Tant que l'euro se portait bien et était en haut de l'affiche comme un artiste au plus fort de sa renommée, la lune de miel franco-allemande semblait au beau fixe. Mais la crise grecque n'a pas tardé à semer le trouble et à provoquer des étincelles allant jusqu'au survoltage du président français qui reprochait presque ouvertement à Angela Merkel son intransigeance face à la situation financière de la Grèce. Cette même crise grecque qui a entaché l'Espagne, le Portugal et l'Italie, entre autres. La contagion semblait s'installer et a fait que cette épidémie de la dette dans plusieurs pays de la zone euro montre que la crise économique internationale «est loin d'être terminée», comme l'a affirmé en fin de semaine à Doha le vice-président du Forum économique mondial (WEF), Mark Malloch-Brown. Cette crise va jusqu'à se rallumer sous différentes façons faisant dire à Malloch-Brown que «le besoin de justes réformes de la finance internationale actuelle reste aussi pressant qu'avant. Il s'agit de trouver des idées intelligentes qui marchent pour des problèmes particuliers». Les premiers soins La crise de la dette de la Grèce à la fin 2009 a en effet placé la zone euro dans la tourmente, plongeant la monnaie unique européenne à ses plus bas niveaux depuis quatre ans et amenant la zone euro et le Fonds monétaire international à mettre sur pied un plan de secours de 110 milliards d'euros. La zone euro a également mis récemment au point un plan de 750 milliards d'euros afin d'éviter une contagion de la crise à d'autres pays lourdement endettés, comme l'Espagne ou le Portugal. C'est assurément le début d' un possible élan vers des réformes Les ministres des Finances de la zone euro se sont dits préoccupés il y a moins d'une semaine par la chute rapide de l'euro et ont promis de redoubler d'efforts pour réduire leurs déficits, afin d'enrayer la crise de confiance qui continue d'ébranler l'Union monétaire. Les grands argentiers des 16 pays partageant l'euro se sont retrouvés dans un contexte d'inquiétude renouvelée et de dégringolade de la monnaie unique. Les craintes pour la dette des pays européens persistent malgré le plan de soutien à la zone euro de 750 milliards d'euros mis en place il y a seulement huit jours, afin d'éviter une contagion de la crise grecque à d'autres États en difficulté. La Commission européenne a proposé dans la foulée d'imposer dès 2011 un examen de l'UE des budgets des pays avant que leurs parlement nationaux soient saisis, pour s'assurer que les déficits restent sous contrôle. Mais certains pays, l'Allemagne en tête, sont déterminés à aller plus loin. Une nouvelle disposition de la Constitution allemande, visant à limiter l'endettement du pays, oblige Berlin à réduire son déficit à partir de 2011 et à le restreindre d'environ 10 milliards d'euros par an d'ici 2016 pour le limiter à 0,35% du produit intérieur brut (PIB). Appliquée à l'ensemble des pays de la zone euro, une telle mesure reviendrait à adopter une discipline budgétaire bien plus importante et à renforcer drastiquement le Pacte de stabilité européen. Le doute s'installe Par ailleurs, rejoindre la zone euro était un objectif à court terme pour la plupart des pays de l'Union européenne. Mais, après la crise de la dette grecque qui a ébranlé l'Eurogroupe, certains candidats sont désormais moins pressés d'adopter la monnaie unique. Les avantages de l'euro apparaissent aujourd'hui beaucoup moins clairs que durant les premiers mois de la crise financière mondiale en 2007 et 2008, où la devise européenne avait protégé les petits pays contre de fortes variations de taux de change. Il est vrai que la crise grecque a mis en évidence les inconvénients de la monnaie unique. La Grèce, contrainte à une cure d'austérité draconienne en contrepartie d'un plan d'aide conjoint UE-FMI de 110 milliards d'euros, ne peut dévaluer sa monnaie, et devra faire