Inflation, réseaux maffieux, dévaluations répétitives du dinar, bas salaires, statistiques erronées … : Le pouvoir d'achat des Algériens dégringole toujours. Avec l'avènement du mois du Ramadhan, les Algériens vont, comme à l'accoutumée, encore ressentir la pesanteur de la détérioration de leur niveau de vie. Les dévaluations itératives du dinar, le niveau bas des salaires et la mainmise de réseaux maffieux sur l'alimentation, constitueraient les causes principales du maintien de la tyrannie des prix, note-t-on. Dans tous les cas de figures, le pouvoir d'achat en Algérie subit toujours une évolution arythmique de la mercuriale et du salaire, au grand dam des citoyens. Les assurances du gouvernement à maintenir les prix autour d'une fourchette… appréciable, ne sont pas du tout crédibles car le marché échappe à toute régulation. Le salaire minimum (SNMG) à 15 000 dinars n'est pas du tout suffisant pour un Algérien qui paye le kilo de viande à 10 euros. Comment l'Algérien peut-il étayer ses insuffisances financières face aux dépenses incontournables (alimentation, transport, santé, éducation) ? D'après le Dr Mebtoul, «cette dégradation du pouvoir d'achat est renforcée par la dévaluation cyclique du dinar et il est admis maintenant qu'une famille avec 5 enfants à charge ne travaillant pas a besoin d'un revenu net minimum de 36.000 dinars». Statistiques erronées Quant aux statistiques de l'Office National des Statistiques (ONS) portant la base du panier de la ménagère qu'il maintient inchangé depuis des années alors que le besoin est historiquement daté, l'inflation serait maîtrisée alors que la réalité est toute autre. D'après les économistes, la marge importante entre l'inflation réelle, perçue par les Algériens et celle calculée par l'ONS témoigne, outre la difficulté de vérifier la véracité d'une donnée officielle, de l'incapacité de l'Etat à installer une stratégie appropriée pour aplanir l'inflation. Dans la même optique, «la majorité de la population ayant un revenu net inférieur à 20.000 dinars consacre plus de 80% de son revenu aux biens de première nécessité alors que selon l'enquête du CNEAP de septembre 2007, le taux était déjà de 70%», note-t-on. Pour le gouvernement, le taux d'inflation a été de 1,6 % en 2005, 3% en 2006, à 3,5 % en 2007, 4,5% en 2008, 5,7% en 2009 et 5,4% pour les 6 premiers mois de 2010. Or, selon un document important relatif à une étude sur l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, du centre de recherche américain, Casey Research en date du 6 mars 2008, le taux d'inflation en Algérie serait 12 % pour l'année 2008 selon cette étude, contre une moyenne de 7/8% au niveau de la région Mena, remettant d'ailleurs en cause les déclarations des experts en mission à Alger du FMI la mi novembre 2009 qui affirmaient que le taux d'inflation allait baisser, la tendance en 2010/2011 ne devant pas fondamentalement changer. Ceci dit, il y a à faire la différence entre l'inflation et la rémunération, même si les deux se rejoignent et s'entremêlent. L'économie algérienne est quasi-exclusivement basée sur les échanges internationaux. La facture d'importation des produits alimentaires a atteint 437 millions de dollars en février 2010 –malgré une baisse de 109 millions de dollars par rapport à la même période de 2009. De ce fait, les prix du marché local dépendent en grande partie des fluctuations des marchés internationaux et de la monnaie nationale. En outre, il faut ajouter l'incapacité de l'Etat à réguler le marché. L'hégémonie des réseaux maffieux Le dénivellement des salaires et la mainmise des réseaux maffieux ont fait que le niveau de vie des Algériens est parmi les plus bas dans la région. Par exemple, la viande bovine importée d'Inde est parmi les moins chères au monde, pour 500 dinars le kilogramme. Dans les pays de l'Union européenne, pour l'équivalent en euro (moins de 5 euros) de cette somme, le consommateur européen n'accède qu'à une viande de mauvaise qualité. Mais pour l'Algérien moyen, ce prix est trop élevé. Pourquoi ? L'explication réside dans le niveau des salaires et la valeur du dinar. Les prix des viandes rouges avoisinaient chez les vendeurs en détail les 900 dinars pour le kilogramme, contre 350 DA pour le poulet chez les bouchers. Le prix d'un kilogramme de la dinde a atteint 750 DA, et la moyenne des prix des viandes congelées importées d'Amérique Latine est de 510 DA. D'autre part, la qualité et le prix des viandes en disent long sur le pouvoir des réseaux intermédiaires et les spéculateurs quant au monopole du marché des produits agricoles et avicoles en Algérie. Le pouvoir de ces réseaux est tel que toutes les mesures officielles portant sur l'organisation du marché n'ont pas abouties. En fait, ces réseaux ont réussi à transférer le monopole d'Etat -avant la libération de secteur commercial- vers un monopole privé englobant toutes les activités d'importation et la distribution des produits alimentaires, dont les viandes, les différents produits alimentaires et toutes sortes de grains. D'après des sources, ces réseaux détiendraient le monopole sur plus de 70% de l'alimentation des Algériens. D'après des responsables, cet état de fait déplorable a été causé par le retrait soudain de l'Etat du secteur commercial depuis 1994, et la fermeture de tous les grands espaces commerciaux et les entreprises de distribution d'une manière ahurissante et sans mettre des assises juridiques permettant aux pouvoirs publics de contrôler le marché et empêcher l'hégémonie des «mafieux» local de l'alimentation. Mais ne dit-on pas que le ventre n'a pas d'oreille…