2ème partie Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International (1) Des avis sur ce sujet, sont parus récemment, mais selon mon point de vue fortement biaisés avec un certain chauvinisme et une euphorie déconnectée de la réalité tant interne de Sonatrach qu'internationale du fait de la forte concurrence au niveau mondial. Lors de l'audience qu'a accordée le président Abdelaziz Bouteflika au ministre de l'Energie et des Mines le 18 aout 2010, la seule indication de cette audience est que la production nationale d'hydrocarbures connaîtra un rythme de croissance, reflétant l'effort d'optimisation de l'exploitation des gisements. II- Quelle sera la durée de vie des réserves de gaz en Algérie ? Après les nouvelles mesures gouvernementales d'encadrement de l'investissement étranger, et au vu de l'ouverture d'autres pays notamment en Afrique et Amérique Latine , de la crise mondiale qui a entraîné une baisse de la demande, baisse accrue par les économies d'énergie , la modification de la loi des hydrocarbures limitant à moins de 49% l'apport étranger tant à l' amont, l'aval, que dans le transport par canalisation, il y a eu une nette diminution des investissements étrangers dans ce secteur qui requiert des technologies de pointe. C'est que ces mesures pouvaient se justifier en partie pour l'amont (l'essentiel de la rente actuelle), mais pas pour l'aval et les canalisations dont les coûts sont élevés et la rentabilité financière beaucoup pus faible. Les produits semi finis et finis pétrochimiques étant soumis à une rude concurrence et les segments contrôlés au niveau mondial par quelques firmes, l'Algérie n'ayant pas par ailleurs investi à temps dans ces filières contrairement à bon nombre de pays du Golfe. Aussi les parts de marché au niveau mondial sont déjà pris sans compter que l'amortissement a été largement effectué réduisant substantiellement leurs coûts contrairement à l'Algérie qui aura fort à faire pour avoir un prix compétitif du fait de la lourdeur des coûts d'amortissements de départ. Aussi la question stratégique qui se pose est la suivante: avec l'hémorragie de ses cadres, la Sonatrach a-t-elle les capacités de faire des découvertes intéressantes rentables financièrement, une prospection coûtant et lorsque la rentabilité n'étant pas assurée, ce sont des fonds perdus? Sonatrach a-t-elle les capacités d'investir seule sans un bon partenariat sans le partage des risques à l'aval sans être assurée de la commercialisation sachant que pour diminuer les coûts d'autant plus qu' il faut une grande capacité des installations et que le marché intérieur est limité? Quelle est la rentabilité financière réelle des investissements de Sonatrach à l'étranger tant dans sa participation que dans des fonds d'investissement qu'elle aurait réalisé ? Quelle est la rentabilité, Sonatrach s'étant fortement dispersé depuis 2000, devenant un Etat dans un Etat s'étant éloigné de ses métiers de base, dans l'aviation, dans la construction, dans les unités de dessalement d'eau de mer ? Or, selon les dernières estimations l'Algérie a produit 86,5 milliards de m3/an en 2008 contre 49 milliards en 1990 et avec les nouveaux projets devant atteindre 100 milliards de mètres cubes gazeux. Les exportations prévues entre 2014/2016 seraient de 85 de milliards de mètres cubes gazeux et 40 pour la consommation intérieure dernières estimations d' aout 2010 dont le CREG a revu à la baisse la consommation par rapport à son précédent rapport, soit 135 donnant un déficit de 25 milliards de mètres cubes gazeux. Pour l'horizon 2020, les prévisions d' exportations seront de 100 milliards de mètres cubes gazeux et dans une perspective dynamique de développement allant vers 60 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieure toujours selon les estimations révisées à la baisse ce qui donnera un déficit de 60 milliards de mètres cubes gazeux soit l'urgence d'une découverte additionnelle durant cette période d'un volume plus élevé soit plus de 70% de la production actuelle . En cas d'un développement plus intensif pour l'Algérie ce qui est souhaitable l'écart serait encore plus grand. Par ailleurs, et en prenant par hypothèse une stabilisation des coûts, toute augmentation des coûts réduisant également la durée de vie des réserves en termes de rentabilisé financière compte tenu de l'évolution des vecteur prix au niveau international , le prix devrait être entre 14/15 dollars le million de BTU pour le gaz naturel liquéfié – GNL- ( coût et transport) et 10/11 dollars pour le gaz naturel par canalisation – GN- ( Medgaz- Galsi) pour l'exploitation de 4300 milliards de mètres cubes gazeux ( 10% de gisements marginaux étant non rentables à soustraire) donnant entre 25/30 ans de durée de vie ( exportation plus consommation ). Si le vecteur prix est de 6/7 dollars le million de BTU, la durée de vie est à diviser par deux soit environ 15/16 ans. Si le prix est de 4/5 dollars comme