Le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet s'est montré jeudi prudemment serein à propos de l'économie de la zone euro et plutôt inquiet pour l'inflation, semblant promettre une longue période de statu quo monétaire.Le Français n'a pas déçu les économistes qui n'attendaient en majorité rien de franchement nouveau lors de la conférence de presse mensuelle suivant la réunion du conseil des gouverneurs, qui s'est tenue cette fois à Athènes. En un mois, les gardiens de l'euro n'ont "pas changé leur vision" des choses, a-t-il d'ailleurs déclaré. Malgré le taux d'inflation, tombé à 3,3% en avril sur un an après le pic de 3,6% en mars, un mieux certes, mais qui reste bien loin de l'objectif à moyen terme de la BCE, visant un taux légèrement inférieur à 2%. Et malgré aussi le repli de plusieurs indicateurs clés de confiance et d'activité économique pointant en direction d'un ralentissement marqué de la croissance économique des Quinze. "Les fondamentaux économiques restent sains", a assuré le président de la BCE. La croissance va certes ralentir, mais se poursuivre. D'ailleurs, "il apparaît que l'économie s'est montrée résistante au premier trimestre". Comme les mois précédents, il a certes reconnu "l'incertitude inhabituellement élevée" que font peser sur les perspectives de croissance les tensions persistantes des marchés financiers. Et il a aussi admis quelques tensions sur le front du crédit en zone euro, retirant de son texte introductif la phrase habituelle où il faisait état de l'absence de pression significative dans ce domaine. Mais face aux risques inflationnistes qui, selon lui, augmentent toujours et une économie qui reste robuste, l'heure n'est pas encore venue de penser à baisser les taux et le conseil des gouverneurs a opté "à l'unanimité" pour un nouveau maintien du principal taux directeur. Il reste donc à 4%, son niveau depuis juin. Au delà, la BCE semble s'engager dans une longue période de statu quo, même si comme l'a redit M. Trichet, elle est "en permanence en alerte", en clair prête à bouger ses taux si nécessaire. "Le dilemme entre les risques d'affaiblissement conjoncturel d'une part et d'une augmentation des risques inflationnistes d'autre part demeure", constate Fabienne Riefer, économiste à la Postbank. D'ici qu'il soit résolu, l'immobilisme monétaire sera de mise. La BCE s'attend au cours de l'année à un apaisement graduel des tensions inflationnistes, qui sont essentiellement liées au pétrole cher et à l'envolée des prix des aliments. A moins que ne s'enclenchent des "effets de second tour", un dérapage généralisé des prix découlant notamment d'augmentations salariales très élevées en zone euro. Jean-Claude Trichet a de nouveau appelé indirectement les partenaires sociaux à la modération dans leur exigences. Pour Holger Sandte, analyste de la WestLB, la BCE se "laisse toutes options ouvertes" pour l'avenir. De nombreux économistes pensent qu'elle va finir comme ses homologues américaine et britannique par abaisser son taux principal, probablement vers la fin de cette année. Les Etats-Unis, que la débâcle des crédits hypothécaires à risque ont plongé au bord de la récession, ont déjà drastiquement réduit les conditions du crédit pour tenter de faire redémarrer leur économie. Et la Banque d'Angleterre, qui a laissé jeudi son principal taux directeur inchangé à 5%, a elle aussi déjà réduit le loyer de l'argent face à une détérioration des conditions du crédit et aux difficultés de son marché immobilier.