Uranium, nickel, coton, argent, sucre... Avant leur flambée actuelle, les marchés des matières premières ont déjà connu des heures chaudes. Entre bulles spéculatives et craintes de pénurie, retour sur les moments forts de leur histoire. Aujourd'hui les métaux non ferreux et le bois La chute de "Doigts de cuivre" METAUX NON FERREUX. Le parcours du trader Yasuo Hamanaka anticipe celui de Jérôme Kerviel. Jusqu'à l'arrestation de Jérôme Kerviel en janvier 2008, le record de la plus grande débâcle financière provoquée par un seul homme était détenu par Yasuo Hamanaka. Ce trader de la banque Sumimoto était surnommé "Doigts de cuivre" ou "Monsieur cinq pour cent" en référence à la part mondiale du métal rouge qu'il contrôlait au sommet de sa gloire. Quand, le 5 juin 1996, il confessa finalement avoir perdu d'énormes montants dans des opérations parallèles et cachées, l'ampleur du désastre fut chiffrée à 1,6 milliard de dollars. Au final, la facture a gonflé à 2,8 milliards de dollars et n'a pas été payée que par Sumimoto. JP Morgan, Merrill Lynch ou UBS (pour 85 millions de dollars) sont également passés à la caisse. Combien Hamanaka avait-il gagné avant? On ne le saura jamais. Certains affirment qu'il avait pu amasser 20 milliards de dollars dans les belles années. Yasuo Hamanaka était une star, ses propos concernant le marché du cuivre étaient parole d'évangile. Sa méthode, en fait, était simple: à travers les positions accumulées par Sumimoto, le trader disposait d'une masse critique suffisante pour manipuler le marché. Il accentuait la rareté dans les périodes où se dessinait une pénurie pour maintenir des prix artificiellement hauts. Motivé par la peur Le mystère est qu'il ait pu agir si longtemps sans provoquer aucune réaction de ses supérieurs. Comme Jérôme Kerviel, Yasuo Hamanaka était un malade du travail, qui passait ses ordres parallèles à 3 heures du matin sur les bourses occidentales. Il avait bien un compte en Suisse et entretenait une coûteuse maîtresse, mais pour le reste vivait plutôt modestement avec sa femme, ses deux enfants et son chien dans une banlieue de Kawasaki. Le journaliste Eiichiro Tokumoto, qui lui a consacré un roman à clés (Squeeze) après s'être fait prendre aux prédictions du "gourou", pense que le motif principal de ses actes était la peur - crainte d'être découvert, d'avoir à justifier les premières pertes. Cette peur habitait aussi ses supérieurs, que personne n'a crus quand ils affirmaient ne pas être au courant des manipulations ou niaient les avoir couvertes. En 1993 déjà, des variations de prix inexplicables sur le marché du cuivre avaient fait de nombreuses victimes, dont la société chilienne Codelco, premier producteur mondial de cuivre. A ce moment, les regards s'étaient déjà tournés vers Yasuo Hamanaka, sans résultat. La banque Sumimoto avait pourtant des règles internes interdisant les manœuvres spéculatives sur les marchés mais - autre parallèle avec l'affaire Kerviel/Société Générale - ne les a pas appliquées, trop contente de jouer dans la cour des grands grâce aux exploits de son trader. Il a fallu que l'office anti-fraude britannique puis l'organe de contrôle américain (CFTC) commencent à enquêter sur le marché du cuivre au début de l'année 1996 pour que Sumimoto mène sa propre enquête. En mai, les rumeurs ont commencé à circuler sur la mise à l'écart de Yasuo Hamanaka. En quatre jours, le cours du cuivre perdait 15%. Il baissa encore de quelque 2 300 dollars la tonne à 1 500 dollars la tonne et resta à ce plancher pendant plusieurs années. En mai 2008, la tonne se négociait à 8 400 dollars. Fiche signalétique : le cuivre Le premier producteur mondial de cuivre est aujourd'hui la Chine (3,5 millions de tonnes sur un total de 17,7 millions), alors qu'en 2005 c'était encore le Chili. Mais, historiquement, le premier producteur connu fut l'île de Chypre, d'où le mot "cuivre" tire son origine (aes cyprium, puis cuprum). C'est un des plus anciens métaux utilisés par l'homme, les premiers objets trouvés remontant à 8700 ans avant J.