«Si un club algérien sérieux se manifeste, je suis partant» «Nous avons besoin de onze guerriers à Marrakech» Rabah Madjer nous confie ici qu'il a décidé de rentrer en Algérie et qu'il est fort probable de le voir la saison prochaine à la tête d'un club algérien en championnat de Ligue 1. C'est peut-être la première fois qu'il éprouve ardemment ce besoin : «Moi, j'ai un métier d'entraîneur, et je ne me vois pas faire autre chose.» Le champion d'Europe des clubs 87 a également abordé l'actualité du moment, l'affaire des quotas qui secoue le football français. Il emboîte le pas à Zidane et défend Laurent Blanc qu'il n'imagine pas une seule seconde avoir des idées racistes. Bien entendu, l'ancien sélectionneur national a également accepté de nous parler de la prochaine confrontation entre le Maroc et l'Algérie. Entretien. Vous avez sans doute suivi l'affaire qui secoue actuellement le football français, celle des quotas qui fait débat en France. Un commentaire ? J'ai naturellement suivi cette affaire à travers les différents médias français, et le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est décevant d'en arriver là. Mais pour le moment, les choses ne sont pas tout à fait claires. Il faut être sûr de ce qui a été dit ou décidé avant de juger quiconque. Car, le racisme en sport est très grave. Peut-on avoir votre avis sur ce sujet ? Comme je viens de vous le dire, je ne peux pas donner un avis ou juger quiconque sans connaître les détails de cette affaire. A ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de choses qui ont été révélées et on ne sait pas exactement qui a dit quoi. Ce que je peux dire toutefois, si réellement ce sont les intentions des dirigeants du football français, c'est que c'est vraiment grave et cela n'honore pas le football français. Le sport est censé rassembler les gens dans le monde, il a toujours été le symbole de l'intégration et non le contraire. Certains n'ont pas hésité à critiquer sévèrement Laurent Blanc, allant jusqu'à réclamer sa démission, avant que Zidane, dans sa dernière sortie médiatique, ne prenne sa défense en déclarant que Laurent Blanc n'a jamais été un raciste. Qu'en pensez-vous ? Je suis de l'avis de Zidane et je ne peux pas imaginer un seul instant qu'un homme comme Laurent Blanc, qui a évolué durant toute sa carrière au milieu de joueurs binationaux, que ce soit en club ou en sélection, puisse penser de la sorte. Il n'est pas un raciste, j'en suis sûr, et quoi qu'il ait pu dire durant cette fameuse réunion, je ne peux pas imaginer qu'il ait une tendance discriminatoire. Blanc est un homme intègre. Pourquoi en êtes-vous aussi sûr ? J'ai connu personnellement monsieur Laurent Blanc et j'ai suffisamment discuté avec lui pour savoir qu'il n'est pas raciste. C'était lors de la cérémonie du Ballon d'Or qui a été remis à Billel Dziri. C'est clair d'ailleurs, s'il avait été raciste, il n'aurait jamais accepté de venir, non ? Il était tellement à l'aise qu'il m'est difficile de penser, ne serait-ce qu'une seconde, qu'il puisse avoir de telles idées. Selon vous, quels sont les dessous de cette affaire ? Ce sont certainement les derniers règlements de la FIFA qui ont permis aux binationaux de jouer pour leur pays d'origine même après avoir porté les couleurs d'une autre sélection. La France a appris cela à ses dépens en voyant quelques oiseaux rares partir défendre les couleurs d'autres pays, alors qu'elle les a tous formés. Je crois que c'est cette question qui a été derrière cette affaire de limitation de quotas pour les joueurs issus de l'émigration. Vous étiez parmi ceux qui ont songé à ramener ces joueurs en sélection et vous avez été même le premier à avoir pensé à Meghni, non ? Exact. Après le match face à la Belgique, j'avais pensé à ces joueurs et à la manière de les faire venir du moment qu'à l'époque, ils n'avaient pas encore le droit de jouer pour l'Algérie. J'ai suivi Meghni quand il était très jeune, au même titre que Yebda. J'étais sûr qu'ils allaient devenir les joueurs sur lesquels l'Algérie peut compter à l'avenir. Malheureusement, je n'ai pas pu continuer en Equipe nationale et, par conséquent, je n'ai pas pu aller au bout de ce projet. Mais aujourd'hui, ils sont là. C'est le plus important et il va falloir en tirer profit. En parlant de l'Equipe nationale, le Maroc vient de choisir le stade de Marrakech pour le match retour contre l'Algérie. Comment interprétez-vous ce choix ? A Marrakech, à