«Meghni apportera la rigueur de la Série A à la sélection algérienne» Alors qu'il vient d'être désigné entraîneur en chef du tout-puissant Milan AC, Leonardo continue à apprendre le métier au centre Coverciana de Rome, le Claire-Fontaine italien. C'est dans ce centre qui accueille les meilleurs techniciens du monde qu'il a accepté de nous recevoir pour nous parler du football, du Brésil, du Milan AC, mais surtout de l'Algérie qu'il connaît particulièrement bien. A la fin de l'entretien, il a rallumé son micro portable pour réviser ses leçons. * Avant de commencer l'entretien, nous voudrions vous féliciter pour votre nouveau poste d'entraîneur au Milan AC… Merci beaucoup, mais ne soyez pas surpris si un jour vous apprenez que j'ai été viré au bout de quelques semaines car tout va très vite dans le monde du football (il rit franchement). Vraiment, je vous remercie d'avoir insisté autant pour avoir cet entretien et je suis honoré de pouvoir m'adresser aux Algériens. * Ne pensez-vous pas qu'entraîner le Milan AC, un club qui doit toujours tout gagner, est une lourde responsabilité ? Le Milan AC c'est le Milan AC, un club qui ne se contente jamais de participer aux compétitions nationales et européennes, il est à chaque fois obligé de gagner. Je suis bien placé pour le savoir après mes quatre années passées au club en tant que joueur et mes six années au sein de sa direction. Je sais donc ce qui m'attend et je n'ai pas peur de cette mission contrairement à ce que certains pensent. Si je ne me voyais pas capable de mener le Milan AC vers les sommets, j'aurais tout simplement dit non. * Kaka est-il irremplaçable ? Plutôt difficilement remplaçable. Tout comme Pato, c'est moi qui suis allé le ramener du Brésil et je savais déjà qu'il était de la lignée des grands. La direction est décidée à lui trouver un remplaçant. C'est finalement cela le football, des joueurs partent, d'autres arrivent, on construit et on reconstruit. * Sur le banc du Milan, de quel entraîneur allez-vous vous inspirer ? J'ai connu plusieurs entraîneurs dans ma carrière comme Capello ou Ancelotti, mais le plus grand de tous, c'est incontestablement Tele Santana qui a dirigé le Brésil lors des Coupes du monde 82 et 86. C'est vrai qu'il n'a rien gagné avec la sélection, mais le football développé par le Brésil à cette époque était de loin le plus spectaculaire. Savez-vous ce qu'on dit de lui au Brésil ? Qu'il a su élever le football au niveau de l'art avec comme musiciens Zico, Socrates, Eder et les autres. Sur le banc du Milan, j'épouserai volontiers cette philosophie du football qui donne autant d'importance à l'esthétique du geste qu'au résultat. * A la manière de Guardiola au Barça. Au fait, n'est-ce pas la réussite de Guardiola qui a poussé les responsables du Milan à faire appel à vous ? Même si on doit tous reconnaître le mérite de Guardiola dans la saison exceptionnelle de Barcelone, ma nomination n'a rien à voir avec ça. Lui, il est passé sur le banc juste après avoir pris sa retraite alors que moi j'ai exercé le métier de directeur sportif avant d'être désigné entraîneur. En plus, les discussions sur ma probable reconversion avaient commencé il y a plusieurs mois, au moment où Barcelone n'avait encore rien gagné. Toutefois, si vous me dites que je connaîtrai la même réussite que lui dès ma première saison, je suis preneur. * Le Brésil vient de remporter la Coupe des Confédérations en Afrique du Sud. Avez-vous suivi le parcours de la Seleçao ? Pour avoir déjà remporté ce titre en tant que joueur en 1997 en Arabie saoudite, je sais qu'il est très important. Il l'est encore davantage aujourd'hui que la Coupe des Confédérations est de plus en plus médiatisée au point de devenir une vitrine de la Coupe du monde. N'oubliez pas que ce sont les champions des continents