temps nos insuffisances. Il faut le dire aussi, nous avions de très bons joueurs. On dit que cette équipe « tournait toute seule » et qu'elle n'avait même pas besoin d'un entraîneur qui gueule à partir du banc. Est-ce vrai ? Ben… je ne sais pas quoi vous dire exactement. Elle marchait toute seule ? Oui, peut-être, mais à mon avis, c'est une manière comme une autre de dire qu'elle était bien huilée, c'est tout. Disons que cette équipe facilitait la mission de l'entraîneur sur et en dehors du terrain. On traçait un objectif en début de saison et on l'atteignait, point. La stabilité au sein de l'effectif et les joueurs de talent que nous avions permettaient à l'équipe de tourner, comme on dit, comme une montre. Chacun de nous savait exactement ce qu'il avait à faire sur le terrain, il ne fallait pas le lui dire deux fois. En dehors du terrain, l'entraîneur n'avait pas à gérer les humeurs des uns et des autres. On réglait souvent les problèmes entre nous. C'est pour ça qu'on dit que cette équipe tournait toute seule. Mais à vrai dire, l'USMA avait toujours besoin de son entraîneur. Même le Barça d'aujourd'hui, la meilleure équipe du monde avec des joueurs d'exception, a besoin de son entraîneur. Il y avait dans cette équipe des joueurs de talent certes, mais aussi des joueurs à forte personnalité. Comment arrive-t-on à gérer un groupe avec de telles caractéristiques ? Je vous l'ai dit, c'était une équipe de football, mais aussi une famille. A partir de là, chacun de nous connaissait la limite qu'il ne fallait pas dépasser. C'était des joueurs responsables. Il paraît que votre rôle était très important dans le groupe. Quand vous éleviez le ton, tout le monde écoutait et votre parole était entendue. Un leader quoi !... J'étais le capitaine d'équipe. Pour moi, le brassard n'est pas fait pour se prendre en photo avec. Le brassard est lourd à porter, c'est une grande responsabilité. En plus de l'image que vous devez véhiculer, vous devez gérer les choses à l'intérieur du groupe. Faire en sorte que tout se passe bien. Ecouter tout le monde et se faire entendre en même temps. J'étais le lien entre les joueurs et les staffs technique et administratif. Je gueulais sur le terrain, je gueulais dans le vestiaire, mais c'était pour l'intérêt général. Tout cela se passait dans le respect mutuel bien sûr. J'étais le capitaine, l'entraîneur et le président. Parfois, je me demandais si je ne dépassais pas mes prérogatives. La force de votre équipe était aussi la solidité de sa défense. Quelle était, selon vous, la meilleure composante de l'époque ? C'est difficile à dire. Mais à mon avis, celle qui était la plus performante, c'est celle qui était composée de Hamdoud, Ghoul, Hamdani et moi-même. Il y avait une entente parfaite entre nous et ils étaient tous des joueurs de grand talent. Je n'oublie pas Aribi, qui est venu après et qui a apporté énormément à cette défense. Vous vous entendiez beaucoup avec Hamdani ? Oui, Fayçal (Hamdani) et moi pouvions jouer les yeux fermés. Hamdani était un excellent défenseur, il avait un niveau supérieur. C'est le type qui pouvait vous subtiliser le ballon d'un tacle de quatre mètres derrière sans vous toucher. On ne voit pas ça aujourd'hui. En parlant de Hamdani, avez-vous lu l'interview qu'il nous a livrée récemment ? Oui, et j'ai été très déçu. Pourquoi ? J'ai été autant surpris que déçu. Pour moi, ce n'est pas Hamdani que je connaissais. Quand j'ai lu son interview, je n'ai pas eu l'impression que c'est lui qui parlait. