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“L'Algérien a besoin de philosophie”
Entretien avec Hamid Grine, romancier
Publié dans Le Maghreb le 28 - 05 - 2008

Dans l'entretien qu'il nous a accordé, l'essayiste et romancier, Hamid Grine, nous livre une vision assez critique de la société algérienne et des contradictions qu'elle véhicule. Il estime aussi que l'Algérien a besoin de valeurs et de philosophie pour donner un sens à sa vie.
Le Maghreb : M. Hamid Grine, vous êtes connu pour vos qualités de portraitiste et d'essayiste de talent. Vos dernières œuvres ont versé dans le roman. Qu'est ce qui a motivé cette reconversion ?
Hamid Grine : Rien n'a motivé en réalité cette reconversion. Je n'ai pas de plan de carrière, ni d'objectifs marketing en matière d'écriture. Je n'ai pas prévu d'écrire une biographie, un essai et puis un récit. Pour moi cela ne se passe comme ça. Quand j'ai fini d'écrire " Cueille le jour avant la nuit ", je ne pensais pas écrire un roman. Je pensais que le roman était un exercice vain. Je me demandais, mis à part le divertissement, que pourrait apporter le roman. Et puis je me suis retrouvé à écrire un roman et j'ai éprouvé beaucoup de plaisir à écrire " La Dernière prière ". C'est venu comme ça. Ce sont des idées qui se sont imposées à moi et une envie de les coucher sur papier. Tout simplement.
Quand on lit " La Dernière prière ", on est troublé par le personnage principal " Hawès " et on se demande s'il n'y a pas une petite part de Hamid Grine dans ce personnage ?
Dans chacun des personnages du roman, l'auteur est quelque part. Je suis un peu Hawès, je suis un peu Haoua, un peu dans tous les personnages, y compris les plus détestables. Ça dépend du degré d'implication dans les personnages. Je suis peut être à 0,2 % dans tel personnage et à 40 % dans Hawès. Et tout auteur digne de ce nom est dans ses personnages. Comme un père avec son fils ou une mère avec sa fille
C'est aussi le cas dans votre dernier roman " La Nuit du Henné " ?
Mes proches me disent c'est toi Hawès, c'est toi Maamer Hebak (Personnage principal de la Nuit du Henné, NDLR), alors que Maamer Hebak est le personnage détestable. C'est un petit algérien macho vaniteux mais nul. Je dis toujours que je ne peux pas être tout et son contraire. Le personnage de Hawès est très positif, en dépit de sa complexité. Il aime les femmes, il aime la prière, il aime la boisson et il aime le prophète (QSSSL). Il adore les extrêmes mais c'est quelqu'un de très positif, dans le sens où il avait une formation, un bagage. La philosophie est très importante. Il avait une vision sur la vie, des idéaux, des valeurs et c'est quelqu'un qui est cohérent dans une Algérie d'incohérence.
En revanche, Maamer Hebak est quelqu'un de petit format qui met des masques. Tenez, il aurait été à ma place en ce moment, il vous aurait donné ce que vous voulez entendre, se serait évertué à vous donner plein de scoops mais sans plus. On me dit : tient tu es Maamer Hebak, tiens tu es Hawès. Je ne peux pas l'être. Maamer Hebak est l'antinome de Hawès. Maamer Hebak est un menteur, un petit cachottier, il a un petit côté sympa et séducteur, mais ça s'arrête là. Je n'ai ni un côté séducteur, ni côté sympa.
