Chantre, il n'y a pas si longtemps, de la libéralisation sauvage et du démantèlement du secteur public, Hamid Temmar opère un virage à 180 degrés. Du moins il se fait, à son corps défendant peut-être, le porte- parole d'une stratégie à l'opposé de ce qu'il prônait crânement il y a quelques années. Avant-hier, devant un parterre de journalistes, le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour critiquer le secteur privé national et les investisseurs étrangers. Hamid Temmar a reproché, dimanche, en marge du Salon de l'industrie organisé à la SAFEX, aux entreprises privées algériennes de n'avoir pas investi « dans des secteurs industriels importants pour la croissance économique, l'intégration régionale et la compétitivité de l'Algérie sur le plan international». Il a également critiqué les investisseurs étrangers «qui n'ont pas voulu venir investir en Algérie». Le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements prendra tout de même la précaution de préciser que c'est là la tendance décidée par le gouvernement pour ne pas être accusé de versatilité dans les décisions. C'était là, la seule précaution du jour prise par M. Temmar car jusque-là, son annonce peut résumer au moins un constat d'échec d'une stratégie qui reposait sur les IDE et le démantèlement du secteur public. On s'en souvient, M.Temmar avait qualifié l'industrie publique nationale de «quincaillerie rouillée». Mais là où l'intervention du ministre s'apparente à de la fuite en avant, c'est que, partant d'un constat d'échec, il annonce, sans sourciller, que le gouvernement projette la mise en place d'une véritable industrie de construction automobile. Déjà que les projets de montage de véhicules restent au stade des bonnes intentions et butent, d'une part, à la réticence et aux tergiversations des investisseurs et d'autre part, aux lenteurs d'une administration et d'un système bancaire scotchés aux années 1970, la mise en place d'une industrie automobile, avec un taux d'intégration de 40 ou 50%, relève de la pure fiction dans l'état actuel de l'économie algérienne. Le secteur industriel public sur lequel doit s'appuyer cette industrie est moribond, à peine si les premières perfusions à coup d'effacement de dettes et de commandes publiques commencent à lui redonner un semblant de vie. M.Temmar, selon sa déclaration, écarte, d'un revers de la main, la possibilité de s'appuyer sur le potentiel du secteur privé et désespère de voir les investisseurs étrangers venir en force bâtir les bases d'un développement industriel durable. Il serait facile pourtant de lancer la pierre au seul Temmar qui assume, là, le mauvais rôle. Pendant toute une décennie faite de tâtonnements et de voltes-faces, les fuites en avant et les annonces tonitruantes ont pris la place d'une stratégie claire et réaliste dans l'approche de développement. En Algérie, on fait toujours plus que les autres. Le pays se voulait plus ouvert et plus libéral que les économies libérales. Il fallait effacer toute trace d'implication de l'Etat dans l'économie et ouvrir celle-ci à tous les vents. Quand le constat des limites de cette approche a été fait, le libéralisme est décrié et on commence à poser les verrous. Quand la crise économique mondiale a obligé certains pays capitalistes à soutenir leurs entreprises, cahiers de charge en mains, on a battu, chez-nous, le rappel des pratiques dirigistes et les caisses débordantes de l'Etat sont mises à contribution pour redonner vie à des entreprises en faillite en claironnant que ce seront là des champions industriels et qu'il n'est nul besoin d'un secteur privé d'investisseurs étrangers. Entre les velléités de noyer le poisson dans l'eau et l'absence de vision, la rente pétrolière continue à couvrir les tares d'une économie en mal de décollage. Pour combien de temps encore ?