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Malek : «Ce n'est pas ma faute si Guendouz n'a pas été embauché en Algérie»
Publié dans Le Buteur le 11 - 12 - 2010

«Oui, c'était mon entraîneur à Martigues, mais il y a dix ans»
«J'ai passé mes diplômes, j'ai fait mes preuves et je suis venu bien armé»
A sa place, beaucoup auraient pété les plombs lorsque Guendouz l'avait écorché avec cette réflexion sarcastique qui lui faisait dire qu'hier encore, il entraînait un club de sixième division en France ! Mais Hakim Malek, l'entraîneur du MCEE, reste poli, impassible devant la déclaration de son ex-entraîneur à Martigues qu'il dit encore respecter conformément à cette vieille tradition bien de chez nous, disait-il, qui incite les jeunes à respecter plus âgés qu'eux. «J'ai du respect pour l'homme et pour le joueur qu'il était», répétait-il après plusieurs tentatives de couper court à la discussion. Sourire constant, disons content, accent bien du Sud, le «Marseillais» a bien des choses à raconter. Des vérités à dire. Des cucuteries à contredire. Pour nous, un portrait à établir. Entretien.
Hakim Malek, merci de nous accorder un peu de votre temps…
Merci à vous d'être venus.
Vous êtes né et avez vécu en France, vous êtes cependant originaire d'où en Algérie ?
De Tlidjen. Ma mère, elle, est de Tébessa.
Vous faites connaissance avec l'Algérie du football, c'est votre première expérience dans votre pays d'origine, cela se passe comment ?
Ben, je le vis bien, quoi ! On est huitièmes dau classement avec une équipe, disons, correcte, pour ne pas dire moyenne. Même si c'est mon pays d'origine, je n'en savais presque rien des mentalités, de la façon de travailler. J'ai une tout autre mentalité, une autre approche. Donc, j'essaye de m'adapter à cet environnement. Il fallait faire connaissance avec tout le monde. Je suis arrivé après le recrutement. Cela a demandé, naturellement, un peu de temps pour cerner la mentalité de la ville. Ici, la ville tourne autour du commerce, d'abord, puis le football. Du coup, il est difficile de s'aérer, de sortir du cadre du travail. Ici, vous sortez boire un café en ville, vous savez que le premier qui va vous aborder vous parlera football, du MCEE, du match de la veille. (Rires). On vous y ramène tout le temps et pas souvent de la bonne manière. Quand les résultats sont bons, ça va, sinon…
Vous aviez sans doute une image du football algérien de l'extérieur, a-t-elle changé maintenant que vous êtes dedans ?
Sincèrement, je m'étais fait une impression par rapport à ce que me racontaient des joueurs marseillais qui avaient joué ici.
Comme qui ?
L'oncle du p'tit Nasri.
Nasser Nasri ?
Oui.
Quelle image vous miroitait-il ?
Celle du sport «roi» par excellence. Il me parlait plus de la passion qui existait dans les stades. On comprend que c'est une ferveur que l'on ne trouve que dans les pays sud-américains. La preuve, on jouait un match de qualification en Coupe du monde, c'est tout le pays qui est mobilisé. On met des avions à disposition. On envoie des gens là-bas. C'est une caractéristique bien de chez nous, ça. Après, lorsqu'on découvre les conditions de travail, c'est vrai que ce n'est pas toujours facile.
Vous n'êtes pas quelque peu déçu par ce que vous avez trouvé ici ?
Non… non… non ! Je ne suis pas du tout déçu. J'ai eu la proposition à deux reprises de devenir entraîneur adjoint d'un club de Ligue 1…
Ah oui ?
Oui, monsieur !
Peut-on connaître le nom des clubs en question ?
Ça n'est pas très important, du moment que finalement, ça ne s'est pas concrétisé. L'essentiel est que j'ai été pressenti à deux reprises pour intégrer le staff d'un club de Ligue 1. Les discussions se sont prolongées durant des mois, après, ça ne s'est pas fait pour une histoire de syndicat. Là-bas, on privilégie plutôt les anciens joueurs qui ont connu le haut niveau. Or, moi, même si mon CV et mon profil plaisaient bien, je dois reconnaître que je n'ai pas fait une grande carrière de footballeur professionnel. Du coup, arrivé à la croisée, vous avez deux choix : soit vous prenez la réserve d'un club pro, soit vous prenez une équipe d'en bas et vous montez avec. C'est ce que j'ai fait. Je suis pratiquement monté avec tous les clubs que j'avais entraînés.
