Henri Alleg garde toujours sa fougue malgré ses 88 ans, passés dans la lutte acharnée contre la tyrannie et la bêtise humaine. Vendredi 15 octobre, Henri Alleg a été présent lors de la présentation du nouveau documentaire sur la torture dans la grande salle du Cin'Hoche de Bagnolet. Cet indestructible Monsieur a enduré d'atroces souffrances et fut enfermé pendant un mois dans une salle de tortures, en 1957, durant la guerre d'Algérie. Les associations Appel des Cent pour la justice et la paix de Bagnolet et Souvenir(s) Écran ont bien organisé la soirée-débat, avec un coin librairie de tous les ouvrages du journaliste franco-algérien à disposition, puis projection gratuite du documentaire de Christophe Kantcheff « Henri Alleg, l'homme de La Question », suivie d'un débat avec les deux hommes. Christophe Kantcheff a préféré commencer par la lecture des bonnes feuilles de «La Question ». Le récit est subversif et les mots sont crus. Puis la caméra de Kantcheff déambule l'Histoire de ce Grand homme. En fait, Henri Alleg, directeur du quotidien Alger Républicain jusqu'en 1955, année de son interdiction, fut arrêté en 1957 par les parachutistes de l'armée française. Pendant un mois, il fut torturé puis transféré dans un camp de rétention. Avec l'approbation de ses deux codétenus, Henri commence la rédaction clandestine de son célèbre témoignage. Refusé par toutes les maisons d'édition française, leJérôme Lindon des Éditions de Minuit a eu l'audace de sortir le texte baptisé « La Question ». La censure tarde plusieurs semaines à se manifester. 60. 000 exemplaires se sont déjà arrachés quand l'État français décide d'intervenir. Cette interdiction lui fera encore plus de publicité et renforcera le succès de l'ouvrage préfacé par le très populaire Jean-Paul Sartre, qui sera réédité en Suisse, puis traduit dans le monde entier. Le documentaire a réussi de soulever de nombreux points comme la non-reconnaissance par l'État français du recours massif à la torture sur les combattants du FLN, les Européens engagés aux côtés du peuple algérien. Le film rapporte aussi les inepties de l'ancien président Jacques Chirac, qui dira qu'il ne faut pas «créer d'événement qui pourrait raviver les plaies du passé». Quant à l'extrait du discours de Lionel Jospin devant l'Assemblée nationale sur le sujet, il est sans équivoque : «ce ne sont que des dévoiements minoritaires ». A la fin du documentaire Alleg rappellera la tragique nuit du 17 octobre 1961 quand la police de Maurice Papon réprima très violemment une manifestation du FLN et où de nombreux participants périrent noyés dans la Seine. « Si un Tribunal a reconnu ce massacre, l'État français, lui, ne l'a jamais fait officiellement, comme Chirac l'a fait avec la shoah par exemple. Or cette reconnaissance permettrait de faire table rase du passé. » Pour Henri Alleg, qu'elle ait eu lieu dans la banlieue d'Alger il y a 52 ans, ou aujourd'hui « dans une prison irakienne, israélienne ou afghane », l'horreur de la torture, de «La Question», reste la même...