baisser les salaires et les prix pendant des années. La Hongrie et la Roumanie, qui sont membres de l'UE, mais pas de la zone euro, ont bénéficié l'an dernier de prêts d'urgence du Fonds monétaire international (FMI), octroyés à des conditions beaucoup moins dures. En outre, les deux pays n'ont eu qu'à laisser leur monnaie se déprécier pour regagner de la compétitivité: un ajustement douloureux mais rapide comparé à ce qui attend la Grèce. La crise grecque a donné matière à réfléchir aux candidats à la zone euro, et des munitions supplémentaires aux eurosceptiques. «La zone euro a des questions à se poser», a estimé le premier ministre polonais, Donald Tusk, réputé europhile, il y a quelques jours. Et d'ajouter qu'aujourd'hui rejoindre le groupe de 16 pays n'est «pas une priorité» pour Varsovie. En annonçant le mois dernier la suspension des efforts de son pays pour adhérer à l'euro, le premier ministre bulgare, Boïko Borissov, a reconnu que la crise grecque avait contribué à sa décision. Les pays qui rejoignent l'UE s'engagent par traité à adhérer à l'euro, sauf la Grande-Bretagne qui a négocié une exemption. Mais remplir les conditions fixées pour l'adoption de la monnaie unique peut prendre des années. Et avec la crise grecque, beaucoup aspirent désormais à repousser l'échéance. Les retombées sur l'Allemagne Certains pays continuent à vouloir une adhésion rapide. C'est le cas de l'Estonie, qui vise une adoption de l'euro l'an prochain. Le pays remplit tous les critères: sa dette, à 7,2% de son produit intérieur brut (PIB), est la plus basse de l'UE; son déficit, à 1,7% du PIB, est le troisième plus bas; et les prix ont baissé de 0,1% l'an dernier. L'Estonie est en fait le seul pays européen à remplir tous les critères d'adhésion à la zone euro, ce qu'aucun des 16 pays de l'Eurogroupe ne fait actuellement. Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, a toutefois averti la semaine dernière les Estoniens que leur entrée dans l'Eurogroupe n'était «pas acquise». Un renforcement des conditions d'adhésion serait motivé par les craintes d'une contagion de la crise grecque à l'Espagne, au Portugal et à l'Italie. «La contagion à d'autres marchés à risques a soulevé la question de savoir si la zone euro est vraiment prête à s'agrandir, selon Lars Christensen et Viloeta Klyviene, analystes à la Danske Bank. La vraie question n'est pas de savoir si l'Estonie est prête pour l'euro, mais plutôt si la zone euro est prête pour l'Estonie.» La chancelière allemande Angela Merkel, à la tête de la première économie européenne, semble de plus en plus fragilisée, dans son pays comme sur la scène internationale, après sa gestion de la crise grecque. Dans la foulée, la chancelière a estimé que l'euro était «en danger» — une déclaration alarmiste qui a fini par inquiéter les Bourses et fragiliser la monnaie européenne. Résultat, en ajoutant la croisade lancée pour la réduction des déficits, Mme Merkel a suscité l'irritation de ses partenaires, notamment en France, et s'est attirée les foudres de plusieurs responsables européens dont le président Sarkozy. Le comportement de Mme Merkel, sous pression d'une opinion publique ulcérée d'avoir à payer pour sauver les banques puis les mauvais élèves de la zone euro, «s'inscrit dans un contexte politique national», selon Ralf Jaksch du Centre for European Politics (CEP). «Une majorité des responsables de la coalition au pouvoir ont voté pour (le plan d'aide pour la zone euro) mais dans la douleur et étaient très loin d'être convaincus sur le fond». La position de la chancelière est d'autant plus délicate qu'elle a été sévèrement sanctionnée dans les urnes début mai, avec une défaite cuisante pour son parti en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Elle a du même coup perdu la majorité dans la chambre haute du Parlement, ce qui restreint d'autant sa capacité d'action.