Pourquoi le choix du MCEE ?
J'ai vu que ça pouvait être une bonne opportunité. Du coup, un agent m'avait présenté au président. On s'était rencontrés car il voulait connaître mon état d'esprit. Je lui ai convenu. Après, j'ai su qu'il n'y avait pas que moi en lice. Il m'a donné une opportunité et je l'ai saisie, car je reconnais qu'entraîner une équipe de D1 professionnelle est une grande chance. Après, j'essaye de faire mes preuves. Pour le moment, cela se passe plutôt bien. Pour la suite, je suis armé.
Vous êtes venu pour rester longtemps ou juste pour ajouter une ligne à votre CV ?
Nul n'est prophète en son pays ! Vaut mieux exercer pleinement son métier en Algérie, quitte à rester quinze ans, que d'exercer un an en France ou au Brésil. On est au début du professionnalisme. Je vais mener mes compétences, après, je sais que dans trois, quatre, cinq… dix ans, on aura accompli quelque chose de bon, car la matière y est. Il y a l'engouement, la passion… Quand vous êtes dans un stade où quarante mille personnes vous encouragent et vous insultent, vous vous dites que c'est pour ça que vous êtes entraîneur ! C'est plus intéressant d'être devant quarante mille personnes à El Eulma que devant trois mille dans un club de Ligue 2 en France. C'est l'essence même du métier.
Financièrement aussi, cela doit être motivant ?
Non ! Pour tout dire, j'ai perdu de l'argent en venant ici. Je gagne vraiment moins par rapport à ce que je gagnais en France. C'est un sacrifice de travail que j'ai consenti. Je gagne, en contrepartie, de l'expérience. Ça ne m'a jamais dérangé de dire que je suis un entraîneur inexpérimenté. Ce n'est pas un complexe. J'ai passé tous mes diplômes. Après, je suis ici pour faire bénéficier le club de mes compétences.
A votre arrivée ici, certains ont remis en cause vos compétences. Comment l'avez-vous pris ?
Où est le mal ? Je l'ai déjà dit, je ne suis pas complexé.
Ça vous a surpris ?
Oui, un petit peu, disons.
Mahmoud Guendouz, un homme que vous connaissez parfaitebien, s'est étonné de vous voir à El Eulma, vous qui entraîniez en sixième division française, comment avez-vous réagi à ses commentaires ?
J'ai beaucoup de respect pour cette personne. C'était mon entraîneur, c'est vrai, mais il y a dix ans. La Terre ne s'est pas arrêtée de tourner depuis. J'ai passé mes diplômes, j'ai travaillé, je me suis perfectionné. Après, la chance est venue et je l'ai saisie. Ce n'est pas moi qui ne lui ai pas donné du travail. J'ai postulé à un poste et on m'a accepté, je n'allais tout de même pas me dérober sous prétexte qu'Untel était au chômage ! Je n'ai pris la place de personne.
Il n'y a aucun complexe derrière ?
Non, aucun.
C'est de la méchanceté gratuite ?
Même pas. Moi, je vais vous dire quelque chose que vous pourrez mettre en gros : «Jamais je ne critiquerai un autre entraîneur, jamais !»
N'y aurait-il pas un sentiment de rancune derrière ?
Non, aucun. C'était mon entraîneur. On a fait une saison ensemble à Martigues. Lui, il est resté au club. L'année d'après, il a réussi l'accession. J'ai encore beaucoup de respect pour le monsieur et pour le coach qu'il était. Après, s'il n'a pas de travail, ce n'est pas ma faute. Ce n'est pas moi qui embauche. Après, oui, j'ai été entraîneur d'un club de cinquième division, il y a DOUZE ANS !
Si on doit faire la comparaison avec le football français, la Ligue 1 algérienne correspondrait à quelle division ?
Pour le haut du tableau, les grosses écuries j'entends, c'est à peu près le niveau de bonnes équipes de Ligue 2.
Pour le reste ?
