La France est toujours soupçonnée de mener un double agenda sur la question turque. D'un côté, elle soutient les négociations d'adhésion avec la Turquie menées par la Commission, de l'autre elle donne le sentiment de décourager la perspective d'une adhésion turque à l'UE.Les négociations d'adhésion à l'UE se poursuivent entre la Commission européenne et la Turquie. Deux nouveaux chapitres pourraient s'ouvrir pendant la Présidence française de l'UE. A moins que les troubles issus de la procédure visant à interdire le parti au pouvoir (AKP) ne viennent compromettre la marche d'Ankara vers l'UE. Contexte Engagée par Jacques Chirac en 2005, la polémique ouverte par l'inscription dans la Constitution du caractère obligatoire du référendum en cas de nouvel élargissement de l'UE touche à sa fin. (EurActiv.fr 16/07/2008). Ainsi, la réforme de la Constitution, adoptée à Versailles par le Congrès à une voix près, le 23 juillet 2008, tempère cette disposition parfois qualifiée de "verrou référendaire." Depuis le vote du Congrès modifiant la Constitution française, le référendum est de mise pour toute nouvelle adhésion à l'UE, sauf si 3/5e des deux assemblées souhaitent passer par une ratification parlementaire. Dans ce cas, c'est au président de la République qu'il revient de trancher entre référendum et vote des parlementaires. Enjeux :Un double agenda Malgré cet assouplissement, la France est toujours soupçonnée de mener un double agenda sur la question turque. D'un côté, elle soutient les négociations d'adhésion avec la Turquie menées par la Commission, de l'autre elle donne le sentiment de décourager la perspective d'une adhésion turque à l'UE. Avant son élection, Nicolas Sarkozy avait mentionné son hostilité à l'idée de l'entrée de la Turquie dans l'UE. Du côté du gouvernement turc, le dossier de l'Union pour la Méditerranée (EurActiv.fr 15/07/2008) a renforcé les soupçons selon lesquels Paris travaille à l'éloignement d'Ankara de l'UE. Mais pour conserver une marge de manoeuvre avec ses partenaires européens et turcs, Paris ne peut se permettre d'afficher une position inflexible sur la question de l'adhésion d'Ankara à l'UE. Tenue à une relative neutralité en tant que Présidente de l'UE, la France est en outre dans une situation ambiguë sur la question turque. Bien que méfiante sur la perspective d'une Turquie dans l'UE, elle doit concilier jusqu'à fin 2008 les positions divergentes des Etats membres, tout en organisant la poursuite des négociations. Dès lors, la ligne diplomatique du Quai d'Orsay est la suivante : l'opposition de Nicolas Sarkozy à l'adhésion turque n'entrave en rien la poursuite des négociations d'adhésion entre la Commission et Ankara. Une négociation a minima 8 chapitres de négociations sur 35 sont actuellement ouverts : science et recherche, politique industrielle et entreprises, statistique, contrôle financier, réseaux transeuropéens, protection de la santé et du consommateur, droit des sociétés et droit de la propriété intellectuelle. Mais ces chapitres, sur lesquels les négociations sont engagées, restent "secondaires". Les pays réticents à l'adhésion turque, au premier rang duquel la France, faisant en sorte que les négociations ne portent pas sur des sujets sensibles, tels que les politiques économiques, monétaires et institutionnelles. Vers l'ouverture de nouveaux chapitres? Le Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008 pourrait décider de l'ouverture de deux nouveaux chapitres pour porter à dix le nombre de chapitres négociés. Selon une source proche du dossier, il s'agirait de ceux relatifs à la société de l'information et à la libre circulation des capitaux. La porte de l'adhésion turque à l'UE n'est donc pas fermée Des problèmes internes à la Turquie menacent pourtant les négociations. Tout d'abord la question chypriote, la Turquie refusant toujours de conférer aux chypriotes grecs un statut équivalent aux autres ressortissants européens. Au final, les perspectives d'une réunification sur l'île de Chypre conditionnent les négociations d'adhésion de la Turquie. Le principal parti politique du pays, l'AKP, qui a obtenu 47% des suffrages lors des élections de juillet 2007, est en outre visé par une procédure d'interdiction. Si celle-ci intervenait, une grave crise politique, susceptible de compromettre les négociations d'adhésion a l'UE, pourrait survenir en Turquie.