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Higuita : «Je suis fier que Chaouchi soit surnommé Higuita»
Publié dans Le Buteur le 17 - 10 - 2009

«Dites-vous bien que je rivalise avec les attaquants même dans les statistiques puisque j'ai inscrit 44 buts au total au cours de ma carrière sportive.»
Si René Higuita est devenu une référence au plan mondial pour les gardiens de but, c'est d'abord pour son talent de gardien de but, et aussi et surtout pour ses frasques au cours des matchs et sa propension à prendre d'énormes risques avec les pieds ou en tentant des dribbles. Sa réputation est devenue planétaire lorsqu'il avait réussi, en 1995, à stopper un ballon à la manière d'un scorpion, ce qui lui avait valu ce surnom. Honoré du titre de Légende du football lundi passé à Monaco, il a accepté volontiers de répondre à nos questions.
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Tout d'abord, nos félicitations pour le titre de Légende du football qui vous a été attribué lors de la cérémonie du Golden Foot.
Merci beaucoup. Je suis très heureux de cette distinction pour plusieurs raisons. D'abord, elle m'a été décernée après avoir pris ma retraite. Ensuite, j'ai été choisi avec d'autres grandes gloires du football qui ont fait l'histoire de ce sport dans leurs pays respectifs, à savoir l'Allemand Karl-Heinz Rummenigge, l'Ukrainien Oleg Blokhin (ex-URSS, ndlr), le Brésilien Santos et le Polonais Zbigniew Boniek. Enfin, je suis d'autant plus fier que cette distinction est généralement attribuée à des attaquants ou à des milieux offensifs. C'est pour cela que je dédie ce titre à tous mes confrères gardiens de but à travers le monde.
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En parlant des gardiens de but, nous en avons un en Algérie, Faouzi Chaouchi, qui est surnommé Higuita puisque son style fantasque ressemble au vôtre, avec une participation au jeu avec le pied et des prises de risques…
Je le salue à travers votre journal et lui souhaite beaucoup de succès. Je suis réellement très content quand j'apprends qu'un gardien de but dans un pays lointain a été surnommé de mon nom. Cela montre bien que le football est un langage universel.
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Partant de votre longue expérience, que lui conseilleriez-vous afin d'être efficace tout en restant fantasque ?
Le fondement du succès est le travail sérieux et rigoureux, c'est-à-dire l'effort continu et assidu. Il doit avoir une grande confiance en lui-même. Il faut aussi qu'il sache que mes interventions fantaisistes, si elles plaisaient au public quand elles étaient réussies et faisaient le chou gras des journalistes et des analystes qui les qualifiaient tantôt de téméraires, tantôt d'aventurières, tournaient parfois au vinaigre et j'en payais le prix très cher.
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Qu'entendez-vous par là ?
Tout simplement, lorsque mes interventions spéciales sont réussies et me permettent d'annihiler une action adverse dangereuse tout en faisant le spectacle, tout le monde est heureux, de mon entraîneur aux supporters en passant par mes coéquipiers, mais lorsque l'une d'elles échoue, je suis le seul à blâmer. C'est pour cela que je suis convaincu que le gardien de but dont vous me parlez, Chaouchi, est parfaitement conscient que l'entraîneur et les supporters peuvent pardonner à un attaquant qui gâche une dizaine d'occasion de but dans un match, mais sont impitoyables envers un gardien de but qui commet une seule bévue.
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A votre époque, des journalistes et observateurs critiquaient vos prises de risques excessives au point de mettre la sélection de votre pays en danger…
Ce n'est pas ma façon de voir les choses. Lorsque j'avais décidé de faire du football mon métier, c'était pour me faire plaisir et faire plaisir aux spectateurs qui payent cher leurs tickets d'entrée au stade. A ce jour, je reste attaché à cette philosophie. Je n'ai jamais considéré le football simplement comme une source de revenus. Certes, j'ai chèrement payé ce choix à plusieurs reprises, mais je n'ai jamais regretté et je ne regretterai jamais.