Ben, niveau national et CFA ! La preuve en est, il y a des joueurs émigrés qui arrivent, ils ne proviennent pas de la Ligue 2 quand même. Ce sont des joueurs de quatrième, cinquième division. Ça reste quand même de bons joueurs pour notre championnat. C'est la preuve aussi du retard pris par l'Algérie dans la formation. Une autre réalité : il y avait une période où l'Algérie exportait des joueurs. Ça ne se fait plus de nos jours. Cela veut dire qu'on ne forme plus.
Doit-on comprendre que le talent se fait rare en Algérie ?
Pas à ce point. Il y a quand même de bons joueurs. Y en a beaucoup. A El Eulma, on a un jeune qui s'appelle Kadri qui a énormément de qualités. Il est encore jeune avec toute la naïveté et l'inexpérience que cela suppose, mais il a toutes les bases pour devenir un très bon attaquant. Après, il y a d'autres bons joueurs. Je vous citerai Djediat, Messaoud. Deux très grands joueurs.
Vous aviez contesté l'arbitrage à la fin du match CRB-MCEE, vous pensez vraiment que l'arbitrage algérien n'est pas encore au diapason de cette envie des dirigeants de professionnaliser le football ?
J'ai juste dit qu'il y avait hors-jeu et que l'arbitre aurait dû le signaler. Il arrive que l'on s'emporte comme ça à chaud lors d'un match, mais dans l'absolu, j'ai toujours respecté les choix des arbitres. Je leur serre la main avant et après le match. Quoi qu'on dise, l'erreur est humaine. Après, sur ce match-là, je me suis un peu emporté. Et puis, sans les arbitres, il n'y a pas de football, non plus. Alors, ils sont sujets à l'erreur aussi. Comme nous tous d'ailleurs.
Quelle impression vous laissent les supporters algériens chaque week-end ?
Qu'ils éprouvent un amour fou pour leurs équipes. Pour le football tout court.
Comment vivez-vous au quotidien la rivalité entre le MCEE et l'ESS ?
On m'en a parlé à mon arrivée ici, mais j'ai pu goûter à tout ça lors du derby. Manque de bol pour moi, je l'ai perdu !
Qu'y avait-il de bon dans ce match ?
Pas grand-chose. L'engouement et la passion y étaient. Après, sur le match, c'était tout juste moyen. Ce qui m'avait dérangé, c'est que ça ne devait rester qu'un jeu. Or, on s'était quelque peu emportés à la fin. Le public devait prendre conscience que c'était quand même Sétif. Ils ont huit internationaux, alors que nous n'en avons aucun.
Vous n'aviez pas eu peur pour votre vie au vu des incidents qui ont émaillé cette rencontre ?
Pourquoi aurais-je eu peur ? Je ne suis pas ici pour tuer des gens ! Je fais mon métier. J'essaye d'apporter mon savoir-faire et puis c'est tout.
Est-ce vrai que vous avez pratiqué le judo ?
Oui, je suis ceinture marron. Mais attention, je ne suis pas quelqu'un de violent !
On dit aussi que vous cumulez deux fonctions, celle d'entraîneur à El Eulma et fonctionnaire à la mairie de Marseille, est-ce vrai ?
C'est faux ! Je ne sais pas d'où on est allé chercher ça, mais c'est complètement faux. J'entends des milliers de choses sur moi qui me font parfois rire. J'ai un contrat professionnel à El Eulma. Je suis employé à plein temps. Du coup, je ne peux pas cumuler deux jobs. C'est impossible.
Vous vous exprimez très rarement dans la presse, pourquoi ?
Ben, comme ça. C'est dans ma nature. Je ne parle pas beaucoup.
C'est tout le contraire des gens du Sud…
(Rires) Oui, mais c'est comme ça.
Avez-vous tendance à vous emporter à cause d'un article de presse ?
Déjà, je ne lis presque jamais. Ne vous sentez pas visé ! Je laisse valser. Mais le problème, c'est que, parfois, on ne rapporte pas souvent fidèlement des déclarations. Du coup, il y a des moments où c'est vrai qu'on ne peut pas rester insensible à ce qui se dit sur soi.
Vous êtes quand même, à 38 ans, parmi les plus jeunes entraîneurs du championnat…
Oui, c'est ce qu'on ma dit. Je découvre la Ligue 1, c'est vrai, mais ce qui est certain, c'est que je connais mon métier. Ça, personne ne peut me l'enlever.


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