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Entretien avec Alain Juillet, conseiller dans un cabinet d'avocats d'affaire et ancien Commissaire à l'Intelligence économique auprès du gouvernement français : «L'Algérie peut tirer des leçons des expériences de l'IE des autres»
Alain Juillet, conseiller dans un cabinet d'avocats d'affaire et ancien Commissaire à l'Intelligence économique auprès du gouvernement français, explique dans cet entretien accordé au Financier que l'Algérie a toutes les chances pour réussir son processus de mise en place de l'Intelligence économique si les entreprises adhèrent à cette «culture». Le Financier : Qu'est ce que c'est l'Intelligence économique (IE) ? Alain Juillet : L'Intelligence économique est sans doute les techniques et les méthodes qui vont permettre de récupérer, de traiter et de diffuser les bonnes informations à ceux qui en ont besoin dans le monde de l'entreprise et l'Etat sur le plan économique et d'autres domaines. L'Intelligence économique est la maîtrise et la protection de l'information stratégique utile pour le décideur. Le Financier : Plusieurs écoles d'Intelligence économique existent à Travers le monde. Quelle serait celle qui s'adapterait le mieux à l'Algérie dans le domaine économique ? Je pense que l'Algérie comme tous les pays de la Méditerranée, l'approche faite en Espagne, en Italie est certainement la mieux adaptée. C'est-à-dire l'approche où on prend les concurrents, le marché mais également l'environnement en générale dans lequel vivent les entreprises. Car on ne peut pas s'intéresser comme dans les pays anglo-saxons qui s'intéressent qu'aux concurrents. Donc, il faudra trouver un système plus large. Le système qui a été choisi au sud de l'Europe est celui qui peut être adopté dans le nord de l'Afrique, soit dans le Maghreb. Dans le deuxième volet, il faut adapter les techniques à chaque pays parce que chaque pays a une culture, des méthodes, un niveau commercial, industriel et concurrentiel. Il y a aussi des lois qui sont différentes. Donc il faut adapter l'Intelligence économique au pays. Un effort doit être réalisé par l'Etat d'abord pour mettre en place les possibilités pour que les entreprises puissent pratiquer l'intelligence économique et ensuite leur montrer comment on fait cette intelligence économique jusqu'au moment où elles soient aptes à le faire seules. Le Financier : L'Algérie a mis en place une direction générale de l'IE au niveau du ministère de l'Industrie et de la promotion de l'investissement, et un dispositif budgétaire est dégagé dans le cadre de la loi de Finance. Peut-on dire que l'Algérie est sur la bonne voie dans sa démarche? Ah oui, absolument! Je me souviens qu'il y a trois ans, lors d'un colloque, le ministre de l'Industrie avait dit qu'il faudra s'y mettre, mais à l'époque c'était plus compliqué. Depuis, cette direction générale a été mise en place au niveau du ministère de l'Industrie, de plus c'est inscrit dans le budget de l'Etat. Ce dernier a pris en main l'IE, d'où la prise de conscience générale est là puisque l'Etat s'implique pour lancer le processus. Maintenant, il faudra mettre au point les méthodes adaptées à l'Algérie. La deuxième étape est que les entreprises s'approprient la démarche. En effet, l'Etat est là pour aider et accompagner mais à un moment donné, les entreprises adhèrent, pas seulement les grandes mais même les moyennes et petites entreprises. L'IE n'est pas réservée qu'aux grandes entreprises car toutes peuvent l'utiliser dans leur domaine et à leur niveau encore faut-il qu'elles soient convaincues. Le Financier : Combien de temps en moyenne faut-il pour mettre en place ce processus avec tous les outils et mécanismes adéquats? En Algérie ou ailleurs, c'est pareil. En France, quand j'ai été nommé, nous avons commencé réellement à promouvoir au niveau de l'Etat l'IE, c'était entre 2002 et 2003. Aujourd'hui, c'est-à-dire sept ans après, les gens savent ce que c'est l'IE mais une partie des entreprises, pas toutes, ont commencé à faire de l'IE et l'Etat s'est organisé et il continue cette organisation. Donc, il a fallu sept ans pour mettre en place le système et ce n'est pas fini. Les américains ont commencé en 1985, donc il y a 25 ans. Il faut dire que celui qui commence maintenant, il peut tirer les leçons des erreurs des autres. Les américains ont perdu beaucoup de temps lorsqu'ils ont mis en place l'IE. Les français aussi ; car en sept ans, il y avait des choses que nous avons faites et qui n'étaient pas bonnes. Nous avons pris le temps de comprendre et de changer. Donc, ceux qui arrivent derrière et qui connaissent tout ce qui a été fait dans ce domaine peuvent y aller un peu plus vite. L'Algérie peut tirer plein d'enseignements même si l'environnement n'est pas le même chez les uns et les autres. Le Financier : Faut-il un gros budget pour mettre en place tout le processus de l'IE? Non, ce n'est pas un gros budget. Faire de la veille ne coûte pas cher. Il faut juste un ordinateur, Internet et vous avez déjà l'accès à pleines d'informations. Par compte, avec l'expertise étrangère cela coûtera beaucoup plus cher. Vous pouvez faire en Algérie un travail avec peu de moyen simplement il faut qu'il y ait la culture de l'IE. Le plus gros problème n'est pas celui de l'argent mais celui de changer les mentalités. Propos recueillis par Malak Farah