Les importations massives de ciment effectuées ces derniers mois ne semblent pas avoir eu d'impact particulier sur le marché qui demeure sous une terrible pression en raison de la demande de plus en plus croissante sur ce produit, stimulée par les gros chantiers lancés à travers le pays. Même la décision prise par les pouvoirs publics d'importer trois millions de tonnes de ciment afin de casser la spéculation qui plombe le secteur de la construction n'a apparemment pas eu d'effet sur un marché qui donne l'impression d'être incontrôlable. L'importation en 2009 de 1 million de tonnes de ce produit par la Société de gestion et de participation «Industrie des ciments» (SGP-GICA) et de 300.000 tonnes par les entrepreneurs privés n'a pas suffit à répondre à la forte demande. L'importation des trois millions de tonnes de ciment coûtera à l'Etat quelque 400 millions de dollars pour un marché où ce produit est consommé à 70 % par les entrepreneurs et à 30 % par les auto-constructeurs. Mais, la question qui taraude les observateurs les plus avertis demeure cette chape de plomb qui couvre le marché du ciment et qui empêche toute détente malgré l'ampleur des mesures prises par le gouvernement dans le but de neutraliser la mainmise de la sphère spéculative. Le sac de ciment continue à se négocier dans le marché informel entre 600 et 700 DA. Ce qui veut dire que l'impact des mesures prises a été tout simplement nul. C'est là le constat établi par les professionnels du bâtiment et de la construction demeure accablant et ce ne sont pas les récentes assurances du ministre de l'Habitat et celui de l'Industrie qui vont, apparemment, les tranquilliser. « L'informel prime sur le formel », assène un opérateur du secteur du bâtiment sous couvert de l'anonymat. Notre interlocuteur confirme en effet que pratiquement rien n'a changé sur le terrain malgré l'importance des décisions prises par les autorités visant à juguler l'expansion du secteur informel au dépend de l'économie réelle. Il affirme que son organisation (patronale) a déjà pondu une analyse sur le marché du ciment et les conséquences de la mainmise du secteur informel sur le circuit. « On a l'impression qu'il s'agit d'un Etat dans l'Etat. Sinon comment expliquer que le sac de ciment dont le prix est dorénavant fixé par décret reste bien au-delà de tout entendement chez les distributeurs », dénonce notre interlocuteur. Même la décision prise par le gouvernement de fixer dorénavant les marges plafonds de distribution du ciment par décret exécutif s'est avérée comme un véritable coup d'épée dans l'eau. Ce décret publié récemment avait pour objet de fixer les marges plafonds de distribution du « ciment portland composé conditionné ». Ainsi les marges plafonds brutes applicables à la commercialisation du ciment au stade de gros et de détail sont fixées respectivement à 80 et 120 DA le quintal, 40 et 60 DA le sac de 50 kg, précise le texte. Ce tarif est valable pour le prix de cession du ciment à la sortie-usine, y compris les charges de manutention, en toutes taxes comprises (TTC), pour la marge de gros, au prix de vente de gros, pour la marge de détail, au prix CAF (coût, assurances et fret), ainsi que pour la marge de gros à l'importation. « Les prix de cession applicables au ciment conditionné en sacs de 50 kg, à partir du même ciment livré en vrac aux unités de conditionnement, doivent être identiques aux prix de cession (TTC), pratiqués pour le ciment conditionné par les cimenteries ayant livré le ciment en vrac », ajoute le décret. Cette nouvelle réglementation ne semble pas avoir eu l'effet escompté puisque les prix demeurent toujours élevés. Et les pouvoirs publics semblent d'ailleurs l'avoir bien compris puisqu'une autre stratégie sera adoptée afin de casser la chape de plomb imposée par la sphère spéculative. Ainsi, l'Algérie, en sus de l'importation des trois millions de tonnes de ciment envisage la construction d'au moins trois nouvelles cimenterie afin d'endiguer le problème du manque de cette matière sur le marché. Selon le journal électronique TSA qui cite ses propres sources, les services de contrôle du ministère du Commerce et de la Gendarmerie nationale chargés de contrôler le marché de la distribution du ciment et de lutter contre la spéculation n'ont pas réellement changé le cours des choses. Le bilan serait très maigre avec entre autre la suspension en mai dernier de 29 grossistes en ciment dans la wilaya de Médéa pour « spéculation » et « dissimulation de chiffres d'affaires». Le marché de détail qui échappe au contrôle des autorités est alimenté essentiellement par certains entrepreneurs qui détournent le ciment acheté auprès des cimenteries pour leurs chantiers, et les commerçants qui ont leur entrée dans les cimenteries publiques.