2ème partie et fin Docteur Abderrahmane MEBTOUL Selon les premières informations, d'importantes mesures sont contenues dans la loi de finances complémentaire 2010, qui ne sont que le prolongement des décisions prises lors du Conseil des ministres en date du 11 juillet 2010. L'objet de cette contribution est de poser concrètement la problématique de l'efficacité de ces mesures III- Certaines dispositions de la loi de Finances complémentaires 2010 Elles sont liées aux mesures précédentes, elles concernent notamment l'interdiction de l'importation de certains produits finis et produits localement, de l'importation des déchets ferreux, l'imposition de plusieurs taxes sur l'importation de différents équipements par exemple, la taxation des véhicules touristiques neufs, décidée par la complémentaire de 2008 , élargie aux grosses cylindrées en 2009, et dans la loi complémentaire de 2010 prévoyant des taxes variant entre 5 et 70 millions de centimes pour l'acquisition de 47 véhicules utilitaires, de transport de voyageurs et motos, pour des camions, des taxes variant entre 30 et 70 millions de centimes, selon leurs caractéristiques techniques, pour les bus neufs entre 15 et 30 millions de centimes, selon la capacité, à partir d'une dizaine de places et une taxe sur l'importation de blé dur, d'un montant de 2.500 dinars le quintal. Il s'agit d'obliger les meuniers à s'approvisionner en blé, produit localement et fait unique dans les annales de l'économie algérienne depuis 1963, où l'on a nationalisé les bains maures, la loi de Finances complémentaire pour 2010, permettrait à l'Etat de «nationaliser », les locaux commerciaux ou professionnels, tant publics que privés, non exploités depuis une année s'attaquant au droit fondamental de la propriété privée, contenue dans la constitution. Pour autant, ces mesures semblent inopérantes dans la mesure où l'informel sévit et manque d'être combattu efficacement, vont t- elles permettre effectivement d'encourager la production locale et de préparer l'ère hors Hydrocarbures ? Je rappelle que les deux fondamentaux du XXIème siècle pour l'épanouissement de l'entreprise créatrice de richesses durables, les infrastructures certes nécessaires n'étant qu'un moyen, alors qu'ils absorbent plus de 70% de la dépense publique (2004/2014, sont la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. Supposant qu'elles reposent sur une plus cohérence et visibilité dans la politique socio- économique, évitant l'instabilité juridique perpétuelle, qui décourage tout investisseur et sur l'innovation permanente pour résister à la concurrence et avoir le couple coût/qualité compétitif. Le problème posé est donc le suivant : l'Algérie est –elle caractérisée par une bonne gouvernance, un bon management stratégique des entreprises et une amélioration du climat es affaires loin de la vision de l'unique dépense monétaire ? L'Algérie favorise t- elle le savoir ou les rentes de situation ? Combien d'entreprises publiques et privées locales ont –elles des laboratoires de recherche appliquée digne de ce nom ? Aussi interdire l'importation de certains produits finis, suppose d'abord que la production en termes de coûts et qualité existe. Or nous constatons que la majorité des entreprises publiques et privées fonctionnent à partir des matières premières importées et que la transformation locale contribue à peu de valeur ajoutée. C'est toujours la même question, mais qui rentre dans ce cadre de la rente de situation donnée à la SNVI (quel est le taux d'intégration de cette société), qui après avoir été assainie plusieurs fois, à l'instar de bon nombre d'autres entreprises publiques qui selon le rapport financier du Ministère de l'Investissement de janvier 2009, sont revenues à la case de départ, 70% des entreprises publiques ayant un ratio de solvabilité négatif. Et ce grâce toujours non pas à la création de la valeur fondée sur le travail, mais aux recettes des Hydrocarbures qui je le rappelle, ont permis également de réduire le principal de la dette à moins de 4 milliards de dollars et la dette publique interne à moins de 0,7 milliard de dollars. Se pose deux questions stratégiques : premièrement le gel de l'autonomie des entreprises publiques par le rattachement