Une fois n'est pas coutume mais aujourd'hui nous allons parler tennis. En ce moment se déroule aux portes de Paris l'un des tournois les plus prestigieux de la planète : Roland Garros. Les numéros un, deux, trois etc.… français et françaises, ont quitté leur terre sous les lazzis. Tous le savent: aucun public n'est aussi impitoyable et puissant que celui de Roland-Garros. C'était la montée de la mayonnaise dans la presse française et, si la vérité sort bel et bien de ces bouches décousues, alors les joueurs (euses) français (ses) sont "les meilleurs", "un talent grave". Pour l'heure, ces prodiges ne sont encore qu'un gâchis, sortis manu militari par des as du tennis espagnols, américains et surtout russes, sans oublier les suisses. Et si la vérité sort de la bouche des spectateurs, alors cette sortie-là n'annonce rien qui vaille: brouhaha et sifflements ont accompagné les tricolores dans les entrailles du Central. Les tribunes étaient presque pleines, les loges clairsemées. Sous le vent mauvais et la pluie entêtée, bouclettes en pagaille, des acteurs occupaient leurs places habituelles, plein centre, derrière les joueurs. Les inamovibles sont attendus au complet dès l'embellie: les m'as-tu-vu, gens du spectacle et du monde du sport. Ici, c'est l'héritage gaulois, une foule partisane et manichéenne, incomparable. Ici, c'est le Central, tribunal populaire de la France gavroche et cocardière. Il n'existe aucun équivalent sur le circuit. Les Australiens sont extravertis, mais primesautiers. Wimbledon s'engoue sur des principes moraux solidement enracinés, cultivés dans une verdure aristocratique. L'US Open est une kermesse bruyante, où le consommateur de sport s'empiffre, cause et braille. A Roland-Garros, il faut triompher du Central, de ses partis pris et de ses curées. Ici, pour chaque match, il y a un gentil et un méchant, un bon et un mauvais. Les joueurs français ont toujours eu le beau rôle. Sont-ils les génies du lieu? Lazzis pour les vaincus, les poltrons et les velléitaires. Le public aime choisir, et le passeport est un passe-droit. Sur le Central, la vox populi loue le panache et la bravoure, non sans trahir quelque inclination suspecte pour l'extravagance. Elle choisit parfois de manière arbitraire, par pure espièglerie. Mais elle choisit toujours. Ici, les réputations dégringolent en un coup de pouce. Et des joueurs sont lynchés sauvagement. Des gradins, le fiel se déverse en flot continu et violent. Car le Central râle mais, en toute mauvaise foi. Car son cœur ne bat que pour les Français. Longtemps, le Suisse Roger Federer n'a pas trouvé ses marques sur ce court, dont les dégagements semblaient le désorienter. Les chœurs du Central l'ont accompagné en finale parce qu'il parlait français. Ils n'ont pas choisi, allez savoir pourquoi, Rafael Nadal, une légende qui se construit. L'Espagnol marche sur les pas des grands et un quatrième titre consécutif. Les français sont pâles chez eux et le chauvinisme de leurs compatriotes fait oublier la beauté de ce sport si élégant. Lacoste en aurait eu vraiment honte… Et le crocodile se mordrait bien la queue.