Lorsqu'on lit vos romans, on a la nette impression que vous voulez dépeindre toutes les contradictions qui caractérisent l'Algérie. Si l'on prend par exemple le personnage de Hawès, on voit un concentré de toutes les contradictions de la société algérienne…
C'est exact. C'est une déformation universitaire. J'ai des études en sociologie. J'aurai aimé connaître le fonctionnement des gens. Comment fonctionnent les gens, qu'est ce qui les pousse à agir d'une certaine façon ou d'une autre. Par exemple, vous prenez deux personnes, vous les mettez dans un même lieu, vous les encadrez par les mêmes problèmes. L'un va réagir positivement pour régler un problème, l'autre négativement. Et ce qui m'a toujours fasciné, c'est le fonctionnement des Algériens et de la société algérienne ; quels sont les ressorts secrets qui poussent les Algériens à réagir de façon souvent négative. Vous n'avez qu'à le voir maintenant les Algériens se définissent par la colère, l'irritabilité, une nervosité permanente et vous n'avez qu'à voir le taux de suicide. Tout cela nous interpelle. Dans " La Dernière prière ", je parlais des années 1990 et j'ai essayé d'ausculter en toute modestie les Algériens à cette époque là, sans complexe aucun. Dans " La Nuit du Henné ", j'ai sondé l'Algérie des années 1980, et j'ai fait le constat d'une société absurde et hypocrite, cela ne concerne pas, bien entendu, tous les Algériens. Dans " Cueille le jour avant la nuit ", j'ai donné tout ce qu'il y a de plus personnel, mon expérience frottée à mes lectures stoïciennes, et ce qui m'a aidé à vivre. Je voulais transmettre cela aux jeunes Algériens pour les aider à vivre une bonne vie.
Dans " La Dernière prière " on a l'impression que vous avez choisi de conter la période des années 1990, parce que justement les contradictions qui caractérisent l'Algérie étaient flagrantes. Ne pensez-vous pas que ces contradictions sont aujourd'hui plus exacerbées ?
Non pas du tout. Je pense que dans les années 1990 chacun jouait sa peau. Aujourd'hui, on ne joue pas sa peau, mais sa poche. A l'époque on jouait sa peau parce qu'il fallait se définir par rapport à des partis politiques. Ce qui m'a plu dans le personnage de Hawès est qu'on est pratiquement tous les deux du même point de vue politique. Je ne suis d'aucun parti politique et je n'appartiendrai jamais à un parti politique. Pourquoi ? Parce que je n'aime pas être embrigadé. Le personnage de Hawès épouse des idées de gauche et des valeurs de gauche comme l'humanisme et il épouse également des idées de droite comme l'autorité, pas l'autorité dictatoriale, mais l'ordre et la discipline. Il aime l'autorité, l'ordre et la discipline. Je préfère l'injustice comme le dit Goethe, à l'anarchie. Je n'aime pas le désordre, je n'aime pas l'anarchie, et surtout je n'aime pas l'absence de hiérarchie. Il faut toujours, qu'il y ait un chef, pour mener la foule, pour mener un journal, des rubriques…etc. par contre, l'indiscipline ne mène nulle part. C'est Alain, je pense, qui a dit : la discipline rend intelligents ceux qui ne le sont pas. Et je pense que c'est vrai.
En faisant ressortir tout le côté négatif de l'Algérien dans le personnage de Maamer Hebak, avez-vous conçu " La Nuit du Henné " comme une sorte de thérapie ?
Une thérapie pour moi-même d'abord, dans la mesure où il fallait que je fasse mon deuil, en quelque sorte, dans les deux livres " La Dernière prière " et la " La Nuit du Henné " des années 1990 et des années 1980. Le processus de deuil commence non pas par le refus mais par l'acceptation de ce qu'on a vécu. Je voulais revenir sur deux périodes qui m'ont marqué tout simplement. Les années 1980 c'était l'ordre, la discipline, mais aussi la pénurie et le favoritisme. Et les années 1990 c'est le sang. Je voulais revenir sur deux périodes qui ont marqué ma vie.
En revanche, mon prochain livre " Le Café de Gide " est totalement différent de ce que j'ai fait jusqu'à présent. C'est l'Algérie de 1963, c'est aussi l'Algérie contemporaine. C'est l'Algérie qui allait définir ce qu'on allait devenir.
Ce nouveau roman ne serait-il pas l'aboutissement de ce que vous avez fait jusqu'à présent ?
C'est mon livre le plus personnel et le plus impersonnel à la fois. Je vous l'accorde c'est contradictoire. Personnel dans la mesure où je suis originaire de Biskra et j'ai toujours été baigné dans une ambiance, je dirais gidienne, sans jugement de valeur.