Casablanca ou ailleurs, c'est la même chose. Le match va se jouer au Maroc et devant des milliers de supporters marocains. Cela ne va rien changer. S'intéresser à d'autres paramètres en oubliant l'aspect sportif, c'est commettre une grave erreur. Il faut rester concentrés sur ce match et bien le préparer au lieu de penser à une guerre psychologique après le choix de Marrakech. Il faut savoir que les caractéristiques des joueurs algériens sont les mêmes que celles des joueurs marocains. Ils évoluent tous en Europe. Si les Algériens seront diminués physiquement par les effets de la chaleur, les joueurs marocains le seront aussi. A mon avis, il faut penser plutôt à bien préparer ce match que de spéculer sans raison valable sur le choix du stade de Marrakech. Benchikha a préféré préparer cette rencontre en Espagne. Vous trouvez que c'est un choix judicieux ? Oui, je le pense. Il faut protéger les joueurs de la pression et les emmener là où ils pourront bien se concentrer dans les meilleures conditions possibles. Si toutes ces conditions sont réunies, cela veut dire qu'il a fait le bon choix. Il faut savoir que le sud d'Espagne a les mêmes caractéristiques climatiques que le Maroc. Il est vrai cependant qu'il fait plus chaud à Marrakech, mais ce n'est pas vraiment un problème. Comment voyez-vous ce rendez-vous? Cela va être très difficile pour les deux équipes. L'équipe du Maroc va tout faire pour se racheter après la défaite concédée à Annaba, d'autant qu'elle n'a pas trop le choix si elle veut rester en course pour la qualification après que les choses se sont compliquées dans ce groupe. Pour l'Algérie, c'est la même chose. Si elle veut rester en course, elle se doit de réaliser un bon résultat et confirmer son réveil. C'est un match très compliqué et il est difficile de se prononcer sur son issue tellement il est indécis. L'Algérie doit avoir onze guerriers sur le terrain. Quelques éléments, à l'image de Matmour, Guedioura et Kadir, peuvent être rappelés en sélection. Selon vous, doit-on compter sur eux ou faire confiance au même groupe qui a réalisé la victoire à Annaba ? C'est une question qui concerne le sélectionneur national. Lui seul sait de quoi il a besoin. Mais les joueurs que vous venez de citer sont ceux de l'Equipe nationale. Ils font partie de la sélection et leur absence n'a été due qu'à des blessures ou à une méforme. Donc, je ne pense que ce sont de joueurs nouveaux. Leur réintégration ne fera que renforcer davantage l'équipe. Et en ce qui concerne les changements par rapport au match de Annaba, je ne pense pas que cela va influer sur le rendement de l'équipe tant l'ossature est la même. Un ou deux changements ne peuvent que renforcer le groupe si le sélectionneur y voit la nécessité bien sûr. Selon nos informations, Benchikha compte faire appel à Soudani, le joueur de l'ASO Chlef. Un avis là-dessus ? Encore une fois, cela ne regarde que le sélectionneur national. S'il voit que ce joueur peut apporter le plus escompté, qu'il lui fasse appel. C'est un joueur qui a montré beaucoup de bonnes choses durant le CHAN. C'est un joueur qui mérite sa chance, il faut juste savoir le moment et le mieux indiqué pour le faire. Quels sont les joueurs que vous voyez qu'ils peuvent renforcer la sélection nationale ? Je ne vous cache pas que j'ai été séduit par Hamiti, l'avant-centre de la JSK qui réalise une fin de saison époustouflante. Je pense qu'il pourra rejoindre la sélection à l'avenir s'il continue dans cette lancée. Une question qui va sans doute intéresser tout le monde en Algérie. Peut-on voir Madjer la saison prochaine à la tête d'un club algérien ? Pourquoi pas ? Je risque de travailler en Algérie dans un très proche avenir. Je ne suis pas contre cette idée. J'ai passé beaucoup de temps à l'étranger, loin de mon pays et de mes proches, et j'ai vraiment envie de rentrer et de m'installer chez moi. J'avais reçu des offres auparavant, mais en raison de la scolarité des mes enfants, cela n'a pu être possible. Mais maintenant, ce problème ne se pose plus. Il ne reste que ma fille qui va passer son bac le mois prochain, après je renterai pour m'installer en Algérie. Moi, j'ai un métier d'entraîneur, et je ne me vois pas faire autre chose. Oui, il est très possible que je travaille en Algérie la saison prochaine, à condition de trouver un club ambitieux, bien structuré, qui travaille pour l'avenir avec un bon projet. Si je trouve un club comme ça, je suis partant.