Les pouvoirs publics avaient pourtant multiplié les assurances que les produits alimentaires de première nécessité seraient en abondance. Ils ont mis en garde les spéculateurs pour limiter une flambée des prix. Il n'en est rien. Le gouvernement semble incapable d'enrayer la hausse des prix qui touche une gamme variée de produits. Les petites et moyennes bourses sont mises à rude épreuve. Et ce n'est pas encore fini. L'Etat, sensé jouer son rôle de régulateur et protéger le consommateur, apparaît dépassé par ce mouvement spéculatif. Et les assurances du ministre du Commerce sont quotidiennement battues en brèche. La loi de l'offre et de la demande n'explique pas, à elle seule, le mouvement haussier des prix. L'autre explication, il faut la chercher ailleurs, au niveau de l'efficacité des services de contrôle et la main mise des spéculateurs sur circuits de distribution. Les pouvoirs publics eux même reconnaissent que pour les fruits, légumes et viandes, la production couvre suffisamment les besoins. Cependant, l'augmentation de la demande, conjuguée aux spéculations, génère des hausses conjoncturelles de prix sans aucune justification économique. Cette tendance haussière des prix s'est produit en dépit d'une offre croissante et d'une meilleure productivité des terres agricoles. C'est donc du côté de la distribution que se trouvent les difficultés dont pâtit le consommateur. La désorganisation des circuits de distributions a laissé le champ libre aux rentiers et aux spéculateurs. L'effort consenti par les pouvoirs publics pour aider les agriculteurs, en réalité, ne les atteint pas, mais profite aux intermédiaires qui drainent des rentes commerciales importantes vers d'autres secteurs. Le président de la République, lors d'un Conseil des ministres, avait relevé que dans les conditions actuelles, la maîtrise de la régulation du marché a révélé ses limites, face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravés conjoncturellement surtout, par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens. « J'entends qu'aucune règle de liberté du commerce ne soit invoquée à l'avenir pour justifier la limitation des capacités de l'Etat à imposer des pratiques commerciales loyales et à réprimer les spéculations qui nuisent aux citoyens. Les moyens requis seront mis à la disposition des services de contrôle commercial, mais ces derniers devront assumer leurs responsabilités entières et reprendre la situation en main », avait déclaré le Chef de l'Etat, reconnaissant implicitement l'incapacité de l'Etat à juguler le phénomène de spéculation. Depuis, rien n'a fondamentalement changé. Il faut relever ici les dysfonctionnements dans le secteur commercial, un secteur, peu modernisé, qui connaît une «informalisation» croissante. Certains experts évoquent une atomisation du commerce et un déséquilibre dans la répartition spatiale. Le problème principal dans ce domaine est l'absence d'application des lois et règlements existants, ce qui encourage fortement la généralisation des pratiques informelles. On observe aussi une défiance croissante vis-à-vis de la fiscalité et une prolifération de la corruption. Plus grave encore, cette «informalisation» génère des masses de capitaux insoupçonnées qui risquent de s'ériger en obstacle sérieux à toute réforme du secteur.