Il y a deux années, le 17 juillet 2006 succombait à l'âge de 69 ans, le maître incontesté du chaâbi, El Hachemi Guerouabi à sa maladie contre laquelle il luttait avec pudeur et courage. Un hommage sans grand attrait lui a été rendu jeudi dernier à la salle Ibn Zeidoun de Riadh El Feth, en présence de sa famille, ses proches, quelques amis et la ministre de la Culture, Khalida Toumi, qui n'avait pas fait de discours de circonstance. Bien avant le spectacle lyrique animé dans cet espace à la mémoire de l'auteur de «L'barah», une exposition photo retraçant les moments les plus sacrés dans la carrière du poète, a été proposée ainsi qu'un film documentaire qui, malheureusement, ne retraçait que les moments de scène du chanteur. Un documentaire qui a été fait juste après sa mort et qui n'a pas la valeur d'une œuvre proprement réaliste et fouinée. Son fils Mustapha, fut le premier à honorer la scène avec Didine Karroum et Abderrahmane El Kobbi en reprenant les standards de celui qui avait bouclé un demi siècle de carrière marqué surtout par le fait d'avoir insufflé du neuf dans un style musical jalousement gardé par les puristes comme El Anka. Le génie de Guerouabi n'est pas seulement dans sa voix absolument atypique mais surtout dans cet apport considérable à un orchestre qu'il enrichira avec d'autres instruments donc d'autres rythmes faisant du classique « sacré » et monocorde une musique résolument populaire, qu'on appelle le chaâbi ou l'aâroubi. Après le rejeton du défunt, ont succédé sur scène Abderrezak Guenif, Abderrahmane El Kobbi, Hamid Laïdaoui, Sid-Ali Lekkam, Didine Karoum, et Khelifa Berrabha de Miliana, le tout sous la direction du chef d'orchestre chaâbi Smaïli Farid. Né le 6 janvier 1938 à El Mouradia (Alger), Guerouabi grandit dans le quartier populaire de Belcourt où deux passions occupent son temps : le football et la musique. Au début des années 50, il commença à s'intéresser à la musique et tout particulièrement à El-Anka, M'rizek, H'ssissen, Zerbout et Lachab. Au music-hall El Arbi, il se distingue en obtenant deux prix. Grâce à Mahieddine Bachetarzi, il rejoint l'Opéra d'Alger, de 1953 à 1954, ou il chantera Magrounet Lehwahjeb qui fut un succès. Engagé à l'Opéra comme chanteur, il fera aussi de la comédie et jouera dans plusieurs pièces et dans de nombreux sketches dont Dahmane la chaire et Haroun Errachid. Après l'indépendance, il fait une rencontre décisive qui donnera un véritable essor à sa carrière : le génie Mahboub Bati avec lequel il se perfectionne jusqu'à devenir un vrai chanteur. Le fleuron de son répertoire de ces années-là, l'inoubliable « El Bareh », marquera toute une génération et bien au-delà. L'auteur de Leghiam, Sbhan houa Khalek lekouane, El barah kan fi omri achrine ou encore Harraz Aouicha s'inspirait de toutes ces petites choses qui font un quotidien comme l'amour, l'absence, l'amitié ou les autres plaisirs. Au moment où l'Algérie vivait ses moments les plus atroces, l'artiste choisit la valise pour s'exiler en France vers 1995 où il se remarie avec une jeune émigrée. Son dernier concert mémorable il le donnera en 2005 devant des centaines de spectateurs pendant qu'il claudiquait sur sa béquille qui remplaçait une jambe amputée. Un ultime adieu à son adresse avait eu lieu au Palais de la culture en présence d'un public très nombreux. Il repose à El Madania (Alger) non loin de son quartier natal.