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Vous n'avez même pas regretté d'avoir voulu dribbler l'attaquant camerounais Roger Milla, au cours de la Coupe du monde 1990 en Italie, ce qui vous avait valu de vous faire subtiliser le ballon par lui et d'encaisser un but ?
Jamais. Je n'ai pas regretté mon geste, ni aucun autre geste dans n'importe quelle autre rencontre, quelle que soit son importance. Je savais que Roger Milla était un attaquant dangereux, mais je ne savais pas que c'était un renard qui profitait de la moindre petite occasion pour chasser un but. J'aimerai ajouter que si Milla ne m'avait pas subtilisé le ballon sur cette action-là et marqué un but, cela ne veut pas dire forcément que nous aurions battu le Cameroun.
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N'êtes-vous pas embêté d'être surnommé le «scorpion» par le public et les journalistes ?
Bine au contraire, j'en suis très heureux. S'il y a des attaquants qui sont surnommés «le lion», «le renard», «le serpent» ou «le tigre», pourquoi ne serai-je pas le scorpion qui les pique de temps en temps (rire) ? Dites-vous bien que je rivalise avec les attaquants même dans les statistiques puisque j'ai inscrit 44 buts au total au cours de ma carrière sportive et c'est un nombre phénoménal pour un gardien de but dont la principale mission est d'éviter d'encaisser des buts et non pas en inscrire. Concernant ce surnom de «scorpion», il m'a été donné, comme tout le monde le sait, suite au geste que j'avais accompli au cours d'un match amical disputé au stade Wembley entre l'Angleterre et la Colombie en septembre 1995 : j'avais stoppé une balle en me détendant vers l'avant et en la bloquant en levant les talons, comme le fait un scorpion lorsqu'il pique celui qui l'attaque.
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Certes, c'était un geste très beau, mais aussi très osé…
Vous avez raison de dire que c'était un geste osé et très risqué, mais j'avais pris la décision de le tenter sitôt que j'ai vu comment l'attaquant anglais (Jamie Redknapp, ndlr) a tiré vers moi. C'était une balle presque en cloche et cela me convenait bien. De plus, cela se passait au mythique stade de Wembley et cela avait augmenté ma détermination à tenter le coup.
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L'entraîneur vous en a-t-il fait le reproche à la fin du match ?
Personne ne m'a adressé un quelconque reproche, ni l'entraîneur ni mes coéquipiers, car j'avais réussi mon geste et le match s'était soldé par une nul 0-0. Si nous avions perdu la rencontre, c'est certain que j'aurais fait l'objet de vives critiques, et s'il s'était agi d'un match officiel, j'aurais été probablement sanctionné.
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En plus de vous, deux autres gardiens de but internationaux, le Paraguayen José Luis Chilavert et le Mexicain Jorge Campos, s'étaient distingués par leurs gestes fantaisistes. Est-ce donc une mode sud-américaine ?
Je pense que la raison en est qu'en Amérique du Sud, on considère tous le football comme un spectacle et un plaisir, que ce soit pour les joueurs ou pour les spectateurs, et non pas seulement trois points à gagner, comme c'est le cas dans la majorité des pays européens.
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Quel était le joueur que vous admiriez ?
Bien qu'étant gardien de but, je reste toujours admirateur de celui qui avait malmené les gardiens de but et leur en avait fait voir de toutes les couleurs avec ses buts et ses dribbles déroutants : Diego Armando Maradona. D'ailleurs, une solide amitié nous lie depuis longtemps et j'en suis honoré. J'étais d'ailleurs au comble du bonheur lorsqu'il m'avait invité au match de gala qui avait eu lieu en son honneur en 2001.
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Que connaissez-vous du football algérien ?
Pas grand-chose, à vrai dire. Le seul joueur que je connais est Madjer, la star de Porto et auteur d'un but spectaculaire du talon contre le Bayern Munich en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions. Je sais aussi que Zidane est d'origine algérienne.
L'Algérie est proche de se qualifier pour la Coupe du monde…
Je lui souhaite plein succès et adresse mes salutations au public sportif algérien.
Entretien réalisé par
Farid Aït Saâda et Ahmed Lakrout


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