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas vraies dans tout ce qu'il a dit. Par exemple ? Beaucoup de choses, mais je ne suis pas là pour lui répondre et je ne compte pas entrer en conflit avec lui après 11 ans de camaraderie. Je ne compte pas non plus me défendre. Moi, Elhamdoullah, les gens me connaissent. Je tiens juste à prendre la défense de quelqu'un qui n'avait pas besoin qu'on salisse son image après toutes ces années. Je pense à Benzekri. Hamdani a dit qu'il buvait de l'alcool devant les joueurs. C'est faux, il n'a jamais fait cela devant nous, et vous pouvez le demander à tous les joueurs. Benzekri avait certes un dur caractère, tout le monde le connaît, mais il n'a jamais dépassé les limites avec nous. J'en suis témoin devant Dieu. Personne ne m'oblige à prendre la défense de Benzekri, mais il fallait penser à sa famille, ce n'est pas bien de salir une personne de la sorte dans les journaux. Il a dit également que Benzekri vous insultait dans le vestiaire, et que personne n'a régi sauf lui. C'est faux aussi ? Oui, c'est également faux. Il ne nous a jamais insulté. Vous le voyez, vous, insulter Hadj Adlane, Dziri, Djahnine et tous les autres ? Hamdani a également parlé de vous et de Dziri par rapport au poste que vous occupez actuellement à l'USMA. Un commentaire ? Je vous l'ai dit, je ne vais pas descendre aussi bas pour répondre. J'ai accepté de faire cette mise au point, juste pour témoigner devant Dieu que ce qui a été dit sur Benzekri est faux. Quel est le match qui vous a marqué le plus durant toutes ces années à l'USMA ? Y en a plusieurs. Un en particulier ? Je pense particulièrement au match des demi-finales contre le Mouloudia en 1999. En foulant la pelouse, j'ai été impressionné. Je n'avais jamais vu jusque-là autant de monde au 5-Juillet, et je crois c'est le derby qui a drainé le plus de supporters ces dernières années. Il y en avait plus lors de la finale de 2006, non ? Je ne pense pas car en 1999, il n'y avait pas encore les sièges. C'était les bancs en bois qui pouvaient contenir plus de monde. Pourquoi ce match vous a-t-il marqué en particulier ? D'abord à cause de la foule qu'il avait drainée. C'était impressionnant, et je ne vous cache que je n'avais jamais eu peur comme ce jour-là. Ensuite, c'est parce qu'il s'agissait d'une demi-finale de coupe d'Algérie, et contre le Mouloudia en plus, qui, faut-il le rappeler, venait d'être sacré champion une semaine auparavant. Il y avait des buts (2-2) et le suspense a duré jusqu'aux penalties. Tous ces ingrédients ont fait que ce match était exceptionnel. Il y a aussi la finale que j'ai gagnée avec la JSMB parce que c'était historique. C'était le premier titre dans l'histoire du club. On dit d'ailleurs que c'est la plus belle coupe qu'a gagnée l'USMA .. Oui, surtout par rapport au parcours. Nous avions écarté le champion en demi-finale, battu le vice-champion, qui est la JSK, en finale, et auparavant, nous avions éliminé de grandes équipes comme l'USMB et le WAT. Nous avions écrasé tout sur notre passage avant de brandir le trophée. Et quel est le match que vous regrettez toujours d'avoir raté ? Les deux finales contre le MCA. Surtout la deuxième car pour la première j'étais blessé. Justement, jusqu'à aujourd'hui, on ignore encore les vraies raisons de votre absence à cette finale de 2007. Pouvez-vous nous en dire plus aujourd'hui ? C'était une décision politique. Il ne fallait pas que Zeghdoud joue cette finale, point. Je suis allé voir Belhout pour qu'il me donne des explications, il m'a fait savoir que c'était pour des choix purement tactiques. Je lui ai dit : «Ecoutes, tu ne parles pas à un gamin. Tu parles à Zeghdoud, le capitaine de cette équipe, et ton explication ne tient pas la route. Cette décision n'est pas la tienne, tu ne fais qu'appliquer les ordres. Je l'aurai accepté si c'était ta décision, mais ce n'est pas le cas malheureusement». Mais vous le saviez avant d'aller voir Belhout … Oui, mais je voulais en avoir le cœur net. Je voulais lui dire ce que je pense en face. Car, lui, il n'est même pas venu me parler alors que j'étais titulaire et capitaine d'équipe. J'espérais aussi qu'il me donne une explication valable, ce qui n'a pas été le cas. Il n'a fait qu'appliquer les ordres. C'était la fin de mon aventure avec l'USMA, que je n'avais jamais imaginée de la sorte. C'est malheureux. Je suis parti par la suite à Béjaïa…