éventuel des entreprises publiques sous la tutelle de chaque Ministère avec une gestion administrée et ce depuis la fin 2009, n'aura t-il pas comme impact logique une plus grande faible performance, les gestionnaires publics attendant les ordres d'en haut et de surcroît sans planification stratégique des autorités de tutelle, alors que l'entreprise dans un environnement de plus en plus concurrentiel est caractérisée de par le monde comme la prise du risque ; deuxièmement, doit t- on continuer toujours d'assainir ou n'est-il pas préférable de projeter des investissements nouveaux, pouvant tenir tête à la concurrence internationale. Aussi faute d'une politique claire d'innovation et d'un bon management, cela ne pourra donc qu'entraîner la hausse des importations de cette rubrique au profit des produits finis à court terme. Les entreprises locales profiteront elles de cette situation de rente pour pousser à une meilleure intégration ; le problème est posé et cela renvoie toujours à l'innovation ? Combien d'entreprises publiques et privées locales ont –elles des laboratoires de recherche appliquée digne de ce nom y compris Sonatrach ? Et cette innovation ne suppose t- elle pas à la fois un environnement assaini et tout un renversement des échelles de valeurs récompensant le travail et l'intelligence et non les rentes ? Car comment ne pas rappeler qu'avec des dévaluations successives, dont seulement entre 2008/2009 de 20% par rapport à l'euro dépassant officiellement 100 dinars un euro et 15% par rapport au dollar ce qui constitue un dumping pour les entreprises locales, il a été impossible de dynamiser les exportations hors Hydrocarbures (moins de 3% du total) montrant que le blocage est d'ordre systémique. Faute de quoi, ces mesures auront un impact très mitigé sur l'accumulation c'est-à-dire le développement futur du pays. Aussi, le recours à l'expertise et à l'ingénierie étrangère s'avèrera encore incontournable, la capacité d'absorption par l'outil national de production étant incertaine, comme l'est également la contribution des sociétés étrangères dans le transfert de savoir-faire et de technologie comme le montre l'expérience mitigée de la dépense publique entre 2004/2009 avec des surcoûts exorbitants , des réévaluations permanentes et la dévalorisation du savoir au profit des rentes, le montant poste assistance technique étrangère, étant passé de 4 milliards de dollars en 2004 à 11 milliards de dollars entre 2008/2009. Pour ce qui est de l'interdiction de l'exportation des déchets ferreux et semi ferreux, les exportateurs algériens écoulent quelque 200.000 tonnes de marchandises par an sur le marché extérieur et réalisent près de 600 millions de dollars de chiffre d'affaires, selon les chiffres des Douanes 2009. En 2009, les autorités du pays avaient interdit l'exportation des déchets non ferreux (plomb, étain, cuivre, zinc et aluminium) à travers la loi de Finances complémentaire 2009. La raison invoquée étant l'existence de dépassements consistant en la dissimulation de la valeur réelle des déchets afin d'éviter le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, le non - rapatriement des devises au pays ainsi que l'utilisation de faux registres du commerce avec pour conséquence, une baisse des recettes des produits hors hydrocarbures de 45%. Rappelons que déjà en 2006 des mesures restrictives avaient été faites. Mais quelques temps après, le commerce des déchets ferreux et non ferreux avaient été relancés en prévoyant un cahier des charges conforme aux exigences de la loi de Finances 2007, l'autorisation pour l'exportation des déchets ferreux étant délivrée par le ministère du Commerce au lieu de la Direction du commerce du lieu d'embarquement de ces produits. Or, il ne suffit pas d'interdire et le problème central posé est le suivant : si cette décision venait à voir le jour en l'absence actuelle de tout débouché local pour les ferrailles récupérées, n'entraînerait- t- elle pas la liquidation pure et simple des entreprises publiques et privées, puisque le marché est de plus de 600 millions de dollars ? Et là on revient à l'urgence d'une définition claire d'une politique de substitution d'importation devant elle-même s'inscrire dans le cadre global