Uranium, nickel, coton, argent, sucre... Avant leur flambée actuelle, les marchés des matières premières ont déjà connu des heures chaudes. Entre bulles spéculatives et craintes de pénurie, retour sur les moments forts de leur histoire. Le prix des grains monte au nez des moutardiers OLEAGINEUX. En un an, les producteurs de condiments ont encaissé une envolée de 150% de la graine de moutarde. L'envolée des prix agricoles vient, par effet domino, perturber le commerce de céréales oubliées. Comme celui de la graine de moutarde. Celle-ci s'est appréciée de 150% sur un an. Après avoir déjà connu une inflation de 50% au cours des trois années précédentes. En France, les moutardiers, qui produisent 90 000 tonnes de condiments par an, font la grimace. Les Chinois se seraient-ils soudain mis à assortir chacun de leurs plats de moutarde de Dijon, au point de faire exploser la demande de graines de brassica juncea ? Le phénomène est plus indirect. Le gros des récoltes des plaines canadiennes du Saskatchewan ou du Manitoba fournit en effet également une huile de cuisson épicée, prisée en Inde ou en Afrique. Or l'envolée des prix de tous les oléagineux a fait tache d'huile sur celui de la moutarde. Sans compter que les agriculteurs canadiens sont tentés de cultiver des espèces plus rémunératrices , destinées, par exemple, aux biocarburants. A moins que leurs clients bourguignons ne les convainquent du contraire. Au prix fort. Coup dur pour les fabricants "Lors de la négociation de nos approvisionnements, au printemps, nous nous sommes vu demander 1200 euros la tonne pour les graines livrées en fin d'année, contre 500 euros l'an dernier", témoigne Marc Désarménien, patron des Etablissements Fallot, un fabricant traditionnel de Beaune préparant 2 000 tonnes par an de pâte de moutarde. Dans l'Hexagone, les trois premiers transformateurs sont le néerlandais Unilever (marques Amora-Maille) et les allemands Kuhne (Bornier) et Develey (Reine de Dijon). Pénurie en vue? Cet accroissement du coût de la graine - qui représente le tiers du poids du condiment - devrait provoquer une augmentation de 0,40euro par kilo. Pas négligeable, quand les tarifs au détail oscillent entre 2 euros pour les produits "premier prix", à 12 euros pour le haut de gamme. "C'est un coup dur", s'exclame le patron de cette PME employant 20 personnes et réalisant 4,8 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont la moitié à l'export. En effet si ses clients français auront peut-être du mal à se passer de moutarde pour préparer la vinaigrette, les Américains eux y réfléchiront à deux fois, les taxes d'importations aux Etats-Unis faisant doubler le prix du produit! Les stocks hérités des précédentes campagnes sont si faibles que "si la récolte de cette année n'est pas au rendez-vous, ce sera la catastrophe et l'on pourrait faire face à des ruptures d'approvisionnements", prévient le responsable de cette entreprise familiale créée en 1840. En dépit de la relance de la culture locale, les agriculteurs bourguignons ne sont guère à même de venir à la rescousse. Ceux-ci ne cultivent que 1600 hectares de la graine brune, le centième des surfaces canadiennes. Pas de quoi assurer plus de quelques pour-cent des besoins des moutardiers de la région de Dijon.