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La problématique de la bonne gouvernance et de l'efficacité des institutions en Afrique
Publié dans Le Financier le 14 - 02 - 2010

Dr Abderrahmane Mebtoul / Expert International Economiste
2ème partie
2.-L'impact de la crise mondiale : l'Afrique sur l'Afrique
L'Afrique a une population de 944 millions en 2007, ayant doublé depuis 1980, pratiquement quintuplé depuis 1950 et s'orientant vers un milliard et demi (1,5) horizon 2020, les projections récentes de la Banque mondiale estiment une croissance économique de l'ordre de 4,1%. De manière globale, le produit intérieur brut (PIB) réel des pays exportateurs de pétrole (Angola, Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, Nigéria et Tchad) connaîtra une croissance de 5,5%, tandis que celui des autres pays sera à 3,3%. Ces chiffres sont en augmentation par rapport aux projections de 2009 qui annonçaient une variation du PIB de l'ordre de 1,1% seulement. Le rapport souligne que dans l'ensemble, les efforts effectués au cours de ces dernières années en faveur de l'assainissement des cadres macroéconomiques, permettent à l'Afrique de mieux résister à cette crise qu'aux crises passées. Certains pays ont même été en mesure de mettre en œuvre des politiques monétaire et budgétaire contra-cycliques, pour atténuer l'impact du choc, tout en préservant la viabilité de la dette. Mais il ne faut jamais oublier qu'il n'y a pas une Afrique, mais des Afriques. La crise affectera au cas par cas. Les pays de l'Afrique Australe et du Maghreb, sont économiquement plus prospères que l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest. Des pays ayant des réserves de change importantes, notamment les économies pétrolières africaines (Afrique du Nord et Afrique Noire) ou des pays grands exportateurs de matières premières seront moins affectés que les pays les plus pauvres ou vivant uniquement du tourisme ; ces derniers risquant de connaître une récession. Selon les rapports de l'OUA de 2006/2007, sur 141 pays en voie de développement, 95 soit les 2/3, sont tributaires à plus de 50% de leurs exportations des matières premières agricoles et minérales dont 80% pour l'Afrique Subsaharienne. Certes, du fait de son sous développement, l'Afrique reste moins affectée par la crise financière mondiale, le système financier africain étant généralement autonome et indépendant de ses relations avec les économies occidentales et ne dispose pas encore d'un système boursier encore performant. Une autre raison pour lesquelles les turbulences économiques mondiales ont eu des effets moins graves en Afrique, est que le contrôle des mouvements de capitaux a poussé les banques du continent à favoriser la gestion des dépôts locaux et à faire des investissements relativement peu risqués. Leur exposition aux «subprimes» et autres instruments financiers douteux qui ont provoqué la chute de banques américaines et européennes est donc minimale. Toutefois, des conséquences à plus long terme sont attendues, car la situation de l'Afrique est des plus inquiétantes, car même si elle ne subit pas une conséquence directe de la crise financière, l'impact se fait ressentir par d'autres biais. Premier impact, la crise devrait se manifester au niveau de l'aide et l'investissement au développement qui pourrait en souffrir. Deuxième impact à terme sur le système et flux financiers et l'équilibre macro-économique. Troisième impact sur le cours des matières premières exportées.
-a- sur le volume des importations et la production agricole - sur le processus inflationniste. Et comme résultant finale, sur le faible taux de croissance et le faible niveau de l'indice de développement humain qui détermine la création d'emplois à valeur- ajoutée, tenant compter des structures des taux de productivité, souvent non proportionnel aux dépenses monétaires expliquant la détérioration de l'indice du développement humain (IRH), agrégat beaucoup plus fiable que le produit intérieur brut ou le revenu national agrégat trop global qui voile bon nombre de disparités tant socioprofessionnelles qu'inter régionale. Ce d'autant plus que la situation de l'Afrique souffre de l'importance de la sphère informelle qui limite fortement les politiques socio-économiques, car il faut se méfier des réformes de gouvernance, importées et excessivement normatives, comme il faut se garder de céder aux mirages d'une société civile créée artificiellement sur le modèle occidental par désespoir de l'État où souvent nous assistons à deux sociétés civiles, celles reconnues officiellement par les Etats et une société civile informelle plus proche des préoccupations des citoyens (les Zaouias par exemple). Le réalisme conduit pour sa part à la prise en compte du territoire et de l'économie réelle, largement plongée dans l'informel.
3.-La sphère informelle limite l'efficacité
des institutions
en Afrique
L'importance de la sphère informelle qui a un impact sur le fonctionnement des institutions et on peut émettre l'hypothèse que lorsque l'Etat agit par des mesures administratives autoritaires étant en retard par rapport à la société, cette dernière enfante des règles qui lui permettent de fonctionner. Dans la majorité des pays d'Afrique limitant les politiques socio-économiques, nous avons une dualité frappante avec des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit(car existe une intermédiation financière informelle avec des taux d'usure) et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste, la formation des prix et des profits dépendent -dans une large mesure- de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international (la sphère marchande étant souvent mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et en dernier lieu, leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques. En fait, par rapport à l'Etat. Il est démontré que le paiement de l'impôt direct est un signe d'une plus grande citoyenneté et la généralisation de l'impôt indirect injuste par définition est la solution de facilité démontrant le manque de maîtrise de la régulation d'ensemble par l'Etat. Et peut-on parler tant de la citoyenneté civile, politique et d'une manière générale de la citoyenneté sociale lorsque la majorité des agents économiques vivant dans la sphère informelle ne payent pas leurs impôts ? Et là, on revient à l'élément fondamental : la confiance et toujours la confiance, sans laquelle ne peut exister. Ni un système politique, ni un système économique fiable. Dans certains pays, il y a plus de confiance que dans d'autres. Des interviews de terrain entre 2000/2004 du docteur De Soto, grand spécialiste de la sphère informelle montrent qu'à une question en Suède: «Est-ce que vous faites confiance aux autres Suédois ? La réponse est que 65% des Suédois disent «oui, je fais confiance à un autre Suédois». Aux Etats-Unis, presque 54% des Américains disent oui, j'ai confiance aux autres Nord-américains. Quand on arrive au Brésil, c'est seulement 8% qui font confiance aux autres Brésiliens. Quant on arrive au Pérou, c'est 6% et les Argentins, entre 1 et 2%. Qu'en est-il pour les pays d'Afrique où le cash prédomine (à titre d'exemple selon les statistiques officielles pour 2009, 74% des importations évaluées à plus de 39 milliards de dollars se sont faites en cash en Algérie, et certainement identique sinon plus dans certains pays d'Afrique), alors que la base de l'économie de marché et de l'Etat de droit comme l'a montré le grand économiste Joseph Schumpeter repose sur deux fondamentaux -le respect du contrat et le crédit US). Son intégration est fondamentale pour crédibiliser toute action politique. Car, où est la crédibilité d'un Etat et des institutions qui ne contrôlent que 10 à 20% des activités économiques ? En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place, c'est-à -dire des institutions et l'extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen, mais pour elle-même en tant que pouvoir bureaucratique. Tout cela renvoie aux fondements anthropologiques, car pour le cas de l'Afrique, il y a dans la plupart des cas que les équipements anthropologiques intrinsèques qui modèlent le système politique et ses institutions.


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