d'une meilleure clarté de la politique socio-économique. Ainsi, se pose cette question : les entreprises nationales, pourront-elles répondre aux défis liés à la réalisation du programme de développement national à l'horizon 2014 doté d'un financement faramineux de 286 milliards de dollars ? La question se pose dans la mesure où les entreprises nationales, publiques ou privées, réellement capables de participer à ce programme, ne sont pas très nombreuses et que le recours à l'expertise et à l'ingénierie étrangère s'avère encore incontournable, la capacité d'absorption par l'outil national de production étant incertaine, comme l'est également la contribution des sociétés étrangères dans le transfert de savoir-faire et de technologie. Ce qui, en l'absence d'un environnement sain des affaires (bureaucratie, système financier sclérosé, le foncier, l'adaptation du système socio-éducatif) renvoyant à l'approfondissement de la réforme globale, risque de rendre les nouvelles dispositions caduques. IV- S'attaquer à l'essentiel et non au secondaire. L'efficacité donc tant des mesures techniques de la loi de Finances complémentaire 2010, du code des marchés publics que de la traçabilité des opérations financières implique la mise en place de mécanismes de régulation transparents et non des mesures autoritaires administratives qui produisent l'effet inverse, comme par exemple ces mesures administratives mitigées pour atténuer les effets de l'inflation produit de la faiblesse de l'offre et de la régulation. Aussi s'agit-il d'avoir une vision objective, car ces dispositions risquent d'être inopérantes dans la mesure où la question de la gouvernance économique reste pendante. La pertinence de ces mesures reste sujette à caution au regard du mode de fonctionnement du système, dont l'extension de la sphère informelle produit de la bureaucratie, ainsi que la faiblesse de l'efficacité des institutions supposant une réponse claire : quel est le futur rôle de l'Etat dans le développement économique et social face aux nouvelles mutations mondiales, l'Algérie étant dans cette interminable transition, ni économie de marché véritable, ni économie étatisée depuis 1986, expliquant les difficultés de la régulation n'oubliant jamais qu'en ce XXIème siècle, malgré la crise, l'Algérie devra évoluer dans un environnement concurrentiel avec une importance stratégique à l'Etat régulateur, loin de la vision du tout Etat où toute Nation qui n'avance pas recule, son principal défi étant la maîtrise du temps et la concertation permanente. Lorsqu'un Gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale pour avoir l'adhésion, supposant de concilier l'efficacité économique et une profonde justice sociale,( sacrifice partagée surtout en période de crise) , la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont une valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer. Nous aurons alors pour conséquence des institutions, des activités et des intermédiations financières informelles qui travaillent dans le cadre du droit et une autre sphère qui travaille dans un cadre de non droit, étant entendu que le droit est défini par les pouvoirs publics en place et que dans l'imaginaire des agents de la sphère informelle, ils fonctionnent dans un Etat de droit qui est leur droit au sein de leur espace social. Le patriotisme économique et l'importance de l'Etat régulateur stratégique, pouvant détenir des minorités de blocage dans certains segments stratégiques, ne sont à ne pas confondre avec le retour au tout Etat et à la gestion administrée des années 1970 qui serait suicidaire pour l'Algérie, en l'isolant de plus en plus des nouvelles mutations mondiales. De toute manière l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avec ces mesures n'est pas pour demain expliquant d'ailleurs, selon la déclaration de juin 2010 du ministre du commerce le gel de ces négociations comme cela compliquera encore davantage les renégociations de certaines clauses demandées par l'Algérie le 15 juin 2010 à Luxembourg avec l'Europe, dont l'Algérie est liée à un Accord de libre échange, applicable depuis le 01 septembre 2005. AM Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d'Université en management stratégique