et le champion du monde en titre qui y prennent part. * Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez de votre carrière de joueur ? Il y en a beaucoup parce que le football, je le reconnais, a été très généreux avec moi. Figurez-vous, j'ai gagné au moins un titre avec toutes les équipes avec lesquelles j'ai joué que ce soit au Brésil, en Espagne, en France, en Italie ou au Japon. Mais mon meilleur souvenir reste incontestablement la Coupe du monde 94 gagnée avec la Seleçao. On peut gagner tous les titres possibles, mais une Coupe du monde, c'est un sentiment à part, une sorte d'ivresse qu'on connaît une fois dans la vie. * Cette année-là, personne n'a compris votre geste (un coup de coude sur le visage d'un joueur des USA, Ndlr) qui vous a valu de vous voir écarté de la demi-finale et de la finale… Comme quoi, on peut tous avoir des réactions comme celle-là. Ce jour-là, je n'ai pas été surpris par le carton jaune parce qu'il était mérité, mais par la lourdeur de la sanction que j'ai trouvée disproportionnée. * Savez-vous quelque chose sur le football algérien ? Je n'en suis pas un spécialiste, mais je connais pas mal de choses sur le football de votre pays. N'oubliez pas que nous nous sommes croisés en Coupe du monde en 86 et notre victoire difficile est la preuve que le football algérien était très performant à une certaine période. J'ai d'ailleurs revu avec plaisir Rabah Madjer à Rome à l'occasion de la finale de la Ligue des champions et nous en avons longuement parlé. Nous avons également parlé de sa fameuse talonnade. * Comment avez-vous trouvé Madjer ? Très bon communicateur, aussi élégant sur le terrain que dans un studio télé et incroyablement jeune. * Avez-vous connu d'autres joueurs algériens ? Benarbia et Belmadi dans le championnat de France. Comme tout le monde, je sais aussi que Zidane est d'origine algérienne. * Savez-vous que l'équipe nationale algérienne est bien placée pour se qualifier en Coupe du monde ? Oui grâce à mon collègue algérien au centre Coverciano Noureddine Zekri qui me laisse une très bonne image des Algériens grâce à son sérieux et sa gentillesse. Lorsqu'il m'a appris le classement de l'Algérie, je n'ai pas été surpris car j'ai déjà vu cette équipe face au Brésil il y a deux ans et elle m'avait paru à l'époque assez remarquable avec beaucoup de technique et une grande vitesse d'exécution. * Savez-vous qu'il y a un international algérien en Série A ? Oui, c'est Ghezzal, un vrai battant celui-là car ce n'est pas facile d'être un attaquant en Italie. * Meghni de la Lazio va bientôt renforcer la sélection algérienne. Qu'en pensez-vous ? Avec toute l'expérience qu'il a accumulée dans le championnat d'Italie, il va apporter beaucoup de choses à l'Algérie. * Quel est votre favori pour remporter la prochaine Coupe du monde ? Il y aura sans doute des surprises et j'espère que l'Algérie en créera une comme l'a fait récemment l'Egypte en battant l'Italie, mais le dernier mot reviendra aux grandes nations du football. Je pense notamment au Brésil, à l'Argentine, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et l'Angleterre. * Pensez-vous que Ronaldinho est capable de retrouver le niveau qui était le sien à Barcelone ? Durant ses six premiers mois au milan, il a joué à son meilleur niveau, mais les blessures l'ont empêché de garder la même cadence. Je suis convaincu que vous verrez le meilleur Ronaldinho la saison prochaine. Je saurai comment le mettre dans les meilleures conditions pour y arriver. * Par quoi voulez-vous clore cet entretien ? En saluant le peuple algérien qui est connu pour être un passionné de football et en espérant voir l'Algérie revenir en Coupe du monde car une terre qui a enfanté Madjer ne peut pas rester longtemps dans l'anonymat. Entretien réalisé à Rome par Ahmed Lakrout