cela se passe sur le marché spot, la durée de vie serait entre 10/12 ans c'est à dire en 2020. Ainsi, l'Algérie pourrait faire face à une grave crise interne de gaz dans les huit prochaines années, si le prix international se maintient à son niveau actuel ainsi que les actuelles prévisions d'exportation, étant dangereux de sacrifier la consommation intérieure et d'annuler certains projets inducteurs. Cette inquiétude est d'autant plus justifiée que les exportations de gaz algérien n'ont pas dépassé 54,5 milliards de m3 en 2009, fort loin de l'objectif de 85 milliards de m3 pour 2012. La concurrence du marché spot et des retards dans certains projets dont celui Gassi Touil, qui devait entrer en production justement en 2009 expliqueraient le recul de 2009 selon le site international Afrique www. maghrebemergent, citant le site de Sonatrach et des responsables du secteur alors que le rythme des exportations annuelles de gaz naturel tournait autour des 64 milliards de m3 par an, depuis 3 ans, en attendant l'entrée en production de nouveaux gisements gaziers. L'objectif pour 2009 était d'exporter 65 milliards de m3. Par ailleurs, les acheteurs principalement les italiens, les espagnols et les français - plus de 60% des quantités engagées n'ont recouru qu'à l'enlèvement minimal des volumes contractuels à un prix moyen indexé sur le prix du brut, situé entre 7 et 10 dollars le million de BTU durant l'année. Le reste des approvisionnements a été réalisé par les clients de Sonatrach sur les marchés spot ou le gaz naturel – cargaisons GNL – était cédé à moins de 5 dollars le million de Btu en moyenne sur le second semestre 2009. La baisse des enlèvements de gaz naturel par les italiens, les espagnols et les français (en France, les importations d'hydrocarbures pétrole et gaz naturel en provenance d'Algérie représentent 4,8 % des importations de combustibles et carburants de la France en 2008) plus de 60% des quantités engagées contractuellement. III- Les perspectives du secteur hydrocarbures et du financement en Algérie Il existe indéniablement des incertitudes sur le niveau des réserves des hydrocarbures rentables en Algérie horizon 2020 ce qui ne pourra qu'influencer le financement futur de l'économie nationale. Sans compter que Sonatrach absorbe une grande partie de ses recettes dans son autofinancement amplifié par les nouvelles dispositions qui l'oblige à investir sur ses fonds propres avec une baisse de ses recettes entre 2008/2009. Pour preuve, selon Sonatrach dans son rapport financier 2009, les réalisations de l'année 2009 en matière d'investissement ont atteint 1 080 milliards de dinars (14 milliards de dollars) contre 598 milliards de dinars pour 2008, marquant une augmentation de 81%. Et les produits de l'année 2009 ont été de 4 239 milliards de dinars contre 9 095 milliards de dinars en 2008, marquant une baisse de 53%. Et selon les prévisions du MEM, l'investissement serait de 63 milliards de dollars 2010/2014, montant auquel il faut ajouter plus de 15 milliards de dollars pour Sonelgaz soit plus de 35% des recettes de Sonatrach au cours de 75 dollars le baril. L'Algérie devra inéluctablement, si les cours du gaz et du pétrole se maintiennent au niveau actuel et au vu des programmes d'investissements, et sans afflux substantiel de l'investissement étranger, conduire à puiser dans les resserves de change. A moins que l'on freine le rythme de la dépense publique mais avec les risques de tensions sociales de plus en plus vives n'existant pas de véritable politique salariale mais des distributions de rente pour une paix sociale fictive. Donc, avec ces perspectives des réserves du pétrole/gaz ainsi du prix de cession du marché du gaz restent incertaines entre 2018/2020 ce qui ne vas pas sans avoir des conséquences sur les recettes de Sonatrach , donc sur le devenir de l'économie algérienne où tout est irrigué par les hydrocarbures : 97% des 157 milliards de dollars de réserves de change estimées au 31/12/2009, plus 90% de la dépense publique, 80% du produit intérieur brut directement et indirectement et 70% des recettes fiscales provenant de cette rente Mail- [email protected] NB- je tiens à remercier vivement certains collègues professeurs d'université et des amis cadres du secteur hydrocarbures d'avoir bien voulu relire ce texte. Cependant, je suis le seul responsable de la teneur. Toute reproduction sans citer le nom de l'auteur est interdite. Docteur Abderrahmane MEBTOUL ayant effectué la majorité de ses études en France ( Lille) est docteur d'Etat en sciences économiques ( 1974) Professeur d'Université en management stratégique –Algérie - conseiller et directeur d'études des Ministères industries énergie 1974/1980- 1990/1996-2000/2006 –Ayant dirigé plusieurs audits sur Sonatrach et auteur de nombreux ouvrages et contributions au niveau de revues internationales spécialisées sur le secteur des hydrocarbures en Algérie face aux mutations mondiales.