-C. C'est aussi un des rares qui existe à l'état natif, bien qu'on le trouve plus souvent sous forme de sulfure ou de sulfo-sel. Il offre une bonne conductivité électrique - d'où son utilisation dans les câbles - et thermique. A faible dose, le cuivre est aussi un oligo-élément indispensable à la vie. Chez l'homme, il intervient dans la fonction immunitaire et contre le stress oxydant. Ses propriétés antiinfectieuses étaient déjà utilisées dans l'Egypte antique. A plus forte dose, il peut devenir un puissant poison. Le cuivre est couramment utilisé dans les alliages (laiton, bronze). Il est associé à la planète Vénus, à la féminité, à la jeunesse et à l'amour. Le bois de chauffe prend sa revanche ARBRE. Avec le choc pétrolier, la production forestière est de nouveau en vogue. Durant des siècles, le bois fut la principale source d'énergie pour le chauffage et la cuisson en Suisse. Dans la construction, son utilisation n'a cessé de décliner après la seconde Guerre mondiale, en raison des contraintes économiques, de l'urgence de la reconstruction et la mode du "tout-béton" - considéré comme plus moderne. Depuis une quinzaine d'années, le bois connaît un net regain d'intérêt. Mobiliers design, bâtiments contemporains... ce matériau chaleureux, vivant, écologique, est d'autant plus "tendance" qu'il bénéficie de nouvelles techniques de construction: il peut par exemple être soudé par friction, sans colle chimique. Les scieries prises en étau Le prix du bois rond - matériau qui n'a pas subi de transformation - se situe à 93 francs le mètre cube, toutes essences et qualités confondues. "Avant la tempête Lothar, ce prix atteignait 97 francs le mètre cube pour tomber à 52 francs juste après", note Pierre Lancoud, directeur de La Forestière à Echandens (VD). Revers de la médaille: cette inflation affecte ses principaux clients, les scieries. Et comme elles travaillent dans un environnement international toujours plus compétitif, elles sont obligées d'abaisser leur prix de vente. En matière d'énergie, le bois est également en vogue, en raison du prix des énergies fossiles. Actuellement, le prix des bûches destinées à la combustion est de 9 centimes le kilowattheure, celui des plaquettes de 5,5 ct/kWh et les granulés de 7 ct/kWh. "Ces prix sont tout à fait concurrentiels face au mazout, qui se situe à 13 ct/kWh", explique Véronique Zapf, d'Energie-bois Suisse. Un jour, nous roulerons peut-être même au bois, des chercheurs de Karlsruhe développant un carburant synthétique à base de ses résidus. Le bilan écologique du bois est séduisant. Sa combustion rejette dans l'atmosphère autant de dioxyde de carbone que les arbres en ont absorbé durant leur croissance. Sous-exploitées D'ailleurs, la même quantité de CO2 retourne dans l'air lorsque le bois pourri dans les forêts. Celles-ci sont actuellement sous-exploitées. Quelque 9,5 millions de m3 de bois poussent chaque année en Suisse, alors que 5,7 millions de mètres cubes ont été récoltés en 2007. Selon l'Office fédéral de l'environnement, le pays pourrait ainsi consommer jusqu'à 1,3 million de m3 de bois en plus chaque année, sans porter préjudice à l'environnement... et sans diminuer les surfaces boisées! Au niveau mondial, on assiste à une évolution relativement stable de la forêt. "Les superficies, en tenant compte des déforestations, montrent une réduction annuelle moyenne sur cette décennie de 0,23%", souligne Jean-Luc Sandoz, directeur de Conceptboisstructure. Seules les zones tropicales subissent une déforestation qui se fait au détriment des écosystèmes et des populations indigènes. Fiche signalétique : le bois Les forêts suisses ont permis de récolter 5,7 millions de mètres cubes de bois en 2007. La situation financière des entreprises forestières s'est améliorée. Leur déficit s'est réduit de 35 millions à 13 millions de francs, selon la statistique forestière 2007 publiée par l'Office fédéral de l'environnement. Les revenus ont augmenté de 8% à 514 millions de francs, leur meilleur niveau depuis la tempête Lothar en 2000. La part du bois utilisée comme énergie atteint 23%. La baisse constatée de 6% par rapport à l'année précédente s'explique en partie par des hivers 2006 et 2007 cléments. 12% de la récolte ont été achetés par l'industrie pour fabriquer du papier, de la cellulose ou du contreplaqué. En Europe, toutes essences confondues, la Russie possède de loin les plus importantes ressources forestières. Son volume de bois sur pied atteint 89,1 milliards de mètre cubes. La France arrive en deuxième position (2,9 milliards de mètres cubes) suivie de très près par la Suède (2,9 milliards). La Suisse arrive en dix-huitième position avec des forêts riches de 400 millions de mètres cubes de bois sur pied.