Samir Hamek est chercher à l'Institut d'études politique de Paris (Sciences Po), où il prépare une thèse de doctorat en sciences politiques. Il est également titulaire d'un master d'économie internationale de l'université Paris Dauphine. Il a travaillé en tant que chargé d'études économiques sur la zone Afrique Moyen-Orient pour le groupe français de service à l'environnement Veolia. Certains experts évoquent un risque de contagion internationale similaire à celle provoquée par l'effondrement de la banque Lehman Brothers en 2008, à l'origine de la récente crise de l'économie mondiale. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il s'est passé ? Quel est le problème de la Grèce ? La crise grecque a plusieurs origines. La première est conjoncturelle : l'économie grecque est tournée principalement vers le secteur du tourisme et du transport maritime, elle a donc souffert des effets de la crise mondiale, les revenus de ce secteur ont baissé de 15% en 2009. Mais les raisons principales sont de nature structurelle, liées aux déficits chroniques de ce pays depuis une dizaine d'années : une dette de 300 milliards d'euros, représentant 113% de son PIB (contre un taux maximum de 60% fixé par le traité de Maastricht pour les pays de la zone euro) et un déficit public qui atteint 14% du PIB, contre 3% toléré par l'Europe. De plus, une grande partie de l'économie grecque est souterraine (non déclarée), les experts estiment qu'elle représente 20% du PIB, c'est autant d'argent qui échappe à la fiscalité et fait défaut aux caisses de l'Etat. Enfin, le pays a fourni pendant plusieurs années des statistiques économiques frauduleuses pour maquiller sa situation. Pourquoi la crise s'aggrave ? La Grèce peut-elle faire faillite ? La crise s'est aggravée pour deux raisons : d'un côté, les marchés financiers internationaux ne font plus confiance en la capacité du gouvernement grec de redresser les déficits et de réformer le pays. De l'autre, les pays de la zone euro, qui étaient censés aider la Grèce dès le début de la crise (en janvier 2010), ont perdu beaucoup de temps avant de prendre la décision de créer un fonds de soutien européen. Pendant ce temps-là, les marchés en ont profité pour spéculer sur la dette grecque et les agences de notation ont baissé la note de la Grèce, ce qui veut dire qu'elle doit payer des taux plus élevés pour pouvoir emprunter de l'argent. Pourquoi l'Allemagne reste timorée à l'idée de secourir Athènes ? L'Allemagne est la première économie de la zone euro. C'est l'un des rares grands pays développés qui ont réussi à appliquer des réformes globales et profondes, difficiles et courageuses, réalisées pour l'essentiel par le chancelier Schröder. Elle est parvenue à restaurer sa compétitivité et réduire ses déséquilibres internes. Les Allemands n'ont pas envie d'aider un pays qui n'a pas été rigoureux, ils ont l'impression de payer pour les erreurs des autres. Il faut aussi prendre en compte que la chancelière Merkel ne voulait pas prendre des mesures impopulaires à la veille des élections partielles en Rhénanie du Nord-Westphalie. D'ailleurs, elle a fini par perdre ces élections, et donc perdre la majorité du Parlement fédéral. La zone euro peut-elle exploser ? On parle beaucoup de ce cas de figure, dans ce cas là quelles conséquences pour les pays de la rives sud de la méditerranée comme l'Algérie ? Non, la zone euro n'explosera pas, les pays européens ont adopté ces derniers jours un plan d'aide de 750 milliards d'euros pour soutenir les éventuelles défaillances de l'un de ses membres. Cependant, ce plan ne peut pallier l'absence d'une gouvernance économique globale de zone euro et l'absence d'une coordination plus forte des politiques budgétaires, qui restent des difficultés majeures pour faire face à la crise. Les variations de l'euro et du dollar ne sont pas sans effet sur les affaires des entreprises algériennes. Alors que l'euro vacille face au dollar, certains se frottent déjà les mains. Un euro un peu plus faible aurait quelles conséquences pour un pays comme l'Algérie ? La faiblesse de l'euro face au dollar aura incontestablement des effets positifs sur l'économie algérienne. D'un côté, on sait qu'une grande partie des réserves en devise de l'Algérie sont investis en bons de Trésor américain, une hausse du dollar va consolider ce placement. D'un autre côté, l'Algérie est un pays dépendant des exportations d'hydrocarbures (95% de nos exportations) libellées en dollars, ainsi, l'augmentation du dollar augmentera la valeur des exportations, a contrario, les importations de l'Algérie seront moins chères, étant donné qu'elles proviennent à hauteur de 55% de la zone euro.