1ère partie L'Université algérienne a fait l'objet d'une série d'analyses et de critiques, publiées sur les colonnes de la presse écrite nationale. Elle l'est plus que toute autre institution à cause de son importance stratégique. Le mode de gestion, le mode et la qualité de recrutement des enseignants-chercheurs, leurs conditions professionnelles, la densité et la répartition des flux estudiantins, l'orientation des étudiants, la qualité de leur formation, le système LMD, la qualité de l'étudiant à l'entrée de l'université, les choix budgétaires sont autant de sujets, qui ont fait couler beaucoup d'encre. Si le sens de responsabilité a engagé certains confrères de toutes les régions du pays, à prendre l'initiative pour décrire les faits, analyser les situations, livrer des opinions, publier des statistiques et souvent dénoncer la médiocrité du système de formation, le but essentiel et salutaire de leurs engagements reste le besoin d'initier et d'engager un débat véritable, sur les mesures et moyens à prendre pour que l'enseignement supérieur rompt avec la léthargie dans laquelle, il se trouve aujourd'hui, malgré les investissements consentis. L'Université algérienne ne jouit pas aujourd'hui d'un système d'évaluation performant capable de mesurer rationnellement, justement et fidèlement, la qualité de tout le système. La caractéristique première d'un tel système est son caractère autonome et indépendant ce qui est problématique chez nous. Deux niveaux d'évaluation A l'échelle macro, l'évaluation renvoie aux choix politiques arrêtés sur la formation supérieure (démocratisation de l'Enseignement supérieur), les budgets alloués, l'autonomie de l'Université algérienne, le système de formation adopté (Régime LMD ou autre), le niveau d'ouverture de l'Université algérienne (qualité du partenariat et de la coopération nationale et internationale) et enfin, quand il existe, le mode de connexion et d'interaction de l'Université avec son environnement. A l'échelle locale et sans être exhaustif, l'évaluation renvoie à la capacité de gestion, notamment des structures de grandes tailles ou jugées spécifiques, telles que les écoles normales et les grandes écoles, le rapport entre le pouvoir scientifique et le pouvoir administratif, les objectifs pédagogiques, l'organisation et les méthodes d'enseignement, la technologie utilisée et enfin la qualité des formateurs. C'est avec ce dernier point que j'associe la problématique de l'évaluation pédagogique, objet de cet article. En fait, l'analyse de la pratique de cette évaluation dans beaucoup d'établissements algériens, révèle un sérieux problème de disparité à tel point, que le régime compensatoire a perdu son essence et a rendu caduc, depuis longtemps, le régime actuel de l'évaluation pédagogique. Lorsque le taux de réussite des étudiants, notamment en fin de cycle, n'est pas de 100%, il n'est jamais loin de cet ordre de grandeur et pourtant, le constat que font tous les acteurs concernés, est que le niveau de nos diplômés est en régression permanente sur tous les plans : niveau de connaissances, capacité d'analyse scientifique, capacité de synthèse, capacité d'agir et enfin capacité d'innover. Le rang et le statut du jeune diplômé algérien est réduit presque à néant, car on ne lui reconnaît pas de qualification. Ainsi, la majorité des étudiants veulent poursuivre leurs études de post-graduation, ou partir à l'étranger dans l'espoir d'acquérir une certaine reconnaissance et/ou un travail. Face à cet état de situation, l'encadrement universitaire se précipite très souvent à incriminer la qualité de l'étudiant algérien, ce qui n'est pas tout à fait inexact car effectivement l'absence de la motivation de l'étudiant algérien est facilement perceptible pour des raisons que je ne développe pas ici. Mais cela n'explique pas tout, car le corps des enseignants est «indifférent», à porter toute analyse critique sur la qualité de sa prestation. Rapport Recrutement-Evaluation Sous la pression des flux estudiantins croissants, la pression occasionnée par la faiblesse de l'encadrement, a généré un processus de recrutement d'enseignants algériens, qui n'a pas observé les exigences fondamentales de la profession, ce qui a produit une classe d'enseignants, certes titulaires d'un magister ou d'un doctorat, voire d'une production scientifique assez fournie, mais sans aucune qualification à transmettre les savoirs. Ces enseignants devenus majoritaires dans la composition des structures pédagogiques et scientifiques (supposées assurer le contrôle), ont établi un nouvel ordre qui fait preuve d'inaptitude à se conformer aux normes pédagogiques internationales. Le processus de recrutement des enseignants universitaires, systématisé depuis quelques temps, ne permet pas aux pédagogues de l'enseignement supérieur, d'exercer souverainement une sélection qualitative des postulants. La quote-part réservée à l'Université dans le barème d'évaluation des postulants est loin d'être prépondérante (environ 10%). Ainsi, l'effet boule de neige a accentué l'émergence d'une population d'enseignants en totale inadéquation avec les normes requises du métier d'enseignant. Il est stupéfiant de constater que dès qu'un enseignant est titularisé en poste (sa période de stage n'est qu'un artifice administratif), la première chose qu'il exhibe est le caractère souverain de ses décisions en matière d'évaluation pédagogique, même devant ses ainés, car il est animé par le besoin de se faire reconnaître en tant que tel. Cependant, il est incapable de veiller au respect de la souveraineté réglementaire des structures, qu'il compose de par son ignorance et/ou son inconscience de ses prérogatives pédagogiques. Il devient un enseignant sans vocation. De tels comportements ont généré de graves situations qui ont discrédité la qualité des diplômes nationaux, car l'évaluation était défaillante. Combien sont-ils ces jurys de complaisance, qui ont permis de propulser des enseignants au rang magistral? Combien sont-ils ces Jurys de délibérations désavoués par l'administration, pour répondre aux ‘chiffres' qui plaisent ? Certaines situations font même l'objet d'investigations judiciaires, tellement les Autorités centrales n'ont pas développé les automatismes du feed-back rapide aux interpellations de la base sur des dossiers sensibles. Rien que le cas d'une école supérieure à l'Ouest du pays enregistre plusieurs disfonctionnements graves. Des étudiants ajournés après délibérations des examens de rattrapage se sont vus diplômés, sur la base d'un nouvel examen de rattrapage oral organisé en Juillet 2009, sans et contre la volonté des enseignants chargés des modules. En 2010, l'administration d'un département de ce même établissement refuse carrément de considérer l'évaluation effective d'un module et empêche les étudiants de leur droit aux examens de synthèse et de rattrapage. Pire encore, suite à une grève déclenchée par des étudiants en fin de cycle, aucun jury de délibération n'a eu lieu pour clôturer l'année pédagogique et se prononcer officiellement sur les suites à donner. De pareils exemples illustrent l'état actuel de situation. Cependant, les responsables locaux sont d'une capacité extraordinaire à développer des justificatifs. Sur un autre registre, la soumission et l'allégeance quasi-inconditionnelle de l'enseignant à la volonté du responsable administratif (le chef), est un fléau qui ronge de l'intérieur l'Université algérienne et biaise toute rationalité en matière d'évaluation pédagogique. Ainsi, les structures pédagogiques et scientifiques deviennent très souvent des instruments faciles et dociles aux mains de l'administration et s'utilisent pour consolider son hégémonie, pour faire régner sa logique. Professeur à l'ENSET d'Oran Directeur du Laboratoire de Recherche LTE