Au terme d'une épopée aussi triste que les larmes, les 380 travailleurs de l'ex-unité SOGEDIA ont passé l'Aïd confinés dans leur silence. Ces travailleurs n'ont pas encaissé leurs salaires depuis…trois années. «Cette fête de l'Aïd a été amère pour nous». Nous vivons comme des marginaux, des aliénés sur le banc de la société, en train d'attendre…un hypothétique salut ! » dira Mohamed, un travailleur qui a consacré plus de deux décennies de sa vie à cette entreprise, héritée de la période coloniale. Depuis décembre 2006, les travailleurs n'ont pas perçu le moindre sou. Pourtant, ils avaient reçu des assurances par les nouveaux acquéreurs de l'unité, des Allemands, quant au règlement définitif des arrières des salaires. Le secrétaire général de l'UGTA de la wilaya d'Oran, M.Yattou, avait déclaré, quant à lui, que «toutes les assurances ont été apportées par le partenaire étranger. Les travailleurs n'auront pas à s'inquiéter». Que nenni ! Le calvaire des travailleurs continue. En effet, durant le partenariat allemand, tous les équipements de production ont été mis à niveau. Pour le délégué syndical de l'unité, «le Trésor public a déboursé des centaines de milliards pour mettre à niveau l'entreprise. Mais juste en amont». Ces travailleurs, sont-ils victimes des changements brutaux des orientations économiques du pays ? Tout le laisse croire. Historique de la filiale de l'huile En effet, par le passé, et pratiquement jusque vers le milieu de la dernière décennie, l'Entreprise Nationale des Corps Gras (ENCG) était la seule entreprise habilitée dans l'importation et le raffinage des huiles alimentaires. Il s'agit d'une période au cours de laquelle l'Algérie fonctionnait sous un régime d'économie planifiée. Mais dès le milieu des années 90, les premiers changements ont commencé à apparaitre. En 1996 a eu lieu la transformation de ces fonds de participations en Holding publics, chargés de la gestion et de l'administration des capitaux marchands de l'Etat. L'ordonnance N° 95-25 du 25 septembre 1995, précise que le Holding public -a pour mission de rentabiliser et de faire fructifier le portefeuille d'actions de participation -et autres valeurs mobilières qui lui sont transférés et d'impulser le développement des ensembles industriels, commerciaux et financiers qu'il contrôle. Au début de l'année 1997, une nouvelle forme de restructuration et de soutien aux entreprises publiques, a été mise en œuvre. Elle se caractérise par le regroupement des unités de production en filiales, afin d'accroître l'autonomie. A partir de l'année 2001, un ensemble de textes législatifs a été promulgué (ordonnance n° 01-04 du 20 août 2001, et ses textes d'application). Ces textes portent sur les modes d'organisation, gestion et privatisation des entreprises. Ils fixent, en outre, les modalités d'exercice de l'action spécifique (qui est une action du capital social), et expliquent les modalités d'acquisition de ces sociétés par leurs salariés ou par des tiers dans le cadre de la privatisation prévue à cet effet. L ‘ENCG exerçait le monopole sur la production, le conditionnement et la distribution. Avec l'ouverture de l'Algérie à l'économie de marché et l'encouragement du secteur privé, la situation a considérablement changé. Les importations ne sont plus sous le monopole de l'ENCG, car d'autres structures ont émergé. Le niveau des importations s'est accru. La concurrence au niveau du marché local fait son apparition de manière graduelle. Dans ce contexte, l'Algérie n'a aucune influence sur l'offre dans le marché mondial des huiles alimentaires, alors que par l'importation des quantités nécessaires à la couverture des besoins, elle pèse sur la demande mondiale- tout en restant dépendante de la conjoncture et des aléas commerciaux- à l'échelle internationale. Après les céréales (25%) et le lait (2 1%), les huiles alimentaires constituent le troisième produit de première nécessité importé par le pays dans une proportion d'environ 12% de l'ensemble de ses importations en denrées alimentaires. Cette situation le place, de facto, sous la dépendance du marché extérieur et, par conséquent, incite à une évaluation continue dans le cadre de la mondialisation et de la réglementation prévue par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L'Algérie se place, donc, en première ligne face aux fluctuations du marché du fait de l'importation massive en huiles brutes qu'elle opère chaque année avec une augmentation annuelle d'environ 2%. Le problème, est-il donc d'ordre de gestion ? La réponse se trouve chez les 380 travailleurs de la Sogédia d'Es-Sénia.