Mon personnage est parti à Biskra et a fréquenté un café magnifique en face de l'oued que j'ai moi-même fréquenté quand j'avais 15-16 ans. Impersonnel dans la mesure où pour une fois, je ne suis pas du tout dans le livre. J'y suis peut-être à 1%. Je raconte Biskra la ville mais je ne suis pas dans le livre. Le personnage du roman est également un personnage détestable. Un personnage de petit format comme Maamar, seulement ce qui le sauve est sa lucidité extraordinaire sur sa femme d'abord qu'il appelle madame sangsue. Mais aussi sur lui-même. Il n'a aucune illusion sur lui-même. C'est un petit écrivain qui travaille dans une DUCH et il l'accepte. Mais il a un regard d'une extrême sévérité sur l'Algérie. Pourquoi j'ai dit personnel ? Parce que j'ai mis six ans pour l'écrire et vingt ans pour recueillir la documentation. Je l'ai écrit en me délivrant. C'est une délivrance.
On voit aussi ce côté très personnel de l'auteur dans " Cueille le jour avant la nuit "…
Personnel oui. Mon éditeur le dit toujours et moi je le répète : c'est le livre qui s'est le mieux vendu en Algérie. Ce livre, ainsi que le livre " Chronique d'une élection pas comme les autres ". Comme quoi le président Bouteflika est très populaire et plus populaire que ne le croient certains. C'est un livre qui a été quand même objectif, il a été édité à 5 000 exemplaires et il va être réédité. " Cueille le jour avant la nuit " a été édité à 5 000 exemplaires et il va également être réédité. C'est quand même un symbole. Cela veut dire que les Algériens ont besoin de philosophie. Ils ont besoins de donner un sens à leur vie. Ils ont besoin de trouver matière à consolation. C'est le pourquoi de ce livre. C'est une première en Algérie qui n'a pas beaucoup été soulignée. Il n'y a pas beaucoup d'auteurs algériens qui ont écrit en philosophie. Et là, on peut déborder sur l'érudition des auteurs. A chaque dédicace, à chaque café littéraire, on me parle de ce livre et on me dit merci.
Au travers de " Cueille le jour avant la nuit ", on voit que vous êtes très influencés par des philosophes comme Sénèque ou Marc-Aurèle…
J'aime à dire que je suis un mauvais disciple, mais disciple quand même, de Marc-Aurèle, d'Epictète et de Sénèque. Ce sont pour moi trois professeurs et trois maîtres. Ma philosophie épouse leur philosophie dans la mesure où dans la vie il y a une règle : il y a des choses qui dépendent de nous et d'autres qui ne dépendent pas de nous. Ce qui dépend de nous est notre humeur, notre regard, notre travail…etc. Ce qui ne dépend pas de nous, c'est le regard d'autrui, la richesse, la gloire. Et si on tient à ce qui dépend de nous et on essaye de l'améliorer, et on oublie ce qui est vain, ce qui est futile comme la richesse et la gloire, on sera l'homme le plus heureux au monde. Marc-Aurèle en est la preuve. Il a dit : " Aujourd'hui, je me suis libéré de mes dernières chaînes ", c'était les opinions. J'essaye de faire de même. Si vous comprenez cette règle, vous avez tout compris au stoïcisme.
Pensez-vous que la société algérienne a besoin de stoïcisme ?
Oui. Je vous l'ai dit tout à l'heure et je le répète, nous sommes dans une époque terrible. Je pense que nous devons accepter d'abord ce nous vivons pour le changer. Accepter non pas dans le sens Maktoub. Reconnaître d'abord ce qu'il est et essayer de le transformer. Vous faites un boulot formidable. Vous ne vous êtes pas révoltés contre la société. Vous êtes dans cette société et vous essayez de dénoncer ses travers. Si vous n'acceptez pas ce que vous êtes, vous êtes en prison et vous vous trouvez mal. Vous allez devenir schizo, névrosés. Il faut accepter ce qu'il y a et puis essayer de changer.
Entretien réalisé


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